GUVEN Mahir

France

Les Innocents (Grasset, 2022)

© JF PAGA

Ancien directeur exécutif du journal Le 1 et du magazine America, Mahir Guven a fait une entrée remarquée en littérature en 2017 avec Grand frère (Philippe Rey), succès critique et public, récompensé par de nombreux prix littéraires dont le Goncourt du premier roman, et traduit dans quatorze langues étrangères. L’auteur est aujourd’hui directeur littéraire du label La Grenade aux éditions J.C. Lattès. Vient de paraître cette année son second roman, Les Innocents, dans lequel Noé, un homme de 35 ans, malmené lors d’une garde à vue, envoyé dans une cellule à demi-conscient, se replonge dans son enfance. Sur un ton juste, entre le grave et le comique, Mahir Guven conte la légèreté des premières fois et l’examen de conscience d’un homme adulte, dans cette incroyable « comédie humaine » contemporaine.


Bibliographie

  • Les Innocents (Grasset, 2022)
  • Grand frère (Philippe Rey, 2017)
Les innocents

Les innocents

Grasset - 2022

Noé Stéphan, 35 ans, est en garde à vue. La police l’accuse d’avoir intentionnellement tué l’un de ses amis, Paul Chance, qui avait roué de coups sa propre femme. Noé plaide son innocence, il s’agit d’un accident.
Alors que l’épouse de Noé, Ayla, avocate, tarde à le rejoindre au commissariat, l’interrogatoire se déroule de façon musclée. Noé tente de s’enfuir, mais sa tête heurte très violemment le sol, on le jette en cellule à demi-inconscient. Il va mourir, il appelle à l’aide, c’est alors que les figures de son enfance lui apparaissent : le voici devant le tribunal de sa conscience, dont le juge est sa mère, Jocelyne Daoulas. L’affaire en cours ? Déterminer comment Noé en est arrivé là. Il doit prouver à la juge qu’il est innocent.
Noé voit alors toute son enfance défiler devant ses yeux et se retrouve à Saint-Sébastien-sur-Loire, près de Nantes. Un premier âge marqué par l’absence du père, et où sa mère, La Joce, trime comme intérimaire pour entretenir son fils et son frère étudiant en philosophie. Sur ordre de sa mère, dans la cour de récréation, Noé joue avec les filles pour éviter la violence, mais se retrouve victime d’une bande de garçons. Il se lie d’amitié alors avec Gabriel Kalender, un enfant de l’école, réfugié kurde, capable de mettre en déroute n’importe qui. La famille Kalender l’accueille comme un des leurs, il épouse leur cause et leurs combats.

Les premières amours, les premières fois se succèdent, alors que le père absent, prétendument « marin au long cours » mais en réalité en prison, meurt le jour de sa libération dans un accident de voiture. L’enfant doit dès lors construire sa masculinité sans figure paternelle. Au seuil de l’adolescence, Noé apprend que son père a fait partie d’un réseau indépendantiste breton et part enquêter sur son propre passé. Avec l’amour sous tous ses visages (la vierge inaccessible, la bonne copine confidente, l’initiatrice délurée…), le sport (des pages inouïes sur le hockey subaquatique !), le sexe, les soirées, les bagarres, il découvre la part de violence inhérente à l’existence. Gare au jugement de la mère Joce… s’il se réveille du coma où l’a plongé le choc initial au commissariat.

Cette épopée de l’enfance chez les jeunes de la France des classes moyennes, des pavillons et des petites cités est une incroyable « comédie humaine » contemporaine, où Mahir Guven mêle avec brio le grave et le comique, la légèreté des premières fois et l’examen de conscience d’un homme adulte, sur un ton cocasse, proche du dirty realism.

Grand frère

Grand frère

Philippe Rey - 2017

Grand frère est chauffeur de VTC. Enfermé onze heures par jour dans sa « carlingue », branché en permanence sur la radio, il rumine sur sa vie et le monde qui s’offre à lui de l’autre côté du pare-brise.

Petit frère est parti par idéalisme en Syrie depuis de nombreux mois. Engagé comme infirmier par une organisation humanitaire musulmane, il ne donne plus aucune nouvelle.

Ce silence ronge son père et son frère, suspendus à la question restée sans réponse : pourquoi est-il parti ?

Un soir, l’interphone sonne. Petit frère est de retour.

Dans ce premier roman incisif, Mahir Guven alterne un humour imagé et une gravité qu’impose la question du terrorisme. Il explore un monde de travailleurs uberisés, de chauffeurs écrasés de solitude, luttant pour survivre, mais décrit aussi l’univers de ceux qui sont partis faire le djihad en Syrie : l’embrigadement, les combats, leur retour impossible en France… Émerge ainsi l’histoire poignante d’une famille franco-syrienne, dont le père et les deux fils tentent de s’insérer dans une société qui ne leur offre pas beaucoup de chances.