Tragique Méditerranée

28 mai 2014.

SAM. 15H45, SALLE MAUPERTUIS

 

Les drames à répétition de Lampedusa, le séisme des « Printemps arabes » qui auront vu le surgissement d’une nouvelle génération et ce qui s’en est suivi, et puis la guerre israélo-palestinienne : s’interroger sur la Méditerranée c’est s’interroger sur le tragique de notre temps. Mais c’est aussi, voulons-nous croire, s’enorgueillir de ce legs essentiel parvenu jusqu’à nous à travers les siècles : la volonté fragile d’être ensemble malgré tout.

La Méditerranée, matrice de notre monde, zone de tous les brassages et de toutes les fractures, sans cesse déchirée, meurtrie, et toujours renaissante, hantée par la tentation du tragique, que l’on dit parfois condamnée au malheur, qu’il ait pour nom fanatisme religieux, fascisme, nationalismes, « où, depuis des millénaires, écrit Jean Giono, s’échangent les meurtres et l’amour ».
Mais Méditerranée aussi mère des cultures, dans un flamboiement créateur sans équivalent peut-être dans l’histoire, quand s’opposent et s’illuminent l’Orient et l’Occident. Méditerranée millénaire, où le passé, ja- mais, ne se laisse oublier, mais où nous pressentons pourtant que se joue – pour le meilleur et pour le pire ? – une des figures de notre avenir.

POUR UNE MÉDITERRANÉE DES DEUX RIVES, SAM. 15H45, SALLE MAUPERTUIS

Parti sur les traces d’Hannibal, de Sardaigne en Turquie, Paolo Rumiz redonne vie à ce que fut son rêve méditerranéen, toujours actuel, opposé au rêve impérial de Rome. Colette Fellous, née à Tunis, revient continûment à ce qui, en cette Méditerranée, structura son imaginaire, François Beaune a fait un tour de Méditerranée en collectant des histoires et c’est une belle réussite, Mathias Énard, de ses années d’errance autour de la Méditerranée, a tiré la matière d’une fresque magistrale, Benny Ziffer, auteur israélien, nous livre les carnets de ses voyages en quête d’une identité levantine, par une démarche comparable à celle de la romancière libanaise Georgia Makhlouf. Dans La Traversée, Elisabeth Leuvrey propose un sublime documentaire sur l’exil, l’immigration, l’identité, la vie et les émotions de ces passagers qui flottent entre deux mondes, France et Algérie, et Yahia Belaskri écrivain algérien vivant en France depuis les émeutes de 1988, prix Ouest-France pour Si tu cherches la pluie, elle vient d’en haut, conduira les débats.

MARSEILLE NOIR, SAM. 14H, HÔTEL DE L’UNIVERS

Marseille, la ville méditerranéenne par excellence, ville de tous les brassages, saisie dans ses multiples visages et contradic- tions par 13 écrivains, marseillais d’adoption, sous la direction de Cédric Fabre, méritait bien une rencontre à l’Univers !
Avec Cédric Fabre et quatre de ses auteurs, Mina Sif, François Beaune, Christian Garcin et Emmanuel Loi.

 

DERNIER OUVRAGE

 

At(h)ome

Plus de cinquante ans après la fin de la guerre de libération, une cinéaste française et un photographe algérien nous ramènent en 1962 en plein Sahara. D’une zone désertique irradiée aux faubourgs d’Alger, ils suivent le parcours des retombées d’une explosion nucléaire dont les traces dramatiques interrogent la responsabilité des nations. Un film d’une grande rigueur formelle sur un sujet choquant et inconnu.

 

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Romans

Un bref moment d’héroïsme

Plon - 2017

Bienvenue à Marseille, où un étrange phénomène se produit. Dès qu’un élu prononce un discours, une horde d’activistes l’en empêche en se lançant dans une véritable « foire à la baston ». Derrière ces happenings d’une rare violence, il y a plusieurs hommes et femmes aux parcours et aux motivations bien différents. Paolo, l’inventeur du concept et le meneur du groupe ; Lang, ancien photographe de guerre au passé peu clair. Olivia, l’ex de Lang ; Awa, qu’il a connu dans sa première vie. Et un gamin, Arsène, qui va finir par jouer un rôle crucial dans cette affaire. Un Fight Club à la française, véritable coup de poing littéraire.

