PRUDHOMME Sylvain

France

Les orages (L’Arbalète, Gallimard, 2020)

© Denis Rouvre

Chacun de ses livres a l’allure d’un voyage porté par une prose aussi efficace que poétique. Depuis quelques années, il construit une œuvre littéraire ouverte sur le monde. L’Afrique – où il a longtemps vécu et travaillé – est une de ses sources d’inspiration principale. Récompensé par le Prix Femina 2019, son dernier roman explore les questions de l’attachement et de la relation aux autres tout comme les aspiration à la liberté. Cette année sera également l’occasion de revenir sur son précédent ouvrage, Les Grands, tout aussi surprenant que lumineux, présenté dans le cadre des journées scolaires.

Sylvain Prudhomme a passé son enfance en Afrique entre le Cameroun, le Burundi, le Niger et l’Ile Maurice. C’est de cette enfance africaine qu’il garde sans doute le goût de l’exploration et du lointain.

Après des études de lettres à Paris et l’agrégation, Sylvain Prudhomme écrit de nombreux reportages et romans. Il part d’abord recueillir des contes dans le nord du Bénin, qu’il publie en 2003 sous le titre Contes du pays tammari, puis publie son premier roman en 2007 aux éditions du Serpent à plumes, Les Matinées d’Hercule : un monologue romanesque sur le thème de l’homme qui dort et du voyage immobile. En 2010 paraît chez Leo Scheer Tanganyka project : une traversée en bus de l’Afrique des Grands Lacs, dont la réalité se révèle à travers les inscriptions aux murs, les enseignes de magasins, ou les tee-shirts des habitants que le narrateur observe minutieusement.
À la même période, il dirige également l’Alliance franco-sénégalaise de Ziguinchor de 2009 à 2012 et traduit deux ouvrages, le Pancho Villa de John Reed en 2009 et l’essai Décoloniser l’esprit, de l’écrivain kenyan Ngugi wa Thiong’o (La Fabrique, 2011). C’est également un membre fondateur de la revue Geste et a collaboré au journal Le Tigre, pour lequel il écrit deux feuilletons : Africaine Queen en 2010, sur les salons de coiffure du quartier Château d’Eau à Paris, et La vie dans les arbres en 2011, sur les habitants des cabanes des forêts de l’Ariège.

Mais ce sont ses romans publiés chez Gallimard à partir de 2012 qui vont révéler Sylvain Prudhomme à un plus large public. Il écrit avant tout sur des sujets qui le touchent, des histoires inspirées de fait réels : « S’il y a des personnages qui sont de purs êtres de fiction, je suis frappé de voir qu’ils ont beaucoup moins de complexité, beaucoup moins de nuances. » Il n’hésite donc pas à puiser dans sa vie et ses rencontres : « Tout de suite, ça m’aide à incarner le personnage. Ça le rend plus réel. »
Ainsi paraît Là avait dit Bahi, Prix Louis Guilloux 2012. En Algérie, un chauffeur de camion se remémore les souvenirs de la ferme où il a travaillé 50 ans plus tôt. Il décrit au narrateur l’Algérie d’aujourd’hui et fait renaître peu à peu tout un pan de son passé, celui de son pays. Une histoire que Sylvain Prudhomme a puisé directement dans le passé de son grand-père, ancien colon en Algérie et propriétaire d’une ferme.

