Failles

Sabine Wespieser Editeur

17 janvier 2014.
 

« Le 12 janvier 2010 à 16 heures 53 minutes, dans un crépuscule qui cherchait déjà ses couleurs de fin et de commencement, Port-au-Prince a été chevauchée en moins de quarante secondes par un de ces dieux dont on dit qu’ils se repaissent de chair et de sang. Chevauchée sauvagement avant de s’écrouler cheveux hirsutes, yeux révulsés, jambes disloquées, sexe béant, exhibant ses entrailles de ferraille et de poussière, ses viscères et son sang. Livrée, déshabillée, nue, Port-au-Prince n’était pourtant point obscène. Ce qui le fut, c’est sa mise à nu forcée. Ce qui fut obscène et le demeure, c’est le scandale de sa pauvreté. » Y. L. Si tôt sortis de l’hébétude, les survivants de la catastrophe ont pensé « refondation » : Yanick Lahens, avec eux, a repris le travail, l’inlassable travail des mots. Ce court récit, mû par la double nécessité de dire l’horreur et de la surmonter, en témoigne. Déambulant dans les rues de sa ville détruite, l’écrivain part de sa propre expérience : avant le séisme, elle projetait d’écrire un roman d’amour. Revisitant le décor ravagé de sa fiction, elle est saisie par l’histoire immédiate. Comment écrire s’interroge-t-elle, sans exotiser le malheur, sans en faire une occasion de racolage ? Texte de témoignage, texte animé par l’urgence, texte de compassion et de réflexion aussi, Failles désigne l’innommable qu’a été le 12 janvier 2010 en Haïti. Mais il tente aussi de prévenir de l’irresponsabilité qui consisterait pour les Haïtiens à ne pas changer leurs perceptions et leurs comportements. Pour Yanick Lahens en effet, la faille géologique qui a englouti Port-au-Prince interdit de faire comme si les autres failles – sociale, politique, économique – n’existaient pas. Il n’y a pas de fatalité dans le malheur du peuple haïtien, ni même dans les carences des élites et la mainmise des organisations internationales : telle est la conviction de l’écrivain qui, malgré le tableau sans complaisance qu’elle brosse de la réalité de son pays, insuffle à ses pages une formidable force de vie.


Revue de presse :

 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

L’Oiseau Parker dans la nuit et autres nouvelles

Sabine Wespieser Éditeur - 2019

Tout comme L’Oiseau Parker dans la nuit – une saisissante histoire d’amour, d’impossible et de musique, adaptée pour RFI par la comédienne Mireille Perrier, qui l’a lue au festival d’Avignon en 2015 –, les nouvelles de ce recueil racontent la vie quotidienne en Haïti, les tragédies, les violences (urbaines ou rurales), les croyances séculaires, les femmes courageuses et les hommes endurants de cette île-monde que Yanick Lahens ne cesse de mettre en scène dans son œuvre.
Ce volume est composé des trois recueils parus à ce jour, essentiellement en Haïti, et indisponibles en France : Tante Résia et les Dieux (L’Harmattan, 1994) ; La Petite Corruption (Éditions Mémoire, 1999 ; Legs édition, 2014) ; La folie était venue avec la pluie (Presses nationales d’Haïti, 2006 ; Legs édition, 2015).
Ces textes, présentés ici dans l’ordre de leur publication, apparaissent comme la genèse de l’œuvre romanesque à venir – certaines nouvelles, à l’image de Bain de lune, ont du reste été la matrice de futurs romans. Leur écriture était déjà le témoignage de l’acuité, mais aussi de la tendresse, avec lesquelles l’auteure scrute la société où elle vit. Devenue une grande voix de la littérature de son pays, Yanick Lahens y annonçait, par la netteté de son style, par la force d’émotion et le souffle poétique qui s’y déploient, la puissance et l’importance de l’œuvre en cours.