BOUCHERON Patrick

France

Le temps qui reste (Seuil, 2023) ; Nous sommes ici, nous rêvons d’ailleurs - Une conversation sur l’histoire (2022, Verdier)

© Bénédicte Roscot

On ne présente plus Patrick Boucheron, universitaire, éditeur et écrivain qui a fait une entrée remarquée et remarquable au Collège de France en 2015, avec son discours inaugural intitulé « Ce que peut l’histoire » (Fayard, 2016), marquant son engagement réflexif sur l’épistémologie de l’histoire et ses usages publics. En 2022, paraissait Nous sommes ici, nous rêvons d’ailleurs (Verdier, 2022), la retranscription de son ultime conversation sur l’histoire et l’utopie avec l’écrivain Mathieu Riboulet, prononcée en public au Banquet du livre à Lagrasse. L’historien revient cette année avec Le temps qui reste (Seuil, 2023), un court essai dans lequel il exprime son inquiétude face à la crise climatique et à la montée de l’extrême droite en Europe. Ses mots sont autant d’aiguillons pour sortir de l’immobilisme et se saisir du temps qui passe pour éviter la catastrophe.

Parisien d’origine, il fait ses études secondaires au lycée Marcelin Berthelot (Saint-Maur-des-Fossés) puis au lycée Henri IV (Paris). Il entre à l’École normale supérieure de Saint-Cloud en 1985 et obtient l’agrégation d’histoire en 1988. C’est sous la direction de Pierre Toubert qu’il soutient en 1994 à l’université de Paris 1 sa thèse de doctorat d’histoire médiévale, publiée quatre ans plus tard sous le titre Le pouvoir de bâtir. Urbanisme et politique édilitaire à Milan (XIVe-XVe siècles), Rome, École française de Rome, 1998 (Collection de l’EFR, 239).

Maître de conférences en histoire médiévale à l’École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud de 1994 à 1999, puis à l’université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne à partir de 1999, il fut membre junior de l’Institut universitaire de France de 2004 à 2009. En 2009, il soutient à l’université de Paris 1 une habilitation à diriger des recherches intitulée La trace et l’aura et est élu professeur d’histoire du Moyen Âge dans cette même université en 2012. Il est, depuis 2015, président du conseil scientifique de l’École française de Rome. Il a été élu la même année professeur au Collège de France sur la chaire « Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle ».

Ses travaux ont d’abord porté sur l’histoire urbaine de l’Italie médiévale et sur l’expression monumentale du pouvoir princier, cette histoire sociale étant envisagée dans toutes ses dimensions, des plus matérielles et concrètes (économie de l’édilité, techniques de construction) aux plus abstraites (pensée politique et styles architecturaux). Ces travaux l’ont mené vers deux directions principales : d’une part, la saisie synthétique du fait urbain dans une démarche d’histoire comparée à l’échelle européenne, d’autre part l’analyse de la sociologie historique de la création artistique à partir de plusieurs enquêtes menées sur la peinture politique, les enluminures ou la sculpture funéraire.

Parallèlement, Patrick Boucheron engageait une réflexion sur l’écriture et l’épistémologie de l’histoire aujourd’hui, tentant de réarticuler littérature et sciences sociales à partir de quelques chantiers collectifs (sur la notion d’espace public ou de violences intellectuelles notamment) mais aussi d’expérimentations personnelles. Dans Faire profession d’historien (Paris, Publications de la Sorbonne, 2010), il a fait le récit de la manière dont ces deux activités, qui cheminaient jusque là parallèlement, trouvent à se réconcilier dans Léonard et Machiavel (Verdier, 2008), mais aussi dans L’histoire du monde au XVe siècle (Fayard, 2009). Car à travers le décloisonnement des regards et la désorientation des certitudes que propose une certaine manière d’écrire l’histoire du monde, c’est bien la pratique d’une histoire inquiète qui est cherchée ici, comme tente de l’expliciter L’entretemps. Conversations sur l’histoire (Verdier, 2012) mais aussi, d’une autre manière, Conjurer la peur. Sienne 1338. Essai sur la force politique des images (Seuil, 2013, rééd. 2015).

