L’Édito de Patrice Blanc-Francard

27 février 2019.
 

L’Afrique s’affiche à Étonnants Voyageurs. En deux étonnants raccourcis, les deux plus récentes affiches du Festival : contre-jour et contre-plongée, noir sur fond bleu, pas de géants que n’aurait pas renié John Coltrane. C’est la superbe affiche des rencontres de Brazzaville, fin février. L’autre qui aurait pu naître du crayon d’un Mœbius nigérian, et qui nous décrit un Lagos futuriste et rêvé, c’est bien sûr, celle de Saint-Malo 2013.

Si justement cette année, mes coups de cœur sont si spécifiquement africains, malgré l’incroyable foisonnement de films magnifiques que j’aimerais tous décrire en détail pour vous donner encore plus envie de vous y précipiter, c’est qu’il nous a tous semblé que quelque chose de définitif se déclenchait maintenant sur ce continent. Et que ces deux affiches en racontaient l’histoire.

D’abord avec le film de la soirée spéciale France 5, Pygmée Blues de Florent de la Tullaye et Renaud Barret. L’histoire de Wengi et Pierrette, pygmées de Kinshasa et de leur périple, remontant le fleuve Congo pour retrouver leur village - ou ce qu’il en reste. Face à l’urbanisation des grandes métropoles, le petit peuple de la Forêt ne fait pas le poids.

Les pygmées, Phil Agland connait. Il a tourné au Cameroun il y a un quart de siècle un film magique : Baka, people of the Rainforest. Caméra au poing, il a vécu deux ans avec les Baka. Ce film est magique et nous plonge en même temps dans une angoisse sourde. Combien de temps ont-il, se demande-t-on à la fin de cette merveille de cinéma ethnologique, pour résister à la déforestation qui pointait déjà son sinistre nez en 1988. Malheureusement la réponse est là. Sous nos yeux.
Phil Agland est revenu chez les Baka, et son constat est terrifiant. Dans son nouveau film, Baka, l’appel de la forêt, il montre que les effets de l’alcool et de la destruction de leur habitat, la forêt, menace de transformer les pygmées Bakas en esclaves potentiels de fermiers bantous.

Ainsi sommes-nous témoins de ces collisions culturelles qui sont le lot d’un continent qui avance vite, terriblement vite… comme en Afrique du Sud où le cinéma est en pleine explosion. Urbain, explosif, cru, African Cypher est le manifeste hip-hop d’une nouvelle culture de rue africaine (meilleur documentaire sud-africain au Festival de Durban).

C’est de ces pas de géants qui font bouger les lignes, de ces chocs culturels et des ces convulsions écologiques, que nous voulons témoigner, cette année, à Saint-Malo.

 

DERNIER OUVRAGE

 
Récit

Rock my soul

Calmann-Lévy - 2022

Patrice Blanc-Francard nous conte la folle épopée de la Soul.

C’est l’histoire d’une musique, née dans les communautés d’esclaves noirs, forgée dans la souffrance, et qui devint universelle. Une musique qui continue encore aujourd’hui à parler à la plus mystérieuse partie de notre être, notre âme. Cette âme est devenue verbe, et le verbe musique : soul music.
Mais ce n’est qu’au sortir de la Seconde Guerre mondiale que la soul prit sa forme la plus populaire, avec les débuts de ce que l’on a appelé le rhythm & blues, fleurissant dans des villes devenues mythiques, de Memphis à Detroit en passant par La nouvelle-Orléans, traversé et façonné par les événements historiques et politiques du XXe siècle américain. Une musique portée par des labels et des producteurs qui ont parfois commencé avec rien, au fond d’un garage, avant d’entrer dans la légende, comme Atlantic ou la Motown.
Rock my Soul retrace le parcours souvent chaotique de stars aux noms qui font rêver : James Brown, Otis Redding, Aretha Franklin, Stevie Wonder, Marvin Gaye, Ray Charles, Diana Ross, Tina Turner, Michael Jackson et Prince, des artistes immenses qui ont porté la gloire de la soul à son zénith ; sans oublier, tout récemment, Anderson Paak ou Leon Bridges, emblèmes de la nouvelle génération...