MARTIN Nastassja

France

À l’est des rêves (La Découverte, 2022)

© Mathieu Génon

Anthropologue spécialiste des populations arctiques, tout particulièrement du peuple des Evènes, aux confins de la Sibérie, et du peuple des Gwich’in des forêts de l’Alaska, dont elle retranscrit les réalités contemporaines dans un premier ouvrage Les âmes sauvages. Dans Croire aux fauves, Nastassja Martin se penche cette fois-ci sur son histoire personnelle, et raconte avec des mots justes sa difficile rémission suite à la rencontre avec un ours lors d’une expédition dans les montagnes du Kamtchatka. Ce récit tendu et incandescent, à l’écriture éminemment littéraire, lui permettant de résonner hors du milieu scientifique, ouvre la porte d’un autre rapport au vivant. Observer d’autres manières de dialoguer avec les êtres : c’est aussi une idée qui traverse son dernier ouvrage, À l’est des rêves, dans lequel elle raconte le retour d’une famille even à la vie en forêt et au mode de vie de leurs ancêtres, après l’effondrement de l’URSS. Dans ce récit passionnant, l’autrice fait dialoguer les histoires mythiques du peuple autochtone avec les politiques coloniales d’assimilation. Et si dans leur manière d’être au monde se trouvait des réponses aux crises que nous traversons ?


Bibliographie

  • À l’est des rêves. Réponses even aux crises systémiques (La Découverte, 2022)
  • Croire aux fauves (Gallimard, 2019)
  • Au seuil de la forêt. Hommage à Philippe Descola, collectif (Tautem, 2019)
  • Les Âmes sauvages (La Découverte, 2016)
À l'est des rêves. Réponses even aux crises systémiques

À l’est des rêves. Réponses even aux crises systémiques

La Découverte - 2022

Après avoir travaillé en Alaska avec le peuple Gwich’in, Nastassja Martin a franchi le détroit de Béring pour entamer une recherche comparative au Kamtchatka. Pendant l’époque soviétique, les Even, peuple nomade d’éleveurs de rennes, ont été sédentarisés dans des fermes collectives. Après la chute du régime, beaucoup ont continué d’être les bergers des rennes qui ne leur appartenaient plus, les troupeaux étant aux mains d’entreprises privées. Depuis l’ouverture de la région en 1991, les anciens kolkhozes du Kamtchatka se transforment en plateformes touristiques.

En 1989, juste avant la chute de l’Union soviétique, une famille even aurait décidé de repartir en forêt, recréer un mode de vie autonome fondé sur la chasse, la pêche et la cueillette. Était-ce une légende ? Comment un petit collectif violenté, spolié, asservi par les colons avant d’être oublié de la grande histoire s’est-il saisi de la crise systémique pour regagner son autonomie ?
Comment a-t-il fait pour renouer les fils ténus du dialogue quotidien qui le liait aux animaux et éléments, sans le secours des chamanes éliminés par le processus colonial ? Quelles manières de vivre les Even d’Icha ont-ils réinventées, pour continuer d’exister dans un monde rapidement transformé sous les coups de boutoir de l’extractivisme et du changement climatique ?

Dans ce livre, où les rêves performatifs et les histoires mythiques répondent aux politiques d’assimilation comme au dérèglement des écosystèmes, l’autrice fait dialoguer histoire coloniale et cosmologies autochtones en restituant leurs puissances aux voix multiples qui confèrent au monde sa vitalité.

Tvaïan

Tvaïan

Mike MAGIDSON Nastassja MARTIN (Point du Jour/2022/83’) -

Après la chute de l’Union soviétique en 1989, Daria, une femme Even, s’installe avec sa famille au cœur de la forêt boréale, le long de la rivière Icha. S’appuyant sur les savoirs animistes de ses aïeux, Daria et son clan ont recréé au cours des trente dernières années un mode de vie unique. Incursion bâtie sur deux saisons dans une des régions les plus reculées au monde, Tvaïan porte de nouvelles façons de vivre qui repensent les rapports des humains à leur environnement.
Lun. 17h15, Grande Passerelle 1