Membre du comité de rédaction de la revue L’Histoire depuis 1999, du conseil scientifique des Rendez-vous de l’Histoire de Blois et du conseil scientifique du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem, Marseille) depuis 2013, participant régulier du Banquet du Livre de Lagrasse depuis 2008, ainsi que de différentes manifestations publiques, festivals littéraires et initiatives médiatiques, Patrick Boucheron tente de défendre la voix d’un discours engagé et savant au cœur des usages publics de l’histoire. De là son investissement dans le monde éditorial – il fut notamment directeur des Publications de la Sorbonne de 2010 à 2015 et est depuis 2012 membre du comité de lecture des éditions du Seuil et directeur de la collection « L’univers historique ».

En 2017, il dirige un ouvrage intitulé Histoire mondiale de la France dans lequel 122 chercheurs reviennent sur l’histoire de la France en quelques 140 dates-clé. Organisé de façon chronologique, l’ouvrage déconstruit l’image collective de la France comme nation exceptionnelle et la replace dans l’échiquier du monde, comme un pays parmi d’autres, qui influence ses voisins et est influencé par eux. Rédigé en petits récits condensés — de quelques pages pas plus — le livre met à mal certains canons de l’histoire de France et inflige de petites blessures narcissiques à notre mémoire collective. Un ouvrage qui fait grand bruit à la rentrée littéraire de l’hiver 2017. Histoire mondiale de la France est en lice pour le prix France Télévision 2017 dans la catégorie essais.


Bibliographie

  • Le temps qui reste (Seuil, 2023)
  • Nous sommes ici, nous rêvons d’ailleurs - Une conversation sur l’histoire (Verdier, 2022)
  • Quand l’histoire fait dates : Dix manières de créer l’évènement (Seuil, 2022)
  • La Trace et l’aura : Vies posthumes d’Ambroise de Milan (IVe-XVIe siècle) (Seuil, 2019)
  • Contretemps (Seuil, 2020)
  • Histoire mondiale de la France (Seuil, 2017)
  • Ce que peut l’histoire (Fayard, 2016)
  • L’exercice de la peur. Usages politiques d’une émotion, avec Corey Robin (Presses universitaires de Lyon, 2015)
  • Prendre dates (Verdier, 2015)
  • De l’éloquence architecturale. Milan, Mantoue, Urbino, 1450-1520 (éditions B2, 2014)
  • Conjurer la peur – Sienne, 1338. Essai sur la force politique des images (Seuil, 2013, rééd. « Points », 2015)
  • L’Histoire au conditionnel, avec Sylvain Venayre (Mille et Une Nuits, 2012)
  • L’Entretemps (Verdier, 2012)
  • Léonard de Vinci, la nature et l’invention dir., (La Martinière, 2012)
  • L’Espace public au Moyen Âge. Débats autour de Jürgen Habermas, dir. (PUF, 2011)
  • La Ville médiévale, avec Denis Menjot, (Seuil, 2003, rééd. « Points », 2011)
  • Faire profession d’historien (Publications de la Sorbonne, 2010)
  • Histoire du monde au XVe siècle, dir. (Fayard, 2009)
  • Le Mot qui tue. Une histoire des violences intellectuelles de l’Antiquité à nos jours, dir. (Champ Vallon, 2009)
  • Léonard et Machiavel (Verdier, 2008)
  • Les Villes d’Italie (vers 1150-vers 1340) (Belin, 2004)
  • Les Palais dans la ville. Espaces urbains et lieux de la puissance publique dans la Méditerranée médiévale, dir. (Presses universitaires de Lyon, 2004)
  • Religion et société urbaine au Moyen Âge, dir. (Publications de la Sorbonne, 2000)
  • Le Pouvoir de bâtir. Urbanisme et politique édilitaire à Milan XIVe–XVe siècles), (École française de Rome, 1998)
Le temps qui reste

Le temps qui reste

Seuil - 2023

On nous l’annonce comme imminente et inéluctable : une catastrophe lente à venir. On nous l’annonce depuis si longtemps. Mais est-ce pour nous alerter ou pour nous habituer ? Il est grand temps d’en décider. Car on peut craindre, ou espérer, un événement qui, lorsqu’il advient n’est pas le surgissement de l’inconnu mais la poursuite de ce que l’on connaissait très bien et qu’on n’a pas su éviter. On se rend compte alors, mais trop tard, qu’à force de l’attendre, on n’a pas compris qu’il était déjà advenu.


