SOROKINE Vladimir

Russie

Roman (Verdier, 2010) ; La voie de Bro (Editions L’Olivier, 2010)

Biographie

« Être écrivain, c’est saper les fondements de l’Etat »
Vladimir Sorokine envisage la littérature comme une arme de guerre, il s’agit pour l’écrivain à l’écriture énigmatique et envoûtante d’infiltrer le système totalitaire par la fiction afin d’en démonter les rouages. En quelques livres, cet écrivain de 55 ans bouscule allègrement les normes établies et explore le mal de la Russie qu’on appelle « post-soviétique ». Non conformiste et dérangeant, chacun de ses romans est un « missile » au Kremlin et provoque les foudres d’un autre Vladimir, Poutine.
Écrivain postmoderne, Vladimir Sorokine maîtrise génialement le jeu du mélange des genres et des styles. Il disloque la prose des « classiques » de Tolstoï, Pouchkine,Tourgueniev, et joue avec les contrastes, entre réalisme politique, tradition littéraire russe, futurisme et pastiche.
Vladimir Sorokine fait des études d’ingénieur mais sait déjà qu’il veut écrire, il commence alors sa carrière à la fin des années 1970 et devient la bête noire du gouvernement dès son premier roman, Le Lard bleu , histoire d’une sauterie organisée par le gouvernement stalinien. Le roman fait scandale, les Jeunesses poutiniennes, outrées, se mettent à découper les livres à la scie électrique devant le Bolchoï* pour les lancer déchirés dans une énorme cuvette WC qu’ils avaient eux-mêmes construite à cet effet.

Journée d’un opritchnik (2008), ne passa pas non plus inaperçu, un roman futuriste qui se déroule dans le Moscou de 2028, sous la terreur d’une autocratie proche de celle d’Ivan le Terrible (1547- 1584). Un clin d’œil aux sectes stalino-mystiques que l’on retrouve également dans La Voie de Bro, que publient les Editions L’Olivier en 2010, histoire allégorique d’un futur gourou et tyran politique qui perd toute sa famille au début du roman, deuxième volet d’une trilogie amorcée avec La Glace en 2005, où il s’en prend à la société de la Russie post-soviétique, consumériste et corrompue.

Écrit entre 1985 et 1989, Roman vient d’être publié en français aux éditions Verdier, ce roman signe la mise à mort de la forme dite "classique" de la littérature russe qui, selon son auteur, a perdu son innocence et échoue à raconter le monde depuis Révolution de 1917. Ainsi, Roman s’ouvre à la manière classique de Tolstoï, un fils de propriétaire terrien, homme bon issu d’une famille d’aristocrates, revient sur le domaine familial d’une Russie stéréotypée faite de vastes étendues d’herbes folles et de mignons petits villages… mais le récit bascule pour raconter une horreur invraisemblable et terminer dans une veritable apocalypse.

* prestigieux théâtre situé près du Kremlin où Sorokine exerçait à l’époque.


Bibliographie :

  • Roman (Russie 1994, publié en France en 2010)
  • La Voie de Bro (Editions L’Olivier, 2010)
  • Journée d’un opritchnik (Editions L’Olivier, 2008 ; Points, 2010)
  • Lard bleu (Editions L’Olivier, 2007)
  • Glace (Editions L’Olivier, 2005 ; Points, 2008)

Présentation de Roman


Tout dégoulinait à l’entour  : l’étroit quai de bois, la balustrade, le banc, les branches des peupliers, nues et droites comme des épées, aux bourgeons gonflés sur le point d’éclore. Le train siffla de nouveau en prenant de la vitesse, la portière de fer claqua, les fenêtres tendues de stores défilèrent. Roman marcha jusqu’à la balustrade et posa une main gantée de daim gris sur le bois dont la peinture s’écaillait…
Le roman de Vladimir Sorokine s’ouvre sur des pages marquées au coin de la grande littérature russe du XIXe siècle. Au fil du récit et de l’action, l’auteur revisite, tour à tour, Pouchkine, Tolstoï, Tourgueniev et bien d’autres. La Russie des profondeurs, intemporelle, apparaît riche, chaleureuse, drôle, émouvante, aimant le bon boire et le bien manger.
La maestria de Sorokine est ici éblouissante.
Mais imperceptiblement le tableau se déconstruit et emporte brutalement le héros vers un destin contemporain et un dénouement stupéfiant qui laisse le lecteur effaré.