En 2014, Sylvain Prudhomme est la révélation française de l’année du magazine LIRE pour Les Grands. Un roman où il réinvente l’histoire d’un groupe de rock des années 70 originaire de Guinée Bissau, Super Mama Djombo : tandis que la chanteuse Dulce vient de mourir, Couto, l’ancien guitariste et amant de Dulce, retrouve les autres membres du groupe et se souvient avec mélancolie : leurs jeunesse, les concerts à travers le monde, la guerre d’indépendance… Un roman entre fiction et réalité qui nous fait déambuler avec tendresse dans les rues de Bissau. Sylvain Prudhomme y mêle créole et argot, introspection et dialogue, pour raconter avec justesse l’Afrique contemporaine, des fantômes du passé à la soif de vivre des vivants.
Redonnant vie à Super Mama Djombo, il dévellope à la suite du roman Les Grands différentes formes de lectures musicales avec des musiciens du groupe Malan Mané et Djon Motta, mais aussi avec le joueur de oud Fayçal Salhi, la violoncelliste Maëva Le Berre ou encore le photographe Lionel Roux. Il créé aussi en 2016 le duo It’s a match avec la chorégraphe Raphaëlle Delaunay, dans le cadre du festival Concordan(s)e.

En 2016, il publie Légende et délaisse l’Afrique pour La Crau, désert de pierres aux portes d’Arles où il vit désormais. Pari réussi pour Sylvain Prudomme avec un roman d’une finesse et d’un magnétisme rare, qui lui vaut le prix révélation de la SGDL. Deux amis, tels des archélogues, tentent de retracer l’existence flamboyante de deux frères et leur jeunesse à La Crau dans les années 80. Histoire fascinante que celle de ces deux légendes locales épris de liberté, incarnation d’une époque, comètes furtives et insouciantes. D’une plume entêtante et dans un décor majestueux, l’auteur nous interroge sur nos choix, notre place au monde : doit on vivre sa vie en mouton ou en papillon ? Une interrogation majeure dans l’œuvre de Sylvain Pruhomme.
Il réedite en 2018 chez Gallimard un de ses premiers romans l’Affaire furtif, où s’annonce avec force cette thématique : le désir d’intensité, le rêve d’une vie vraie... Une poignée d’hommes et de femmes débarquent sur un archipel désolé de l’Atlantique sud. Mais pour y essayer quelle nouvelle vie ? Un roman burlesque et plein de poésie à (re)découvrir.


Bibliographie

Romans

  • Par les routes (Gallimard, 2019)
  • L’Affaire Furtif (Gallimard, 2018)
  • Légende (Gallimard, 2016)
  • Les Grands (Gallimard, 2014)
  • Là, avait dit Bahi (Gallimard, 2012)
  • Tanganyika Project (Léo Scheer, 2010)
  • L’Affaire Furtif, dessins de Lætitia Bianchi (Burozoïque, 2010 )
  • Les Matinées d’Hercule (Serpent à plumes, 2007)

Reportages

  • Africaine Queen. Dans les salons de coiffure de Château d’eau (éd. Le Tigre, 2010)
  • La Vie dans les arbres ( éd. Le Tigre, 2011)
Les Orages

Les Orages

Gallimard - 2021

« Lorsque j’ai rencontré Ehlmann, il était debout sur le bord de la route, sa voiture garée en catastrophe sur la bande d’arrêt d’urgence, feux de détresse allumés. J’ai vu qu’il souriait, que tout son visage était tordu de larmes et de rires à la fois, j’ai pensé qu’il était fou. »

Avec Les orages, Sylvain Prudhomme explore ces moments où un être vacille, où tout à coup il est à nu. Heures de vérité. Bouleversements parfois infimes, presque invisibles du dehors. Tourmentes après lesquelles reviennent le calme, le soleil, la lumière.

Par les routes

Par les routes

Gallimard - 2019

« J’ai retrouvé l’autostoppeur dans une petite ville du sud-est de la France, après des années sans penser à lui. Je l’ai retrouvé amoureux, installé, devenu père. Je me suis rappelé tout ce qui m’avait décidé, autrefois, à lui demander de sortir de ma vie. J’ai frappé à sa porte. J’ai rencontré Marie. »

Avec Par les routes, Sylvain Prudhomme raconte la force de l’amitié et du désir, le vertige devant la multitude des existences possibles.


