"Paradis brisé : Nouvelles des Caraïbes"

Collection Etonnants voyageurs

14 septembre 2010.
 
Paradis brisé

La Caraïbe, nous dit Édouard Glissant en ouverture, " c’est d’abord un tournoiement, une ivresse de la pensée ou du jugement, une nécessité du tourbillon et de la rencontre - et de l’accord des voix ". Dix nouvelles, donc, ici rassemblées pour dire la Caraïbe d’aujourd’hui, diverse, multiple, prodigieusement inventive, sans cesse renouvelée, et pourtant unique. Dix nouvelles, pour nous rappeler que cette profusion, ce chatoiement de mots, de sons, de rythmes, de couleurs, se tissent d’une immense douleur surmontée. Une littérature enchantée ? Oui, sans doute : née d’un formidable arrachement à une nuit des corps et des âmes de plusieurs siècles, d’un télescopage (ô combien difficile !) de cultures des cinq continents. Des personnages déchus de Gary Victor aux âmes tourmentées de Lyonel Trouillot en passant par le dédoublement du héros de Raphaël Confiant, rien n’est simple sous les cieux clairs des îles, tout se révèle double, ou faux, ou inversé dans les univers de Gisèle Pineau, de Jean-Claude Fignolé, de Fortuné Chalumeau, d’Ernest Pépin, de Roland Brival, de Daniel Maximin, de Yanick Lahens. Images saisissantes d’un paradis dès l’origine brisé... " La créolisation, souligne Glissant, n’est pas une simple mécanique du métissage : c’est le métissage qui produit de l’inattendu. " Dix nouvelles pour nous en convaincre : la littérature caraïbe, plus que jamais vivante...

 

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Romans

Nègre de personne

Gallimard - 2016

Gontran Damas, un jeune Noir originaire de Guyane, épris de littérature et engagé dans le mouvement « Négritude » fondé par ses amis Césaire et Senghor, débarque dans le port de New York pour la première fois. Il est accueilli par sa cousine Élisa, et son mari Anton, qui l’hébergent dans leur petit appartement en sous-sol dans Harlem. Damas, tout à la joie et à l’excitation de découvrir New York et Harlem, n’oublie pas qu’il a une mission : prendre contact avec les membres de la NAACP (National Association for Avancement of Coloured People). Bientôt, il fait la connaissance du poète Langston Hughes à qui il confie être porteur d’une invitation pour les intellectuels noirs de Harlem. Grâce à Langston, Damas fait la connaissance d’Anna, une jeune peintre dont il s’éprend et qui lui ouvre d’autres portes : il pénètre les cercles de l’intelligentsia noire de Harlem, et s’immerge dans la culture de ce quartier – la culture du jazz le bouleverse.Cette plongée dans le Harlem des années 30 est une confrontation à la complexité d’un monde où tout peut arriver, aux relations amoureuses décousues, au sexe dans les bordels tenus par des mégères excentriques, aux dangers de la drogue – Gontran rencontre Billie Holiday, vit une aventure avec elle, mais c’est avec Anna qu’il goûtera à la cocaïne. C’est aussi une immersion dans la violence de la rue.Entre émotions amoureuses et discussions politiques confrontant les intellectuels de la NAACP et leurs adversaires de l’UNIA, Damas s’adresse à Césaire et à Senghor et leur fait le récit de son séjour. Il les interpelle, entremêlant poèmes et réflexions, remémoration de souvenirs communs. De même, il évoque son enfance guyanaise, son déracinement. Ce roman se lit comme un texte initiatique et un journal de bord. Initiation à la musique – le jazz, celui des grandes heures de l’Appollo Théâtre et du Cosmo, celui de Billie Holiday chantant Strange Fruits , celui de Charlie Parker et d’Erroll Garner, celui des boîtes de nuits –, initiation à la politique – le récit expose les différents points de vue des intellectuels noirs des années 30 – et initiation à l’amour. Nègre de personne est un beau roman, plein, riche et extrêmement vivant.


Revue de presse :

 

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Romans

Veilleuse du Calvaire

Actes Sud - 2023

Lyonel Trouillot raconte l’histoire d’un paysage de pierres, de rivières et d’ombrages, celle d’une colline abîmée par la violence et la cupidité des hommes. Un notaire sans scrupule y jette un jour son dévolu, la divise en parcelles pour la livrer à une cohorte de prédateurs, criminels, affabulateurs ou tortionnaires. Mais depuis toujours en ce lieu règne la Veilleuse du Calvaire, celle qu’on a prise pour une madone, un fantôme, un esprit et qui n’est rien de cela. “Je suis, dit-elle, ton devoir de mémoire qui a choisi un corps de femme pour qu’il n’y ait dans le récit ni mensonge ni omission. Au passé comme au présent, nos corps portent les marques de toutes les offenses et de tous les dénis. Comme ils sont le chemin de toutes les promesses.”
Dans l’oeuvre de Lyonel Trouillot, le courage des femmes est un personnage en soi. Le geste de cet écrivain est toujours politique, mais ses appels sont des poèmes, des romans, et parmi eux ce livre-cri, ce livre-chant, celui de celles qui, sur l’île d’Haïti comme dans le monde entier, sont en lutte face à la folie des mâles, le mépris, l’irrespect et la haine dont elles sont les cibles et les victimes.


