Réaction au manifeste : Julien Baudry

Un vent nouveau sur la littérature française

10 avril 2007.
 

Un vent nouveau sur la littérature française

Par Julien Baudry, internaute


Messieurs les signataires (et auteurs) du manifeste "Pour une
littérature-monde en français".

Lorsque j’ai appris, en lisant le journal, qu’un manifeste de ce type
avait été publié, puis que je l’ai lu, j’ai d’abord été surpris.
Agréablement surpris. Ce qui me frappait n’était pas tant le contenu en
lui-même, certes profondément intéressant et pertinent (même si j’estime ne
pas avoir suffisamment de connaissances dans le domaine de la
"francophonie" pour le juger le plus justement possible), mais ce qui me
frappait était le principe du manifeste : qu’un groupe d’écrivains de
langue française se réunisse pour affirmer une cohésion, une voie commune,
une volonté de changement, d’évolution ; sortir en somme de la pénible
stagnation qui avait pu frapper la littérature depuis quelques décennies.
Heureuse surprise aussi de voir les noms de certains signataires : Michel
Le Bris, Jean Rouaud, Tahar Ben Jelloun, Erik Orsenna, etc... qui
m’indiquaient qu’il s’agissait bien d’une démarche de grande ampleur. J’ai
donc été, je dois vous le dire, positivement enthousiasmé, et ne serait-ce
que pour ça je dois vous remercier.

Pour que vous compreniez peut-être plus nettement les raisons de mon
enthousiasme (outre le fait que, comme vous vous en doutez, je m’intéresse
à la culture et à la littérature...) je vais peut-être me présenter un peu
plus amplement. Je ne suis pas écrivain, dans la mesure où je n’ai rien
publié, et où mon cercle de lecteurs doit se limiter à une petite dizaine
de lecteurs... Je dois faire partie de la vaste population de jeunes gens
dont le principal passe-temps est l’écriture,qui souhaiteraient, comme dans
un beau rêve éveillé de conte de fées, devenir écrivain reconnu (ne
serait-ce que pour la beauté du mot), mais qui doivent faire face à la dure
réalité de la vie qui ne va pas positivement dans ce sens (les études, les
moyens financiers de subsister, la peur du chomage, etc...). Depuis
quelques temps, j’avais ressenti la même impression d’étouffement sur la
littérature française, que je ne jugeais pas autrement que stérile et
épuisée par une société feignant d’ignorer l’art. Mes études littéraires me
poussant vers les rivages des "grands classiques", j’y trouvais, à mon
grand regret, beaucoup plus de plaisir que dans la littérature moderne.
Soit. Dans ma bulle de rêve, je sentais donc le désir profond d’un
changement, d’une ouverture de la littérature à la réalité moderne,
considérant que, d’abord, un nombrilisme franco-français n’aboutirait à
rien, ensuite que se conforter dans l’élitisme aveugle était le signe
avant-coureur d’une fin de règne, enfin que le plus dangereux encore était
de passer à côté de la multiplication des médias et ne pas s’intéresser à
la diversité culturelle qu’impliquait l’évolution du cinéma, de la BD, de
la musique, d’Internet (tout ces biais culturels qui impliquent de la part
du public une lecture nouvelle de l’art en décalage avec la littérature
actuelle). Je suis de cette génération qui a vécu avec les dessins animés,
la bande dessinée, les jeux vidéos, les blockbusters américains, le cinéma
fantastique et le cinéma d’horreur, auquel viennent s’ajouter, d’une façon
plus générale, la consommation de masse et le sens tragique d’un millénaire
qui commence (dit-on !) dans les craintes combinées du réchauffement
planétaire, de l’exclusion sociale, du terrorisme, du chomage, de la
décadence de la civilisation occidentale, de la stérilité des idéologies
politiques, etc... Tout cela, je ne peux le mettre de côté quand je
considère la littérature que je souhaiterais lire voire écrire.

D’ou mon enthousiasme quand aux changements induits par le manifeste, qui
m’a laissé penser l’espace d’un instant que ma réflexion, certes plus large
et nettement moins aboutie que celle sur la notion de "francophonie",
n’était pas une pure utopie personnelle. Je me suis aussi rendue compte, au
passage, que contrairement à ce que je croyais alors jusque là, par
ignorance, il existe en France des forces vives et estimables dans la
littérature française. De là, je vous assure de mon soutien, malgré ma
qualité d’anonyme, et vous remercie encore de me donner de l’espoir. Sachez
aussi que, quel que soit l’issue de mes rêves (que je devienne bel et bien
écrivain, ou que la réalité reprenne le dessus et m’oriente vers une toute
autre voie), je suivrai avec passion l’évolution de votre aventure.