La vie moderne

Raymond Depardon (Palmeraie et désert/2008/90’)

8 mai 2014.
 

Alors qu’il sillonnait le monde, appareil photo ou caméra au point, c’est à la fin des années 1990 que vint l’idée à Raymond Depardon, un idée un peu folle en termes de production, mais passionnante sur le plan du cinéma : filmer durant dix ans ces paysans de moyenne montagne dont tout porte à croire qu’ils vont disparaître sous l’effet des mutations économiques. Enfant d’agriculteur, il nous fait entrer dans leurs fermes avec un naturel extraordinaire. Après Profils paysans : l’approche (2001), Profils paysans : le quotidien (2005), La vie moderne clôt… du moins provisoirement, la trilogie. Ce film bouleversant parle, avec une grande sérénité, une intimité et une délicatesse rare, de nos racines et du devenir des gens de la terre. Il y a enfin la présence de R. Depardon, la permanence de sa voix hors champ qui tantôt relance avec beaucoup de douceur, tantôt communie dans le silence de ses interlocuteurs. Cette position est sans doute ce qui rend le film si beau, parce qu’elle suggère une histoire intime qui prend la forme, propre à la paysannerie, d’un mouvement cyclique. Celle d’un homme qui a quitté son milieu, et qui revient tardivement à cette question de l’héritage par la voie qui l’en a détourné : la production des images.

 

DERNIER OUVRAGE

 
Beaux livres

Le desert, allers et retours

La Fabrique - 2014

Un petit livre pour cinquante ans de désert – ou comment le jeune photoreporter pigiste parti un jour de 1962 « couvrir » un fait divers de la guerre d’Algérie est devenu le photographe célèbre exposé au Grand Palais.
Les étapes de la carrière de Raymond Depardon sont comme rythmées par le grand désert saharien. En 1972, dans le Tibesti, son désert de prédilection, il suit pendant des mois l’affaire Claustre, cette ethnologue prise en otage par les combattants du Frolinat (Front de libération du Tchad). Ces combattants, il va les accompagner dans l’attaque de Faya Largeau et il va les suivre, appareil à la main, dans leur lutte.
C’est encore dans le désert, sur une dune de Mauritanie que Depardon a l’intuition de ce qu’il faut faire pour sortir du photojournalisme : faire des films, et tout seul. Et il raconte comment il a tourné dans le sable aussi bien des documentaires (Tibesti Too) que des fictions (La Prisonnière du désert, avec Sandrine Bonnaire).
Dans ce livre, Depardon parle aussi de technique, de la difficulté de photographier et de filmer le désert.
Quelque 60 photos, pour une bonne part inédites, illustrent ces propos de Raymond Depardon, modestes et drôles, qui sautent de sa fermenatale aux sables et aux palmeraies où vivent des éleveurs « qui ont beaucoup de traits communs avec mon père ».