  • « « Le temps impose parfois à l’historien d’entrer dans la mêlée ». La conjonction des crises climatique et politique, adossée à la montée de l’extrême droite et à sa prise de contrôle médiatique, fait peser un risque sur nos sociétés, et nous somme d’élaborer un « contre-récit », prévient l’historien. » Le Monde
  • « Dans ce livre court, de 84 pages, l’auteur se penche sur l’importance de la place de l’historien dans le paysage médiatique. Il invite ici le lecteur à dépasser le sentiment d’impuissance qui nous paralyse lorsque l’on pense à tout ce qui menace l’humanité et à saisir le présent à bras-le-corps. Il mesure l’importance et la peur "du temps qui reste". » France 5
  • « La crise politique ou la catastrophe climatique, en cours ou à venir, semblent renvoyer à une accélération du temps. Un événement n’est pourtant jamais le surgissement de l’inconnu mais la poursuite du connu, dit Patrick Boucheron. Face aux urgences et à l’impression d’un terrible compte-à-rebours, le regard de l’historien pour se saisir du « temps qui reste » demeure particulièrement précieux. » Les Rendez-vous de l’histoire
  • « Comment ne pas céder à l’air du temps catastrophiste ? Celui qui assume l’incertitude de son savoir invite à ne renoncer à rien dans une réflexion stimulante sur le présent, et sur ce que peut l’histoire pour agir sur lui. » Les Inrocks
  • « L’attaque d’Arras, qui a coûté la vie à Dominique Bernard, semble répéter l’attentat contre Samuel Paty, trois ans plus tôt. L’historien Patrick Boucheron rend hommage à ces professeurs engagés dans l’éveil des consciences et rappelle pourquoi l’histoire est « un art d’émancipation ». » La Croix
Nous sommes ici, nous rêvons d'ailleurs - Une conversation sur l'histoire

Nous sommes ici, nous rêvons d’ailleurs - Une conversation sur l’histoire

Verdier - 2022

Les cinq textes de Mathieu Riboulet rassemblés dans Nous campons sur les rives furent écrits en amorce de ce que Patrick Boucheron allait dire sous la halle du village de Lagrasse cet été 2017 dans le cadre de ses « conversations sur l’histoire » qu’il anime depuis des années au Banquet du livre.
En réunissant les préludes de l’écrivain et les interventions de l’historien, il s’agit ici de livrer, telles quelles, ces paroles autour de l’histoire, mondiale ou plus locale, de la littérature, des arts, des sciences, et de tout ce qui a nourri leur dialogue, leur imagination cet été-là. Ce livre est l’archive de la parole d’un nous.


  • « Patrick Boucheron porte des réflexions sur le chez-soi face à l’ailleurs, le nom des lieux, le besoin d’utopie et le rôle poétique des expressions toutes faites. Toutes ces réflexions sont réunies dans un ouvrage intitulé Nous sommes ici, nous rêvons ailleurs co-écrit avec Mathieu Riboulet, disparu peu après l’écriture du livre. » France Inter
  • « Ensemble, Mathieu Riboulet et Patrick Boucheron répondent aux « thuriféraires de la racine », aux adeptes sournois du « on est chez nous », aux tristes chantres des ruines et de l’Apocalypse. À la fin, écrit Mathieu Riboulet, « restent nos vies inquiètes et nos élans joyeux », comme un signe amical adressé aux fantômes. » L’Humanité
  • « Les réflexions lancées sur l’ici et l’ailleurs, le nom des lieux, le rôle de l’utopie et des ruines ou la portée poétique et signifiante d’expressions toutes faites – réunies aujourd’hui sous le titre Nous sommes ici, nous rêvons ailleurs – n’en restent pas moins passionnantes. Ni moins denses et intenses les mots de son ami écrivain, qui, quoiqu’à bout de forces (il succombera à sa maladie quelques mois plus tard), savait mieux que personne « ouvrir » à l’autres ses livres et sa parole. » Lire Magazine