 

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Romans

Déserter

Actes Sud - 2023

Quelque part dans un paysage méditerranéen orageux familier et insaisissable, en marge d’un champ de bataille indéterminé, un soldat inconnu tente de fuir sa propre violence. Le 11 septembre 2001, sur la Havel, aux alentours de Berlin, à bord d’un petit paquebot de croisière, un colloque scientifique fait revivre la figure de Paul Heudeber, mathématicien est-allemand de génie, disparu tragiquement, resté fidèle à son côté du Mur de Berlin, malgré l’effondrement des idéologies.
La guerre, la désertion, l’amour et l’engagement... le nouveau roman de Mathias Énard – vif, bref, suspendu – observe ce que la guerre fait au plus intime de nos vies.

« J’avais entrepris l’écriture de la biographie fictive du mathématicien est-allemand Paul Heudeber depuis quelque temps lorsque la guerre en Ukraine a envahi mes carnets. Le 24 février 2022, le conflit a frappé de plein fouet mes projets. Le roman que j’envisageais ne pouvait plus être le même. La résurrection du discours – nazis, dénazifier – faisait remonter les années 1940 jusqu’à nous. La Russie assumait son impérialisme. Elle brandissait sa violence comme une fierté. Les couleurs des années 1990 (hiver, sang, feu) teintaient de nouveau l’Europe. Les chars soviétiques T72, ces boîtes plates et vertes que nous avions vues dans les champs de maïs abandonnés de Pannonie tirer sur Vukovar, roulaient vers Odessa, et leurs équipages, ces soldats russes de moins de vingt ans, brûlaient vifs trois par trois, prisonniers de leur blindage, lorsqu’un missile Javelin ouvrait leur tank comme on arrache la tête d’un oisillon avec les dents. À travers les arbres, on voyait de nouveau les animaux – les cochons, les chiens – errer jusque sur nos écrans, souvent horriblement mutilés, avant d’être achevés d’un coup de baïonnette. Odessa, l’Alexandrie de la mer Noire, allait subir le sort de Sarajevo.

J’ai compris plus ou moins à ce moment-là, alors que mes angoisses et mes cauchemars devenaient de plus en plus pressants, qu’il fallait que je m’enfonce de nouveau dans mon traumatisme de guerre, mes obsessions ; j’ai imaginé un personnage au creux d’une montagne, au bord de la Méditerranée. Il a un fusil à la main, il vient de quitter la guerre, mais il ne suffit pas de la quitter, il faut s’en défaire. Il va errer dans les territoires de son enfance avant de partir vers le nord pour passer la frontière et quitter le pays.

L’histoire de Paul Heudeber, sa fidélité à l’amour et au socialisme, malgré la déportation et la guerre froide, se prolongeait dans celle du déserteur, elle s’y reflétait, et le soldat perdu envoyait ses vibrations désespérées vers Paul Heudeber et sa fille Irina. Tout se projetait, se reflétait dans les lacs autour de Berlin et dans la recherche de l’espérance. »

Mathias Énard


 

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Romans

Le Bon, la Brute et le Renard

Actes Sud - 2020

Trois chinois accablés de chaleur sillonnent le désert californien à la recherche de la fille de l’un d’entre eux, qui a disparu un mois plus tôt. Dans leur lente progression, ils frôlent à plusieurs reprises un binôme de policiers américains qui suivent eux-mêmes la trace d’un autre disparu… Ailleurs, à Paris, un journaliste chinois, auteur réticent de romans noirs, enquête avec une conviction relative sur l’évaporation de la fille de son patron. Ceci expliquerait-il cela ? Et réciproquement. Dans un jeu de miroir buissonnier, Christian Garcin invente le road-trip taoïste. Et questionne, mine de rien, les fondements de l’existence de la réalité. (Oui mais laquelle ?)

 

