LARGE Josaphat-Robert

Haïti

Echos en fuite (Le chasseur abstrait, 2010)

« Voici mon île
Et des vagues déferlant vers ses chemins de croix
Son sang sucé par les sangsues du soleil
Voici ma barque d’ombres
Naufragée à midi et en catastrophe
Et mes plaines renversées
Flanquées aux balançoires de l’aube
Mon pays le cœur mouillé sous pluie de vertige »

Étudiant engagé dans la grève anti-duvaliériste du début des années 1960, Josaphat-Robert Large est incarcéré et se trouve à sa sortie dans l’obligation de quitter son Haïti natale. "Le jour du départ, je me présente à l’aéroport déguisé, masqué avec une fausse barbe et chapeau enfoncé jusqu’aux oreilles." Fin 1963, il s’installe donc à New York dans le quartier du Bronx. Il étudie l’anglais à l’université de Columbia tout en s’initiant à la photographie au New York Institute of Photography. Avec Syto Cavé, Jacques Charlier et Hervé Denis, il fonde la troupe de théâtre Kouidor. Avec eux, il découvre les différentes facettes du surréalisme : Breton, Tzara mais aussi les haïtiens Magloire Saint-Aude, Davertige, René Bélance, Garoute...

Son goût pour la poésie, il le tient de son grand-père du côté maternel, professeur de français au lycée de Jérémie, sa ville natale : " un vieux qui s’asseyait sur une dodine pour débiter le soir du Victor Hugo à la belle étoile". Il publie en 1975 son premier recueil de vers Nerfs du vent aux Éditions P-J.Oswald, à Paris. Avec les poètes américains Donald Lev, Eurnice Wolfgram et Richard Davidson, il fonde la revue Hyn Anthology of Poetry et voit ses premiers textes traduits en anglais.

Au début des années 1990, il se lance dans l’écriture romanesque. Après Les sentiers de l’enfer et Les récoltes de la folie, son roman Les Terres entourées de larmes (2002) reçoit en 2003 le prix littéraire des Caraïbes. C’est le premier tome d’une trilogie : Les Empreintes de la vie, traversée hallucinée de l’histoire d’Haïti, de la période précolombienne à la période post-duvaliérienne.

Écrite en français, en créole ou en anglais, son oeuvre occupe une place importante dans l’espace des littératures insulaires : la Société des professeurs français et francophones d’Amérique lui a ainsi consacré deux colloques au cours des années 2000.

Après Eko dlo, LaGrandans debòde, un CD de poèmes en créole mis en musique par le pianiste Eddy Prophète, sorti à Montréal en 2008, Josaphat-Robert Large fait paraître en 2010, Échos en fuite, un recueil dédié à Jérémie, sa "ville trouée", à l’occident de sa chère île, qui au delà de l’exil "tient correspondance avec son cœur".


En savoir plus :


Josaphat-Robert Large, 5 Questions pour Île en île par ileenile


Bibliographie :

Romans

Poésie

  • Echos en fuite (Le chasseur abstrait, 2010)
  • Pè Sèt ! (ed. Mapou, Miami 1994 rééd. 1996)
  • Chute de Mots (St-G-des-Prés, Paris, 1989)
  • Nerfs du vent (P-J.Oswald, Paris, 1975)

Sur Josaphat-Robert Large :

  • La fragmentation de l’être sous la dir. de F-A Leconte (L’Harmattan, 2009).

Présentation de Echos en fuite :

Josaphat-Robert LARGE, un poète haïtien qui nous parle de son île, Haïti, de Jérémie, sa ville trouée et de l’histoire tragique de ce bout de terre.
"Cependant, l’errance n’est véritablement errance que si elle se renouvelle indéfiniment ou si elle n’implique, à aucun moment donné et malgré certaines apparences, le sentiment, chez un être humain, d’établir une demeure, un enracinement, en un lieu différent de son pays d’origine. L’errance, une expérience pire et plus malheureuse que l’exil."
Gérard Campfort


Présentation de Partir sur un coursier de nuages :

Cet ouvrage est le second tome d’une trilogie dont le premier, Les terres entourées de larmes (L’Harmattan, 2002), avait remporté le Prix littéraire des Caraïbes en 2003. L’auteur évoque trois périodes bien différenciées de l’histoire de Haïti en utilisant trois registres d’écriture. Le lecteur, en suivant le parcours des anciens esclaves de certaines colonies françaises vers le monde de la liberté, peut percevoir l’évolution de leur langage dans les espaces où s’est enracinée leur existence.

Présentation des Récoltes de la folie :

Né d’un père blanc et d’une mère nègre, le personnage en question, médecin de profession, après avoir rejeté sa citoyenneté d’origine, se met à explorer les profondeurs de la culture antillaise qui lui vient en droit fil de la lignée de sa mère, une belle Martiniquaise née à Saint-Pierre, une vingtaine d’années avant l’éruption de la montagne Pelée.
Repérable dans les "menus" d’un ordinateur que notre victime arrive à mettre à jour malgré la fréquence sans cesse croissante de ses crises, l’écriture du roman se tisse avec le fil des souvenirs de la Martinique que n’a jamais cessé de raconter la mère, avant d’aller se perdre dans le désordre artistique d’un petit village de l’île d’Haïti, surnommé, à juste titre, la planète des Roseaux.


Extrait de Partir sur un Coursier de nuages (l’Harmattan, 2008)

" Sur les longues, longues routes sans fin du Mississipi d’antan, je cueillais une fleur et des notes surgissaient de mes tripes. Lorsque je sifflais une fille à la démarche houleuse, une cadence, un rythme naissaient. Je composais mon Gospel du dimanche en m’inspirant d’une fleur, de deux, de trois, puis de toi aussi, sur les longues, longues routes et sur les plates-bandes interminables du Mississipi.
Les pétales des roses se transformaient en sons chuintants, ils glissaient le long des tubulures cuivrées des trompettes langoureuses du Mississipi. Je cueillais une rose et elle se transformait en une longue plainte sentimentale et languissante. J’accueillais un songe sur la route et des intonations en sortaient, elles avaient les accents de mon âme alanguie. Do, ré, mi, sur la route du Mississipi. Le long des falaises, le long des sentiers, le long des songes, des harmonies naissaient de mes pensées torturées. O ! Mississipliblues ! "