L'affaire furtif

L’affaire furtif

Gallimard - 2018

Au début, un voilier prend la fuite.
Ensuite, il y a la poursuite, l’effervescence, les hélicoptères, la surenchère des médias, les questions des politiques, les rebondissements de l’enquête, le bazooka de Bob Laventure, une mort violente, du sexe torride. Puis c’est l’oubli et dix années passent. Des traces des passagers du Furtif réapparaissent. Que sont-ils devenus ? Sur le minuscule archipel où ils étaient venus s’échouer, à l’extrême sud de l’Atlantique, la mission de recherches se transforme en chantier archéologique. Resurgissent le journal de bord du professeur de linguistique Alma Fitzpatrick, les outils du génial artiste Jo Di Bembo, les cahiers hors du temps du botaniste Toyo Sôseki, un traité d’anarchitecture, les notes ultimes d’une musicienne de renom…
Maniant l’énigme et l’humour, jouant des registres, alliant le burlesque et le poétique, Sylvain Prudhomme nous livre avec L’Affaire Furtif une robinsonnade transposée dans le monde d’aujourd’hui, roman d’aventures aux allures tantôt de conte philosophique, tantôt de fable sur les formes de vie possible…


Légende

Légende

Gallimard - 2016

La Crau, désert de pierres aux portes d’Arles. Pays ras, pays nu, abandonné au mistral et aux brebis. C’est là que vivent Nel et Matt, l’un, fils et petit-fils de bergers, aujourd’hui photographe, l’autre, constructeur de toilettes sèches publiques, réalisateur à ses heures perdues.
Entre eux une amitié forte, belle. Jusqu’au jour où, travaillant à un nouveau film, Matt s’intéresse à la vie de deux cousins de Nel aujourd’hui disparus. Deux frères maudits, qui ont traversé comme des comètes ces mêmes paysages, se consumant à toute allure, en pleines années 1980.
Allers-retours à Madagascar, adolescence sans parents, fêtes, violence, liberté, insouciance : la trajectoire des deux frères, aussi brève qu’intense, se recompose peu à peu. Échos et correspondances se tissent entre passé et présent, renvoyant Matt et Nel à leurs propres choix, nous interrogeant, à notre tour, sur notre place dans le monde.

Revue de presse

  • Flamboyance et autodestruction d’une jeunesse intensément auscultées dans Légende par un écrivain qui a su, en quelques livres remuants (Là, avait dit Bahi ; Les Grands), imposer tant sa sensibilité aux lieux, aux généalogies, aux liens entre les êtres que la singulière beauté d’une prose mélodieuse et précise. (Na.C., Télérama )
  • Un beau roman, c’est parfois un décor puissant. Celui de « Légende » pourrait bien être son personnage principal : c’est la plaine de la Crau, ce désert provençal qui s’étire sur trente kilomètres. (…) Chez Sylvain Prudhomme, on l’arpente en compagnie d’une poignée de personnages, les cinq sens en alerte comme dans un western à la Giono. (Grégoire Leménager, Nouvel Observateur)
  • De sa plume vivante, entêtante, Sylvain Prudhomme déploie l’histoire de ces écorchés vifs comme s’ouvre une fleur, avec délicatesse et émotion. Ce qui pouvait se lire comme une jolie pastorale sur fond d’estive provençale se prend alors à dérouter le lecteur, à gagner en profondeur. Subtile réflexion sur le geste de l’artiste, Légende célèbre ainsi la "profusion de vie dont une infime fraction seulement serait jamais narrée". Et déroule, en pointillé, cette interrogation lancinante : comment vivre sa vie ? En mouton, ou en papillon ? La confirmation éclatante d’un talent à suivre. (Julien Bisson, L’Express)

Les Grands

Les Grands

Gallimard - 2014

Guinée-Bissau, 2012. Guitariste d’un groupe fameux de la fin des années 1970, Couto vit désormais d’expédients. Alors qu’un coup d’État se prépare, il apprend la mort de Dulce, la chanteuse du groupe, qui fut aussi son premier amour. Le soir tombe sur la capitale, les rues bruissent, Couto marche, va de bar en terrasse, d’un ami à l’autre. Dans ses pensées trente ans défilent, souvenirs d’une femme aimée, de la guérilla contre les Portugais, mais aussi des années fastes d’un groupe qui joua aux quatre coins du monde une musique neuve, portée par l’élan et la fierté d’un pays. Au cœur de la ville où hommes et femmes continuent de s’affairer, indifférents aux premiers coups de feu qui éclatent, Couto et d’autres anciens du groupe ont rendez-vous : c’est soir de concert au Chiringuitó.