Revue de Presse

Présentation de La Voie de Bro

Le 30 juin 1908 tombe en Sibérie la météorite de la Toungouska. Au même moment, dans la famille d’un riche industriel, naît Bro, futur grand maître de la Confrérie de la Lumière originelle, une secte qui cherche à éliminer les êtres corrompus et reconstituer une assemblée d’élus. L’enfance dorée de Bro est vite écourtée : la guerre, la désorganisation de la société, la révolution, provoquent la fuite puis l’anéantissement des siens. Le jeune garçon se retrouve seul à errer à travers la Russie durant quatre ans, bénéficiant dans le chaos général d’une mystérieuse protection.

La Voie de Bro est le deuxième volet d’une trilogie romanesque, initiée par La Glace, dans laquelle Vladimir Sorokine invente toute une mythologie pour symboliser la naïveté d’une humanité en mal d’utopie. Brillant et iconoclaste, l’auteur jongle avec tous les genres, toutes les périodes historiques, pour dénoncer les institutions russes, les ravages du pouvoir et de l’argent.

Traduit du russe par Bernard Kreise.

Roman

Verdier - 2010

“La voie de Bro” Ce nouveau roman de Sorokine relate le parcours existentiel de Bro (sous forme d’autobiographie) : sa naissance en 1908 le jour où tombe en Sibérie une météorite, une enfance dorée, la guerre, la révolution et la confiscation des biens, la fuite de sa famille. C’est ainsi que, le 12 décembre 1918, son enfance prend fin à Kiev : extirpée par un obus qui tue une partie des siens. Le jeune Bro se retrouve seul, bénéficiant dans le chaos général d’une mystérieuse protection. En 1928, il participe à une expédition pour localiser la météorite de la Toungouska, découvre le pouvoir particulier de la glace qu’il trouve sur place et rencontre fer. Il décide de partir avec elle à la recherche de ceux qui ignorent être leurs “frères” et leurs “soeurs”, de “réveiller” en les frappant avec la glace les 23000 membres qui composent leur Confrérie. Mais, pour ce faire, ils s’allient aux forces obscures et violentes de la société. La voie de Bro présente aussi une conception intéressante de la nature des forces de répression en Russie. Son écriture démontre une fois de plus la capacité de SOrokine à jongler avec différents registres : il passe allègrement d’un style classique et tolstoïen (au début du roman) à un style de roman policier ou de science-fiction. “Roman”, édition Verdier 2010 Tout dégoulinait à l’entour : l’étroit quai de bois, la balustrade, le banc, les branches des peupliers, nues et droites comme des épées, aux bourgeons gonflés sur le point d’éclore. Le train siffla de nouveau en prenant de la vitesse, la portière de fer claqua, les fenêtres tendues de stores défilèrent. Roman marcha jusqu’à la balustrade et posa une main gantée de daim gris sur le bois dont la peinture s’écaillait… Le roman de Vladimir Sorokine s’ouvre sur des pages marquées au coin de la grande littérature russe du XIXe siècle. Au fil du récit et de l’action, l’auteur revisite, tour à tour, Pouchkine, Tolstoï, Tourgueniev et bien d’autres. La Russie des profondeurs, intemporelle, apparaît riche, chaleureuse, drôle, émouvante, aimant le bon boire et le bien manger. La maestria de Sorokine est ici éblouissante. Mais imperceptiblement le tableau se déconstruit et emporte brutalement le héros vers un destin contemporain et un dénouement stupéfiant qui laisse le lecteur effaré. “Journée d’un opritchnik” Moscou, 2028. Une oligarchie sanguinaire exerce sur la Russie un contrôle totalitaire absolu. Équipés désormais de moyens technologiques ultra-sophistiqués, les nouveaux maîtres - des opritchniks à l’image des gardes d’Ivan le Terrible connus pour leur sadisme - plongent le pays dans un sanglant féodalisme. Parmi eux, Komiaga, dont Sorokine déroule ici une journée ordinaire, rythmée par ses missions (liquidation d’un aristocrate, détournement de fonds à la frontière chinoise, enquête sur un poème calomniant le gendre du souverain...) et ses rituels, alternant séances de prières et orgies. "En Occident, être écrivain est une profession, chez nous, c’est un travail de sape : l’écrivain sape les fondements de l’État. " Dans le contexte actuel, ce roman brillant et impitoyable constitue une véritable provocation vis-à-vis du nouveau tsar : on est saisi par la vision de ce qui pourrait être un KGB nouvelle manière, moralisateur et pervers, composé d’assassins qui se réfèrent au christianisme.

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