 

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L’Oiseau Parker dans la nuit et autres nouvelles

Sabine Wespieser Éditeur - 2019

Tout comme L’Oiseau Parker dans la nuit – une saisissante histoire d’amour, d’impossible et de musique, adaptée pour RFI par la comédienne Mireille Perrier, qui l’a lue au festival d’Avignon en 2015 –, les nouvelles de ce recueil racontent la vie quotidienne en Haïti, les tragédies, les violences (urbaines ou rurales), les croyances séculaires, les femmes courageuses et les hommes endurants de cette île-monde que Yanick Lahens ne cesse de mettre en scène dans son œuvre.
Ce volume est composé des trois recueils parus à ce jour, essentiellement en Haïti, et indisponibles en France : Tante Résia et les Dieux (L’Harmattan, 1994) ; La Petite Corruption (Éditions Mémoire, 1999 ; Legs édition, 2014) ; La folie était venue avec la pluie (Presses nationales d’Haïti, 2006 ; Legs édition, 2015).
Ces textes, présentés ici dans l’ordre de leur publication, apparaissent comme la genèse de l’œuvre romanesque à venir – certaines nouvelles, à l’image de Bain de lune, ont du reste été la matrice de futurs romans. Leur écriture était déjà le témoignage de l’acuité, mais aussi de la tendresse, avec lesquelles l’auteure scrute la société où elle vit. Devenue une grande voix de la littérature de son pays, Yanick Lahens y annonçait, par la netteté de son style, par la force d’émotion et le souffle poétique qui s’y déploient, la puissance et l’importance de l’œuvre en cours.

 

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Romans

Masi

Mémoire d’Encrier - 2018

On chuchote que, grâce à La flûte enchantée de Mozart, le citoyen Dieuseul Lapénuri est nommé ministre aux Valeurs morales et citoyennes, avec le mandat d’arrêter la dégradation des mœurs et l’abomination qui gangrènent la République. L’île sombre dans la luxure. Le président se croise les bras et s’amuse à jouir, en criant Whitman, Rimbaud et Baudelaire. Entretemps, la première édition du festival gay et lesbien Festi Masi est annoncée. Les autorités s’y opposent de toutes leurs forces. Le festival, devenu affaire d’État, prend des proportions inimaginables. Cette ruée vers la vertu, on le sait bien, n’est que mirages et effronteries. Un roman qui nous propulse dans les bas-fonds de l’âme humaine.


 

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Les voyages de Merry Sisal

Mercure de France - 2015

Les nuits où les étoiles demeuraient éteintes, il arrivait à Merry de rester prostrée sur sa couche. Tout s’effaçait alentour. Des pans entiers de sa mémoire semblaient enfermés quelque part, éboulés, inaccessibles. Parfois, tout était incroyablement limpide. Sa vie passée n’avait rien de sombre et son avenir semblait bien éclairci, le ciel dégagé. Elle allait reprendre ses études en suivant des cours par correspondance. Anna s’occupait de régulariser sa situation administrative. Elle ferait venir ses enfants. C’est sûr, elle ne devait pas se tourmenter. Tommy, Florabelle, les prunelles de ses yeux, ils seraient bientôt auprès d’elle.

En Haïti, Merry élève seule ses deux enfants, Tommy et Florabelle – 6 et 4 ans. Quand le terrible séisme du 12 janvier 2010 frappe Port-au-Prince, Merry n’a pas d’autre choix que de quitter sa terre natale dévastée, laissant derrière elle ses deux enfants adorés qu’elle compte revenir chercher le plus vite possible. Après une traversée homérique, elle se réfugie sur l’île de Bonne-Terre, où elle rejoint des compatriotes. Là, elle est rapidement embauchée par Anna et Raymond, un couple de Français qui habite sur le Morne d’Or, où vit une communauté de Blancs nantis venus de France, et totalement isolée du reste de l’île.
Peu à peu, Anna et Merry vont se rapprocher et se découvrir des points communs. Anna, qui garde enfouis au plus profond de son être des drames et des blessures, s’attache plus que de raison à la jeune Haïtienne. Merry s’interroge sur les motivations de cette patronne un peu particulière, mais s’en accommode, car elle ne perd jamais de vue son objectif : retrouver ses enfants.