Revue de presse

  • Les Grands, extraordinaire roman de Sylvain Prudhomme, raconte l’Afrique d’un ton juste et fort. (…) La tension monte page après page, tandis que la mélancolie serpente et étreint le lecteur. Sylvain Prudhomme a trouvé un ton, juste et fort, qui hisse ce roman magnifique au rang des pépites de la rentrée littéraire. (François Busnel, L’Express)
  • Prudhomme mêle créole, argot, introspection et dialogue, dans un seul et même souffle, tisse un climat d’une urgence qui est celle de son décor. (…) Et c’est sans doute avec ce grand plongeon, personnel et littéraire, que l’auteur parvient à étouffer la tentation de l’exotisme ou le voyeurisme postcolonial. Et à partir sur les traces d’une Afrique où les fantômes sont peut-être là, mais, surtout, où les vivants sont heureusement encore plus nombreux. (Clément Ghys, Libération)
  • Dans Les Grands, aux éditions Gallimard, sylvain Prudhomme nous plonge dans l’univers musical de Super Mama Djombo. A travers les chansons de ce groupe mythique de Guinée-Bissau des années 1960, l’auteur français nous fait découvrir un autre visage de l’Afrique. Sur un air de goumbé, entre fiction et réalité, Sylvain Prudhomme a écrit un des textes les plus poétiques de cette rentrée littéraire. (RFI)
  • Dans Les Grands, roman tissé de réel et de fiction, porté par une écriture hybride savamment constellée de créole, Sylvain Prudhomme suit la déambulation de Couto dans les rues de Bissau, en ce jour de 2012 où Dulce est morte au matin. (…) Sylvain Prudhomme dote d’une dimension politique et historique son beau roman, hautement mélancolique et magnétique. (Nathalie Crom, Télérama )

Là, avait dit Bahi

Là, avait dit Bahi

Gallimard - 2012

« Là, avait dit Bahi en montrant le milieu d’un coteau où ployaient les tiges de blés encore verts, là, et marchant à pas rapides jusqu’au point désigné, à cet endroit exactement, comme si le contact de la terre sous ses pieds avait d’un coup fait ressurgir en lui la scène entière, comme si entouré des mêmes collines des mêmes champs que cinquante ans plus tôt il s’était brusquement mis à revoir chaque détail de la matinée d’alors.. »

Au volant d’un camion, sur les routes d’Algérie, Bahi raconte au narrateur ses souvenirs de la ferme où il a travaillé cinquante ans plus tôt, à la veille de l’Indépendance. Il lui décrit l’Algérie d’aujourd’hui, s’amuse des petits bénéfices qu’il fait, à soixante-dix ans, en revendant du sable d’un bout à l’autre du pays, se moque tendrement de la réussite trop clinquante de ses fils. Des réunions clandestines à deux pas de la ferme aux descentes à la plage, du travail dans les vignes à la folie meurtrière des fêtes de l’Indépendance à Oran, c’est tout un pan du passé qui renaît peu à peu, habité par la figure du fermier Malusci, que Bahi, malgré tout ce qui les séparait, n’a pas oublié.

Contes philosophiques

avec Miguel Bonnefoy, Yamen Manai et Sylvain Prudhomme - Saint-Malo 2018

Animé par Baptiste Liger
Avec Miguel Bonnefoy, Yamen Manai et Sylvain Prudhomme