- © Nancie Battaglia
Russell Banks déploie un véritable génie à décrire ces vies brisées de notre monde, qui dans un mélange de frustration et de colère, survivent dans les villes déglinguées du New Hampshire aux bidonvilles de la Jamaïque. Cet auteur incarne paradoxalement ce qu’il a toujours dénoncé : le rêve américain. Lui qui naquit ancien prolo, tour à tour plombier, placeur de livres, étalagiste, vendeur de chaussures, un temps vagabond, il finit ses études à force d’énergie et se voit consacré écrivain. Russell Banks s’impose aujourd’hui comme l’un des plus grands romanciers américains actuels, maintes fois récompensé de par le monde. Il est également auteur de scénarios pour Hollywood et deux de ses romans ont été adapté au cinéma : Affliction et De Beaux lendemains (grand Prix du Festival de Cannes 1997). Il est également membre de la prestigieuse American Academy of Arts and Letters.
Ses livres donnent une voix à ceux que les accidents de l’existence ont laissés sur le bas-côté : enfants abandonnés ou meurtris dans Sous le règne de Bone, marginaux et solitaires peuplant les caravanes de Trailerpark, petites gens trahis par leur sort malgré leur courage dans Continents à la dérive. Mais l’auteur n’oublie pas les hommes d’exception, à mi-chemin de la folie et du génie, tel que l’abolitionniste de Pourfendeur de nuages dont l’action mena à la guerre de Sécession.
Russell Banks nous embarque dans de fascinantes histoires de trahisons familiales, amoureuses et, en filigrane, politiques. Regard lucide sur la vie américaine, il osait en 2004 dans American Darling questionner les ambiguïtés humaines et décrire les pièges et les ravages d’une politique impérialiste, nous dévoilant l’envers de l’histoire (la création de l’État du Liberia, invention américaine et toile de fond du récit). La Réserve paru en 2008, raconte l’histoire d’un amour impossible entre un peintre et une jeune femme de bonne famille, une passion imprévisible et dramatique qui révèle un conservatisme des plus rigoureux.
L’auteur s’intéresse également au phénomène de la numérisation de la vie et notamment à la transformation de l’intimité et de l’objet érotique en pornographie dans son roman publié en 2012, Lointain souvenir de la peau.
En 2015, il sort Un membre permanent de la famille, un recueil de douze nouvelles. C’est dans un style plus intime et musical que Russell Banks pratique la nouvelle dont le rythme accompagne encore le lecteur à la fin de l’œuvre. Séries de portraits, les intrigues témoignent d’histoires banales mais masquent des relations complexes de familles qui se font et souvent se défont par des divorces. Dans « Un membre permanent de la famille » (deuxième nouvelle), le mari s’en va, et dans « Fête de Noël », l’épouse adultère rejoint son amant. D’un côté, des personnages se reconstruisent et d’un autre, ils gardent le poids des ruptures, et souvent restent « en rade ». Et c’est là que Russell Banks donne une voix aux oubliés, car ces gens ordinaires éprouvent le besoin d’exister, parfois de se justifier ou encore de se relever d’une humiliation. Alors ils racontent…
Il revient en 2017 avec Voyager, un recueil de récits sur ses voyages à travers le monde, une quête d’ailleurs qui est aussi l’occasion d’une découverte de soi : une véritable ôde au voyage.
Bibliographie
Nouveauté
- Voyager (Actes Sud, 2017)
Nouvelles
- Un membre permanent de la famille (Actes Sud, 2015)
- L’ange sur le toit (Actes Sud, 2001)
- Survivants (Actes Sud, 1999)
- Histoire de réussir (Actes Sud, 1994)
Romans
- Continents à la dérive (Actes Sud, 2016)
- Lointain souvenir de la peau, (Actes Sud, 2012)
- La Réserve, (Actes Sud, 2008)
- American Darling (Actes Sud, 2005)
- De beaux lendemains (Actes Sud, 2003)
- Sous le règne de Bone (Actes Sud, 2002)
- Le pourfendeur de nuages (Actes Sud, 1999)
- La relation de mon emprisonnement (Actes Sud, 1999)
- Affliction (Actes Sud, 1999)
- Continents à la dérive (Actes Sud, 1994)
- Le livre de la Jamaïque (Actes Sud, 1993)
Autres publications
Adaptations au cinéma
- De beaux lendemains (The Sweet Hereafter), réalisé par Atom Egoyan, 1997
- Affliction, réalisé par Paul Schrader, 1997
- Trailerpark, réalisé par Jonny Look et Patrick Muhlberger, 2010