Texte d’Alain Bombard

29 juin 2006.
 

Il est des lieux magiques où la pensée se concentre. Saint-Malo, tous les ans, joue ce rôle et nous invite au nom de Baudelaire. Michel Le Bris nous y reçoit sous le beau titre Etonnants Voyageurs. Et c’est Baudelaire qui nous accueille.
Pour tous les écrivains qui se pressent devant leurs lecteurs, c’est une joie de se rencontrer à nouveau, une fois l’an.
L’un écrit la Montagne et son voisin le Fleuve.
Personnellement, je me tourne vers nos maîtres : les Grands Navigateurs du passé.
Etre un auteur suppose qu’on se lance à raconter l’imaginaire. Je vais faire un aveu : je n’ai aucune imagination. On me dit que je raconte bien. J’essaye ensuite d’écrire ce que j’ai dit.
Et c’est la vie d’Alexander Selkirk que je raconte à ceux qui croient que Daniel Defoe a « inventé » « Robinson Crusoé ».
Ou c’est de Slocum que je parle. Il est notre grand-père à tous, les navigateurs d’aujourd’hui. A la fin du XIXe siècle il est le premier Circum-navigateur à la voile en solitaire. Vous savez maintenant pourquoi le bateau de Bernard Moitessier s’appelait le Josuah.
Et Bougainville qui pardonna à son botaniste Commerson d’avoir présenté son disciple Baret. Un incendie révéla plus tard que c’était sa maîtresse. En reconnaissance ce botaniste donna le nom de « bougainvillée » à une fleur découverte à Madagascar !
Comment a-t-on pu confier à Magellan la flotte lancée à la recherche du passage de l’ouest ! La moitié des navires étaient portugais, l’autre moitié espagnols. Croyez-vous que l’on aurait pu, au XIXe siècle faire combattre des soldats français sous commandement anglais, en Afrique, au milieu de la compétition coloniale ? La fin de Magellan fut désastreuse.
Outre les mers, il y a les pôles. Au nord c’est Peary contre Cook : lequel a gagné ? Pour l’Antarctique c’est une course implacable et Amundsen, mangeant ses chiens, écrase Scott, nourrissant ses poneys.
Voilà où le manque d’imagination vous sert : raconter le voyage des autres.
Mais, à mes débuts, j’ai voyagé moi-même et ce fût l’Hérétique, un radeau pneumatique, sans vivres et sans eau en soixante-cinq jours à travers l’Atlantique, pour aider les naufragés à survivre.
Et, miracle de la jeunesse, ces héros modernes de la route du Rhum, du Vendée-Globe, me disent que je fais partie du rêve qui les a conduits sur l’océan. Thierry, Christophe, Catherine et tous les autres. Peut-être ainsi ai-je mérité d’être un des « Etonnants Voyageurs ».

Alain Bombard