Né en 1940 à Nice, d’une famille bretonne émigrée à l’île Maurice au XVIIIe siècle, fils d’un médecin de brousse (« L’Africain ») il rejoint au Nigéria à l’âge de huit ans, J.M.G. Le Clézio, éternel nomade, ne s’est jamais reconnu qu’une patrie : la langue française. Signataire en 2005 du manifeste « Pour une littérature-monde en français », membre du jury du prix des Cinq continents de la francophonie depuis sa création en 2001, il incarne sans doute mieux qu’aucun autre la vision généreuse d’une langue ouverte et d’une littérature attentive à tous les bruits du monde.
La vaste cartographie sentimentale et littéraire de Jean-Marie Gustave Le Clézio l’a conduit à investir à l’automne 2011 une salle du Louvre, un « Musée-monde » qu’il a décidé d’ouvrir sur une toile rescapée du séisme de janvier 2010, Le serment des Ancêtres, représentant les généraux Pétion et Dessalines, héros de la révolution haïtienne. Plus loin, les œuvres d’Hector Hyppolite et d’autres peintres haïtiens étalent la générosité de leurs couleurs aux côtés d’une vitrine consacrée au vaudou.
Au-delà de la culture haïtienne, c’est « le peuple révolutionnaire par excellence » qu’a choisi de célébrer Le Clézio dans cette exposition : « À l’ère des grandes déclarations (des droits de l’homme et du citoyen entre autres) le peuple haïtien commit un acte inouï, inconcevable, irrecevable par les nations esclavagistes de l’Europe occidentale ». Ce défi lancé à l’Occident par la fondation de la première république noire des Antilles fascine à l’évidence celui que les jurés du prix Nobel ont salué en 2008 comme « l’explorateur d’une humanité au-delà et en-dessous de la civilisation régnante ».
Il publie en 2011 Histoire du pied et autres fantaisies, un recueil de nouvelles où il rassemble des portraits de femmes, d’aujourd’hui et du XIXe siècle, confrontées à la pauvreté, l’esclavage, la prison, la guerre, la solitude, et ce dans les quatre coins du monde, de Paris à l’Afrique ou encore Lanzarote, en passant par Maurice.
Dans Tempête en 2014, le roman prend la forme de deux novellas, c’est-à-dire deux longes nouvelles, qui se complètent l’une l’autre : Tempête puis Une femme sans identité, sont les récits de deux jeunes filles et de la difficulté du passage à l’âge adulte. L’une, sur l’île d’Udo, s’éprend d’un homme en proie au remords ; l’autre cherche sa place, entre le Ghana et Paris. Fin de l’innocence et quête d’un sentiment d’appartenance sont les moteurs de ces textes où la poésie tient une place fondamentale.
Avec Alma (Gallimard, 2017), il s’agit une nouvelle fois de dépaysement et d’histoires croisées : celle de Jérémie, en quête du Raphus cucullatus, alias l’oiseau de nausée, le dodo mauricien jadis exterminé par les humains, et celle de Dominique, alias Dodo, l’admirable hobo, né pour faire rire. Leur lieu commun est Alma, l’ancien domaine des Felsen sur l’île Maurice, que les temps modernes ont changée en Maya, la terre des illusions.
Avec Bitna, sous le ciel de Séoul, embarquement pour la Corée du Sud en compagnie de la jeune Bitna, qui vient d’enménager à Séoul, ville personnage que le lecteur découvre avec elle. Pour gagner de l’argent, elle accepte de jouer les Shéhérazade auprès de Salomé, une femme malade, piégée dans un fauteuil roulant. Plusieurs histoires se déroulent sous nos yeux et s’entremêlent : « Par ces histoires, Salomé apprend à mourir, Bitna à grandir — tandis que Le Clézio, lui, en ausculte la source et la mystérieuse éloquence. » (Nathalie Crom, Télérama)
Il revient cette année accompagné de deux nouvelles œuvres. Quinze causeries en Chine, recueil de conférences prononcées dans ce pays, développe un point de vue tout à fait singulier sur la littérature, sur son universalité et la nécessité de préserver la pensée imprimée. De son côté Chanson bretonne évoque des souvenirs de séjours réguliers qu’il a passés dans le Finistère, lors de son enfance. Ce texte est bercé par une douceur pastorale, qui fait vibrer les images des moissons en été, la chaleur des fêtes de nuit à Sainte Marine ou la beauté simple d’un verger en fleur – autant une ode à la campagne éternelle que la réminiscence de souvenirs intimes.
