CARVALHO Bernardo

Brésil

’Ta mère (Anne-Marie Métailié, 2010)

Le plus voyageur des écrivains brésiliens. De la Mongolie à la Tchechénie, c’est toujours le Brésil qui parle à travers lui, ses rythmes, ses images, sa fantaisie, son art des contradictions et des télescopages. Correspondant dans les années 1990 à Paris et New York pour le grand quotidien brésilien Folha de S. Paulo, Bernardo Carvalho s’est imposé comme figure majeure de la littérature brésilienne contemporaine, dès son premier recueil de nouvelles Aberration en 1993 qui connut un formidable succès. Y figurent déjà les leitmotiv qui composent sa future œuvre très prolifique : intrigues complexes, narrations imbriquées, genres littéraires et style morcelés, personnages multiples, époques entremêlées… formidable dédale dans lequel le lecteur lui-même doit devenir un personnage actif pour résoudre les énigmes et s’en sortir !

Les Initiales, roman paru en 2002, en offre sans doute le paroxysme puisqu’il nous confronte à l’obsession d’un secret dont le narrateur ne parvient à déchiffrer le sens. Néanmoins, un repère est souvent présent dans ses récits, le Brésil, véritable point d’ancrage. Dans Les Ivrognes et les somnambules, traduit en 1998, les personnages naviguent à la recherche d’un tableau entre les États-Unis et le « pays du carnaval ». Il en va de même pour Neuf nuits, roman qui revient sur le suicide de l’anthropologue nord-américain Buell Quain au cours d’une de ses expéditions chez les indiens Krahô, en Amazonie, au mois d’août 1939. Ce roman fait converger la fiction pure et le documentaire, imbrique des recherches historiques et ethnographiques avec des passages autobiographiques, mêle un style lyrique et poétique à une écriture journalistique factuelle. C’est surtout un roman passionnant, très sombre, plein d’angoisse et de mystères irrésolus, qui se présente comme une enquête sur la disparition d’un homme.
Si la construction de ces romans est toujours protéiforme, les sujets reflètent son goût du voyage : Asie centrale avec Mongolia, paru en 2004, où il nous décrit la placidité des steppes d’Asie centrale (prix Jabuti). Le soleil se couche à São Paulo, paru en 2008, alterne entre le Japon de la Seconde Guerre mondiale et le Brésil contemporain, où réside la plus forte communauté nippone du monde.

Son dernier roman, ‘Ta mère, souvent qualifié de "roman russe", nous entraîne de Saint-Pétersbourg à Grozny (Tchétchénie), de l’indépendantisme tchétchène aux trafiquants d’Amérique du Sud. Il suit le destin de trois familles mêlées à ce conflit du Caucase, mais surtout de trois femmes, de trois mères, prêtes à tout pour protéger leurs fils des ravages de la guerre. Chaque personnalité, chaque génération, chaque destin livre ses béances dans des micro-épisodes électriques, qui s’enchaînent avec ivresse. "Bernardo Carvalho a l’art d’animer des pantins, robotisés par l’Histoire et par la guerre, pour leur donner rage et conscience" (Télérama).


Bibliographie :

  • ’Ta mère (Anne-Marie Métailié, 2010)
  • Le soleil se couche à São Paulo (Anne-Marie Métailié, 2008)
  • Neuf nuits (Anne-Marie Métailié, 2005)
  • Mongolia (Anne-Marie Métailié, 2004)
  • Les Initiales (Rivages, 2002)
  • Les Ivrognes et les somnambules (Rivages, 1998)
  • Aberration (Rivages, 1997)
‘Ta mère

‘Ta mère

Anne-Marie Métailié - 2010

Trois jeunes gens et leurs mères, un conscrit en proie aux mauvais traitements de l’armée russe, un jeune Tchétchène à la recherche de sa mère, un voyou de bonne famille. La rencontre d’une âme sœur, une chimère.
Ce roman entrelace les histoires d’une poignée de femmes qui essaient de sauver leurs fils de la guerre, de la solitude et du crime. Tout se passe à Saint-Pétersbourg, ville littéraire par excellence, à la veille du tricentenaire de la ville et sur fond de guerre de Tchétchénie, mais l’action s’étend de la forêt amazonienne à la mer du Japon et met en scène des mères coupables, des pères absents et des fils égarés.
Bernardo Carvalho orchestre dans ce roman une multiplicité de points de vue et de voix sans jamais perdre l’axe et le motif récurrent de la maternité et de son revers, le sentiment d’être orphelin, sans protection, déplacé, dont la guerre est la représentation la plus crue. « Les mères ont plus à voir avec la guerre qu’elles ne l’imaginent. Au contraire de ce que tous pensent. Plus que les autres, les mères ont horreur de perdre (…). Tout le monde a une mère, même la pire canaille, le pire bourreau. Mais c’est tout de même une sorte de fanatisme », déclare l’un des personnages. Ce livre en est d’une certaine manière la démonstration poétique.
Tous les personnages du roman semblent n’être à leur place nulle part dans leur famille ou dans leur pays, ce qui donne toute sa force à la figure de la chimère, aberration rejetée par la nature et par l’homme, projetée dans des amours absolues.

