MOÏ Anna

Vietnam

11 avril 2018.

Enfant de la guerre, Anna Moï, ou de son prénom original, hiên-Nga, qui signifie « Cygne céleste », naît juste après l’indépendance du Vietnam. Intéressée par la mode, elle ouvrira plusieurs boutiques à travers le monde, Paris, Bangkok, Tokyo… avant de retourner à Saïgon, la ville de son enfance. C’est ici qu’elle se met à l’écriture. Contactée par un journal francophone, elle signe bientôt une rubrique régulière qui deviendra bientôt un recueil, L’Echo des rizières. Une deuxième carrière s’annonce, romans et essais se succèdent, parfois légers, souvent inspirés par l’histoire de son pays.
Trois ans après son retour à la littérature, s’étant consacrée pendant une dizaine d’années au développement de ses activités de styliste et à sa boutique à Saigon, elle signe en 2020 Douze palais de mémoire, roman poétique et mélancolique retraçant la traversée d’un père et de sa fille, fuyant le communisme pour les États-Unis à bord d’un bateau de pêche. Cet écrit mémoriel, parfois, drôle et parfois doux-amer, mais sans pathos, délivre des fragments du passé qui remontent et se heurtent aux détails concrets d’une vie quotidienne chaotique et cependant pleine d’amour.

« Être écrivaine me suffirait ; mais je suis aussi écrivaine francophone. Comme Marcel Proust et Boualem Sansal. La francophonie est un concept exclusif dans le monde. Voyez : l’anglophonie n’existe pas. Les Anglo-Saxons se gardent de brandir la promesse d’une adhésion à une communauté linguistique et culturelle » (Le Monde)

 

Anna Moï est une enfant de la guerre. Son histoire commence à Saïgon (aujourd’hui Ho Chi Minh ville) en 1955 ; elle se prénomme encore Thiên-Nga, qui signifie « Cygne céleste ». Après l’indépendance du Vietnam, en 1954, ses parents avaient émigré vers le Sud. Thiên-Nga, dès la maternelle, est scolarisée en français. 

Arrivée en France, elle rencontre Agnès B puis Philippe Guibourgé avant de se lancer dans la mode en ouvrant une boutique dans le quartier des Halles. Après avoir longtemps vécu à Paris, à Tokyo et à Bangkok, elle retourne vivre au Vietnam en 1992. Un journal francophone local lui commande quelques récits qui, bientôt, deviennent une rubrique régulière. Rassemblées en 2001 en un recueil, ces chroniques constituent L’Echo des rizières, le premier livre d’Anna Moï, directement écrit en français.

Après deux romans inspirés par des épisodes sombres de l’histoire du Vietnam, Anna Moï renoue en 2006, dans Violon - un écrit situé dans le Cotentin - avec la veine (en apparence) légère de ses premiers récits. Parallèlement elle publie un essai sur la langue, Espéranto, désespéranto.
Quel que soit le sujet de ses livres, Anna Moï écrit dans un bungalow sur pilotis au cœur d’une bananeraie, à Saïgon ; elle partage sa vie entre ce lieu et Paris.Faite Chevalier des Arts et des Lettres en 2006, signataire du Manifeste pour une littérature-monde, Anna Moï publie en septembre 2008 L’année du cochon de feu, aux éditions du Rocher.

Après une dizaine d’années de silence - temps que l’auteure a mis à profit pour le développement de ses activités de styliste et sa boutique à Saigon, elle revient ces derniers mois avec deux titres inédits, Le pays sans nom, récit d’une déambulation en compagnie de Marguerite Duras avec qui elle partage le même lieu de naissance, et Le venin du papillon, roman d’apprentissage, ainsi qu’une réédition, Nostalgie De La Rizière.

En 2020, Annai Moï présente Douze Palais de Mémoire. Un père et sa fille de six ans, Khanh et Tiên, fuient leur pays sur un bateau de pêche, dans l’espoir de rejoindre les États-Unis. Les voix du père et de la fillette alternent, mêlant souvenirs de la vie au pays et récit de la traversée, pour reconstituer l’histoire, petite et grande, qui les a menés là. Un roman-mémoire poignant, emprunt de poésie.


Bibliographie :


 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

Douze palais de mémoire

Le roman fait alterner les monologues d’un père, Khanh, et de sa fille de six ans, Tiên, en fuite sur un bateau de pêche. Ils quittent, pour rejoindre les États-Unis, un pays qui n’est jamais nommé, le Vietnam sans doute. Au fil des chapitres, les voix du père et de la fille, mêlant souvenirs et récit de la traversée, reconstituent l’histoire, petite et grande, qui les a menés là. Deux visions et deux modes d’expression se succèdent : ceux de l’adulte, conscient de la gravité des événements qui les chassent de leur pays, et ceux de la fillette, dont la candeur et la drôlerie apportent une note de poésie au drame de leur situation. Khanh, fils d’un astrologue à la cour de l’ancien régime dynastique, a survécu à une révolution de type communiste grâce à ses compétences d’ingénieur : il a été affecté par le nouveau régime à la construction de ses premiers missiles balistiques. Ces compétences lui viennent de la constitution précoce de douze « palais de mémoire », adaptés de la méthode mnémotechnique antique des loci, qui lui ont permis de devenir un matheux accompli. À l’évocation de ses souvenirs, on comprend que la mère de Tiên, femme de Khanh, est morte dans l’explosion d’un des missiles inventés par Khanh alors qu’elle se trouvait dans une léproserie créée par deux bénévoles américains. Khanh craint que la fillette n’ait été contaminée par la maladie et fuit vers l’Amérique pour pouvoir la soigner. L’apprenant, le capitaine du bateau débarque le père et la fille sur l’épave d’un chalutier échouée sur le rivage. Ils survivent en se nourrissant de mouettes et de coquillages. La vague d’un tsunami les sauve en les emportant vers les côtes thaïlandaises.Le ton du roman est poétique et mélancolique, parfois drôle et parfois doux-amer, mais sans pathos. La grâce chatoyante de certaines descriptions de lieux, de mets, de paysages se mêle à la peinture retenue des émotions et à la délicatesse dans l’énoncé des sentiments. La mémoire est au centre du récit, fragments du passé qui remontent et se heurtent aux détails concrets d’une vie quotidienne chaotique et cependant pleine d’amour