Serait-ce en réaction insolente aux sept ans que ses parents lui firent passer chez les pères Oratoriens de Saint-Lô que Gilles Bachelet a développé un tel sens de l’humour, de la dérision, un tel esprit caustique ? Il faut bien dire que, né dans l’Aisne, à Saint-Quentin, et ayant vécu plusieurs années près d’Oloron Sainte-Marie dans les Pyrénées, lorsqu’il arrive à Paris, Gilles Bachelet préfère l’école buissonnière, du côté du Marché de la rue Mouffetard, aux austères tableaux noirs du Lycée Henri IV… On le comprend un peu, non ? Alors forcément, comme il l’a bien cherché, il se retrouve en pension dans La Manche. Il n’y végète pas pour autant : écrit des poèmes, gribouille dans les marges, graines de ce qui deviendra au fil du temps un sens réel du trait et de l’histoire, un talent.
Bac en poche, il retourne à Paris et fréquente les cours de la fac d’arts plastiques en attendant d’entrer à l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs où il passera cinq années et dont il ressort sans diplôme. Mais cette fois ça n’est pas par mauvaise volonté, c’est tout simplement qu’il a déjà commencé à démarcher la presse, et que le talent de Gilles Bachelet n’a pas tardé à sauter aux yeux des professionnels. Après une première couverture réalisée pour le magazine L’Expansion, les commandes affluent, pourquoi alors rester à l’école ?
Depuis lors, il n’a cessé de travailler comme illustrateur indépendant pour la presse, l’édition, la publicité… L’école, pourtant, il y retourne, mais en tant que professeur, aux Beaux-Arts de Cambrai tous les lundis. Son premier livre en tant qu’auteur paraît en 1998, Ice Cream, mais c’est en 2002, avec Le Singe à Buffon qu’il se fait remarquer. Son humour ravageur conquiert le grand public et Mon chat le plus bête du monde reçoit le Prix Baobab en 2004. Depuis il a publié deux autres volumes des histoires burlesques de son éléphantesque chat, mais aussi dédié quelques ouvrages à l’étude des populations d’autruches dans les contes de fées ou des rapports du champignon de Bonaparte avec un chapeau… à moins que ça ne soit l’inverse ? Comme Gilles Bachelet est souvent là où on ne l’attend pas, il publie en 2005 un Hôtel des voyageurs coquin et sensuel qui tranche avec sa production pour la jeunesse. Il publie en 2012 un hommage malicieux à l’univers de Lewis Caroll, Madame Le Lapin Blanc, album en forme de journal intime qui recense les râleries de l’épouse du Lapin Blanc, entre univers victorien et situations bien contemporaines.
Dans sa dernière création, Une histoire d’amour, publiée en 2017, Gilles Bachelet relate l’histoire de Georges et Josette. Leur quotidien est décrit, de leur première rencontre à leur mort, en passant par leur vie de famille. Une romance qui semble banale, si l’on fait l’impasse sur le fait qu’il s’agit ici de deux gants ! Les illustrations foisonnent de détails singuliers et amusants. Tout l’environnement est adapté aux personnages, ainsi la piscine dans laquelle ils se rencontrent est en fait un évier de cuisine. Le texte s’ajoute et complète à merveille cette joyeuse fantaisie.
Bibliographie
Auteur-illustrateur
- Une histoire d’amour (Seuil Jeunesse, 2017)
- Madame le lapin blanc (Seuil Jeunesse, 2017)
- Une histoire qui… (Seuil Jeunesse, 2016)
- Les coulisses du livre jeunesse (L’Atelier du poisson soluble, 2015)
- Le Chevalier de Ventre-à-Terre (Seuil Jeunesse, 2014)
- Madame Le Lapin Blanc (Seuil Jeunesse, 2012)
- Des nouvelles de mon chat (Seuil Jeunesse, 2009)
- Rêves de cabane (collectif, Éditions Sarbacane, 2008)
- Il n’y a pas d’autruches dans les contes de fées (Seuil Jeunesse, 2008)
- Des livres et vous : bibliographie sélective pour les années collège (Paris bibliothèque, 2006)
- Quand mon chat était petit (Seuil jeunesse , 2006)
- Champignon Bonaparte (Seuil jeunesse, 2005)
- Hôtel des voyageurs (Seuil, 2005)
- Mon chat le plus bête du monde (Seuil Jeunesse, 2004)
- Maman, le pirate et moi avec Michel Amelin (Bayard Jeunesse, 2003)
- Le Singe à Buffon (Seuil Jeunesse, 2002)
- Ice Cream (Harlin Quist, 1998)
Illustrateur
- La Paix, les colombes ! avec Clothilde Delacroix (Hélium, 2016)
- Quand je dessine, je peux dépasser… (collectif) (Actes Sud Junior, 2015)
- Maman, le pirate et moi avec Michel Amelin (Bayard Jeunesse, 2003)
- Drôle de samedi soir avec Claude Klotz (Hachette Jeunesse, 1995)
- Le monde merveilleux des volcans avec Katia Kraft (Hachette Jeunesse, 1994)
- Le dictionnaire des mots qui n’existent pas avec Jean-Loup Chiflet et Nathalie Kristy (Pocket, 1992)
- Papa trop loin avec Philippe Chatel (Nathan, 1990)
- Les ordinateurs et les robots avec Jean-Jacques Greif (Hachette Jeunesse, 1987)
- La Longue route des savants fous avec Marie-Raymond Farré (Hachette, 1980)
- Mon bandit sur son bourrin borgne avec Sid Fleischman (Hachette Jeunesse, 1979)