Bibliographie :
Romans, nouvelles, récits
- Bitna, sous le soleil de Séoul (Gallimard, 2018)
- Alma (Gallimard, 2017)
- Tempête (Gallimard, 2014)
- Histoire du pied et autres fantaisies (Gallimard, 2011)
- Ritournelle de la faim (Gallimard, 2008)
- Ourania (Gallimard, 2006)
- L’Africain, portrait de son père (Mercure de France, 2004)
- Révolutions (Gallimard, 2003)
- Cœur brûle et autres romances (Gallimard, 2000)
- Hasard, suivi de Angoli Mala (Gallimard, 1999)
- Poisson d’or (Gallimard, 1997)
- La Quarantaine (Gallimard, 1995)
- Pawana (Gallimard, 1992)
- Étoile errante (Gallimard, 1992)
- Onitsha (Gallimard, 1991)
- Printemps et autres saisons (Gallimard, 1989)
- Voyage à Rodrigues (Gallimard, 1986)
- Le Chercheur d’or (Gallimard, 1985)
- La Ronde et autres faits divers (Gallimard, 1982)
- Désert (Gallimard, 1980) Grand prix de littérature Paul-Morand de l’Académie française
- Mondo et autres histoires (Gallimard, 1978)
- Voyages de l’autre côté (Gallimard, 1975)
- Les Géants (Gallimard, 1973)
- La Guerre (Gallimard, 1970)
- Le Livre des fuites (Gallimard, 1969)
- Terra Amata (Gallimard, 1967)
- Le Déluge (Gallimard, 1966)
- La Fièvre (Gallimard, 1965)
- Le Jour où Beaumont fit connaissance avec sa douleur (Mercure de France, 1964)
- Le Procès-verbal (Gallimard, 1963) Prix Renaudot
Essais et idées
- Chanson bretonne (Gallimard, 2020)
- Ballaciner (Gallimard, 2007)
- Raga. Approche du continent invisible (Le Seuil, 2006)
- Gens des nuages avec Jémia Le Clézio, photographies de Bruno Barbey (Stock, 1997)
- La Fête chantée (Gallimard, 1997)
- Ailleurs, entretiens avec Jean-Louis Ezine (Arléa, 1995)
- Diego et Frida (Stock, 1993) (biographie de Diego Rivera et Frida Kahlo)
- Le Rêve mexicain ou la pensée interrompue (Gallimard, 1988)
- Trois villes saintes (Gallimard, 1980)
- L’Inconnu sur la terre (Gallimard, 1978)
- Vers les icebergs (Fata Morgana, 1978) contient le texte d’Iniji, par Henri Michaux
- Mydriase, illustrations de Vladimir Velickovic (Fata Morgana, 1973)
- Haï (Skira, 1971)
- L’Extase matérielle (Gallimard, 1967)
Éditions de textes
- Sirandanes avec Jémia Le Clézio (Seghers, 1990)
- Relation de Michoacan, version et présentation de J. M. G. Le Clézio (Gallimard, 1984)
- Les Prophéties du Chilam Balam, version et présentation de Le Clézio (Gallimard, 1976)
Livres pour la jeunesse
- La Grande Vie, suivi de Peuple du ciel (Gallimard, 1990)
- Balaabilou (Gallimard, 1985)
- Villa Aurore, suivi de Orlamonde (Gallimard, 1985)
- Celui qui n’avait jamais vu la mer, suivi de La Montagne ou le dieu vivant (Gallimard, 1982)
- Voyage au pays des arbres, dessiné par Henri Galeron (Gallimard, 1978)
- Lullaby (Gallimard, 1970)
Discours et conférences
- Quinze causeries en Chine (Gallimard, 2019)
- [Dans la forêt des paradoxes (discours de réception du Prix Nobel de littérature, 2008)