L'Histoire mondiale de la France

L’Histoire mondiale de la France

Seuil - 2017

" Ce ne serait pas trop de l’histoire du monde pour expliquer la France "

Jules Michelet, Introduction à l’histoire universelle (1831)

Voici une histoire de France, de toute la France, en très longue durée qui mène de la grotte Chauvet aux événements de 2015.

Une histoire qui ne s’embarrasse pas plus de la question des origines que de celle de l’identité, mais prend au large le destin d’un pays qui n’existe pas séparément du monde, même si parfois il prétend l’incarner tout entier. Une histoire qui n’abandonne pas pour autant la chronologie ni le plaisir du récit, puisque c’est par dates qu’elle s’organise et que chaque date est traitée comme une petite intrigue.

Réconciliant démarche critique et narration entraînante, l’ouvrage réunit, sous la direction de Patrick Boucheron, un collectif d’historiennes et d’historiens, tous attachés à rendre accessible un discours engagé et savant. Son enjeu est clair : il s’agit de prendre la mesure d’une histoire mondiale de la France, c’est-à-dire de raconter la même histoire – nul contre-récit ici – qui revisite tous les lieux de mémoire du récit national, mais pour la déplacer, la dépayser et l’élargir. En un mot : la rendre simplement plus intéressante !

Ce livre est joyeusement polyphonique. Espérons qu’un peu de cette joie saura faire front aux passions tristes du moment.

Directeur d’ouvrage : Patrick Boucheron est professeur au Collège de France.

Coordination : Nicolas Delalande est professeur associé au Centre d’histoire de Sciences Po ; Florian Mazel est professeur à l’université Rennes 2 ; Yann Potin est chargé d’études documentaires aux Archives nationales ; Pierre Singaravélou est professeur à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne.


Revue de presse

  •  "Une approche innovante et pluraliste, « contre l’étrécissement identitaire qui domine aujourd’hui le débat public », selon Patrick Bouheron, le chef d’orchestre de cet ouvrage polyphonique." (Sciences et Avenir)
  • "Cette Histoire mondiale de la France est une vraie bonne nouvelle pour tous ceux qui cherchaient d’autres voies d’accès au passé de ce cher vieux pays et rêvaient d’en ouvrir enfin les fenêtres."(Pierre Assouline, Le magazine littéraire)

« L’intérêt pour Machiavel renaît toujours dans...

2017

« L’intérêt pour Machiavel renaît toujours dans l’histoire au moment où s’annoncent les tempêtes, car il est celui qui sait philosopher par gros temps. Si on le relit aujourd’hui, c’est qu’il y a de quoi s’inquiéter. Il revient : réveillez-vous. » 
Depuis sa mort en 1527, on le lit pour s’arracher à la torpeur. Mais que sait-on de lui hormis le machiavélisme, cette angoisse collective devant le mal en politique ?
Allons donc chercher l’homme derrière le masque qui le défigure. Levons les contradictions qui travaillent cet esprit ardent de la Renaissance florentine : le créateur du Prince et l’homme d’action, le poète obscène et le blagueur, l’inspiration qu’il trouve autant chez les peintres que dans la mécanique des passions et intérêts humains. En somme, la sagesse de Machiavel ne se trouve-t-elle pas dans « l’art subtil de la provocation joyeuse » ?
Patrick Boucheron nous invite sur un tempo allegrissimo à découvrir un Machiavel insolent, visionnaire, implacable comme un soleil d’été. « Machiavel est un éveilleur, parce qu’il est un écrivain. Il écrit pour porter la plume à la plaie. Il écrit pour raviver, non la splendeur des mots, mais la vérité de la chose ».

Un été avec Machiavel est à l’origine une série d’émissions diffusées pendant l’été 2016 sur France Inter.