Croire aux fauves

Croire aux fauves

Verticales - 2019

« Ce jour-là, le 25 août 2015, l’événement n’est pas : un ours attaque une anthropologue française quelque part dans les montagnes du Kamtchatka. L’événement est : un ours et une femme se rencontrent et les frontières entre les mondes implosent. Les limites physiques entre un humain et une bête, en se confrontant, ouvrent des failles sur leurs corps et dans leurs têtes. C’est aussi le temps du mythe qui rejoint la réalité ; le jadis qui rejoint l’actuel ; le rêve qui rejoint l’incarné. »

Croire aux fauves est le récit d’un corps-à-corps entre un ours et une anthropologue au Kamtchatka. Et comme Nastassja Martin le souligne immédiatement, c’est une blessure et une renaissance, dont elle sortira en partie défigurée, mais surtout transfigurée. La singularité de son point de vue a toujours tenu à son engagement avec les peuples étudiés – les Gwich’in de l’Alaska puis les Évènes d Kamtchatka –, engagement si total qu’il a parfois aboli les distances soi-disant objectives et soulevé en elle des interrogations vertigineuses. Ainsi, avec cet ours, s’est-elle confrontée à une figure essentielle des mythologies locales, « l’âme sauvage », comme si cette bête fauve était le point de collision entre savoirs scientifiques et implication animiste. Outre ce motif initial, elle relate les nombreuses opérations subies en Russie à l’hôpital de Petropavlosk, puis en France à La Salpêtrière ou au CHU de Grenoble. Au cours d’une énième hospitalisation, de nouvelles menaces surviennent, une maladie nosocomiale puis un risque de tuberculose. Face à ces sombres perspectives, la rescapée décide de retourner sur les lieux du « baiser de l’ours ». Et c’est dans ce refuge d’une inquiétante familiarité qu’elle approfondit les questionnements qui l’ont assaillie depuis des mois, les met au diapason d’une pleine Nature habitée par des croyances ancestrales et des solidarités élémentaires, mais aussi à l’épreuve des préjugés de certains habitants envers la « miedka » qu’elle est devenue, mi-femme mi-fauve. Ultime stigmatisation qui va nourrir son désir de pousser plus loin encore sa méditation anthropologique.


Revue de presse

  • « Nastassja Martin entrevoit, non sans une forme de jubilation, un versant du réel auquel l’enquête ethnographique ne lui avait pas donné accès. L’étreinte forcée, à laquelle elle tente de trouver un sens, revient obsessionnellement au fil de ce palpitant journal de ­survie rédigé à la Artaud, à la Michaux, au bord des gouffres. » Le Monde
  • « Pour fuir le réchauffement climatique, il paraît qu’une partie de la faune se déplace désormais clairement vers le Nord et l’altitude. Les écrivains français font la même chose, et les lecteurs les suivent. » Le Nouvel Obs
  • « Comme si sa vie en dépendait, elle cherche loin d’elle, auprès des peuples des confins gelés (les Gwich’in d’Alsaka, les Évènes du Kamtchatka), les multiples manières de composer les mondes et les identités. » Philosophie magazine

Vers de nouveaux rapports au vivant

Saint-Malo 2023

À l’heure où la nature traverse une crise sans précédent, il y a urgence à réinventer les modalités de nos rapports au vivant. En s’appuyant sur leurs expériences de terrain et les imaginaires de populations diverses, trois écrivain·es nous proposent de revisiter nos schémas de pensée – pour préserver une planète en partage.

Suivi à 17h45 du film All That Breathes de Shaunak Sen, dans lequel deux frères mettent tout en œuvre pour sauver des milans noirs, majestueux rapaces migrateurs, victimes de la folie des hommes.

Avec Gabrielle Filteau-Chiba, Nastassja Martin, animé par Antoine Kauffer de la revue Billebaude.


La fabrique des chercheurs

Saint-Malo 2023

La fiction serait-elle un pas de côté nécessaire aux chercheur·ses ? Avec Croire aux fauves, l’anthropologue Nastassja Martin se fait connaître du grand public. Mettant en pause l’écriture purement scientifique, elle trouve dans la forme littéraire la liberté nécessaire pour interroger une expérience extrême : sa rencontre avec un ours dans les montagnes du Kamtchatka. Avec Tombant, Fabien Clouette livre un roman socio-anthropologique nourri des marges de ses carnets d’embarquement et d’ethnologie auprès de la jeunesse du littoral breton.

Une rencontre animée par Christelle Capo-Chichi, dans le cadre de la Chambre des machines.