Traduit du portugais (Brésil) par Geneviève Liebrich


Revue de presse

  • "Ce n’est pas une saga que nous raconte Bernardo Carvalho, c’est le contraire : au lieu de déployer ses cartes et de remonter le cours des familles, il les tasse, les resserre, les camoufle, pour mieux sentir, en bon magicien, les énergies circuler.
    En savoir plus Télérama.
  • L’Express
Neuf nuits (suites)

Neuf nuits (suites)

Anne-Marie Métailié - 2012

Neuf nuits (suites) En août 1939, l’anthropologue nord-américain Buell Quain se suicide au cours d’un de ses séjours chez les Indiens Kraho, en Amazonie. Il avait 27 ans, venait de recevoir une lettre qu’il a brûlée et en a laissé quelques autres. Les circonstances exactes du suicide n’ont jamais été élucidées. Obsédé par cette information, l’auteur commence une enquête. Un impressionnant réseau de coïncidences s’accumule autour de lui au fur et à mesure qu’il progresse, se mêlant au souvenir de son père qui commerçait avec les Indiens de ces régions où il emmenait le petit garçon pendant les vacances scolaires. Dans un style lumineux, ce roman exceptionnel est construit en une série de glissements constants entre fiction, invention, souvenirs et réalité. Ses personnages, prisonniers des circonstances, entretiennent des liens précaires et névrotiques avec une réalité imprévisible.


Le soleil se couche à São Paulo

Le soleil se couche à São Paulo

Anne-Marie Métailié - 2008

A São Paulo, un soir, la propriétaire d’un restaurant japonais aborde l’un des derniers consommateurs et lui demande : “Vous êtes écrivain ?” Cette question inattendue va transformer le client en narrateur d’une histoire vertigineuse qui débute dans le Japon de la Seconde Guerre mondiale et se poursuit aujourd’hui au Brésil. Setsuko raconte un banal triangle amoureux : une danse de mort entre une jeune fille de bonne famille, le fils d’un industriel et un acteur ambigu et obscur. Puis, progressant tortueusement vers son centre secret, la trame dévoile une autre intrigue faite d’arrogance et d’humiliation, dont les racines plongent dans l’histoire du Japon en guerre et ses conséquences sur l’émigration japonaise au Brésil. Peu à peu le narrateur prend conscience que ce récit, concernant un paria, un cousin de l’empereur et l’écrivain Junichiro Tanizaki, est aussi sa propre histoire d’émigré japonais de deuxième génération, fondée sur l’humiliation et l’exil. Il ira jusqu’au bout de cette narration surprenante qui est aussi sa seule chance de rédemption.


Mongolia

Mongolia

Anne-Marie Métailié - 2004

Comme dans beaucoup de récits de voyage, comme dans Le Cœur des ténèbres de Conrad, un homme est ici à la recherche d’un autre homme.
Un diplomate est envoyé en Mongolie sur les traces d’un très jeune photographe disparu en plein hiver dans la région de l’Altaï. Surnommé "l’Occidental" par les guides mongols qui avaient baptisé le photographe "l’Inadapté", il suit l’itinéraire indiqué dans le journal de voyage abandonné par le photographe et écrit lui-même des carnets qui seront lus par un narrateur critique qui découvrira au lecteur la totalité du puzzle.
C’est de la lecture des trois textes que naît le roman d’un voyage à l’intérieur d’un monde distordu, opaque et fermé sur lui-même, révélateur de la difficulté d’entrer en relation avec ce que l’on ne connaît pas.
La Mongolie de Bernardo Carvalho n’est pas une réalité mais une hallucination, ses voyageurs ne sont pas des aventuriers mais des créatures littéraires qui avancent dans un monde totalement étranger. Malgré ou à cause de sa volonté de fiction, ce roman est aussi un magnifique récit de voyage dans un univers totalement exotique.

Les chemins du monde

Revivre le festival : Cafés littéraires
Avec : Bernardo CARVALHO, MA JIAN , Charles JULIET, Chantal PELLETIER - Saint-Malo 2005

Nouveau monde, nouvelles formes romanesques

Saint-Malo 2014

Avec Li Er, Bernardo Carvalho, Luiz Ruffato, Miquel de Palol et Jean Rouaud.
Animé par Yann Nicol.


France Culture - Carnet Nomade de Colette Fellous : Je vous écris de Saint-Malo

Saint-Malo 2014

Avec Sorj Chalandon, Riad Sattouf, Bernardo Carvalho, Patricia Melo et Jean-Paul Delfino.


Brésil, carrefour de mondes

Saint-Malo 2014

Avec Bernardo Carvalho, João Paulo Cuenca, Jean-Yves Loude et Patrick Straumann.
Animé par Willy Persello.