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Le phare : Voyage immobile

Hoëbeke - 2015

Paolo Rumiz pour son nouveau livre a fait un voyage auquel même lui sans doute ne s’attendait pas. Lui qui a longé les 6 000 kilomètres des frontières de l’Europe du nord au sud, traversé les Balkans, franchi les montages à la recherche d’Hannibal, ramé tout au long du fleuve le Pô, lui, le grand voyageur italien, décide de vivre et de nous faire vivre son premier voyage immobile dans un phare perdu au milieu de la Méditerranée, loin de tout et de tous, hormis les gardiens.
Soudain libéré de tout contact avec le monde extérieur – il n’a ni radio, ni télé, ni internet, ni même un téléphone – il se consacre, quand le temps le permet, à l’exploration de son environnement plutôt réduit puisque le phare est perché sur un récif où il n’y a aucune autre habitation. Il nous présente donc tour à tour la nature, la faune domestique (il y a quand même un âne et une poule) et la faune sauvage (dominée par les innombrables oiseaux), les poissons, le bâtiment où il loge, ceux qui l’habitent ou qui l’ont habité jadis, sans oublier d’autres occupants de phares qu’il a connus dans son enfance, il nous parle du temps qu’il fait, des vents, des bateaux qui passent, de ses pensées, de ce qu’il mange et de bien d’autres choses encore. Bref, il nous dit tout, sauf le nom de cet archipel mystérieux, qu’il tient à cacher, de peur d’y voir déferler des hordes béotiennes. Il livre certes quelques indices, mais ceux-ci amènent le lecteur à se demander si la vérité ne serait pas plus compliquée qu’il n’y paraît et à conclure que le phare du récit pourrait bien être, en réalité, un savant amalgame d’expériences diverses. En tout cas, le récit est prenant, et inoubliable. C’est avec une indéniable volupté que ceux qui rêvent d’une tour d’ivoire se laisseront entraîner jusqu’à ce lieu austère, à l’écart du monde, même s’il faut en repartir.

 

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Revue

Apulée n° 9 - Art et politique

Zulma - 2024

L’art n’a-t-il pas toujours été politique en soi, qu’il l’affiche ou s’en défende ? Telle est la ligne de front d’Apulée #9, qui s’engage depuis le premier numéro dans les brèches et par-delà toutes les frontières de ce début de XXIe siècle.

De l’architecture comme métaphore du pouvoir à la reconnaissance poli- tique des peuples sans État via leur culture et patrimoine artistiques (les Inuit, les Tsiganes, les Berbères et autres nomades du sens), du pillage ou de la destruction en temps de guerre et de colonisation (de l’Acropole d’Athènes à Palmyre, en passant par l’Afrique) à l’universalisme de l’altérité, ce nouvel opus d’Apulée assume toutes les fulgurations et parie sur la voix et les gestes éminemment engagés d’artistes, écrivains, poètes et intellectuels qui portent, encore et toujours, l’idée de liberté, par-delà les identités fracassées sous les chocs de l’Histoire…

Chaudron des allégories et des résistances, critique inventive des mœurs, lien social, pratiques et voix émancipatrices et subversives, utopie en actes : ce nouvel opus s’attache cette fois encore à l’Humain – sans œuvres ni parole confisquées, à l’opposé de la « société du spectacle » – contre la pulsion de mort commune à toutes les politiques du pire. Et comme Apulée l’a toujours défendu !

 

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Nouvelles

La lune dans le puits : Des histoires vraies de méditerranée

Verticales - 2013

« Ceux qui parlent dans ce livre sont moi. J’ai digéré toutes leurs histoires, je les écoute, les réécoute, je me parcoure et je retrouve dans l’écho du miroir mes histoires miennes. »

Entre décembre 2011 et avril 2013, François Beaune est parti collecter des histoires vraies autour du bassin méditerranéen. Il a choisi d’en retranscrire environ deux cents, dont les siennes, et d’en ordonner la matière au fil des âges de l’existence – depuis l’enfance jusqu’à la mort –, telle l’autobiographie imaginaire d’un seul et même individu-collectif. La lune dans le puits dessine ainsi l’odyssée insolite, populaire et iconoclaste de celles et ceux qui portent les légendes contemporaines du berceau de l’humanité. 


Revue de presse

 

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Récit

Le petit foulard de Marguerite D.

Gallimard - 2022

« C’est très simple, je voudrais retrouver le moment où soudain Marguerite s’est arrêté de me parler et que tout s’est suspendu. Je resterai d’abord là, sur ces secondes, puis je partirai, sans destination précise, juste partir. Sur un morceau de soie. J’aime toujours faire ça, revenir sur des moments modestes car à les déployer lentement on y voit se réveiller tant de formes et de couleurs, de la joie, des rires, des cris d’oiseaux sur la lande, un grand ciel, du sable, des feux et bien sûr un cœur qui bat le tambour. Les forêts, l’inquiétude et la peur ne sont jamais très loin. Nous étions donc assises l’une en face de l’autre, Marguerite Duras et moi, un après-midi d’automne, chez elle, rue Saint-Benoît numéro 5, je portais un gilet en grosse laine rouge et blanc et un petit foulard de soie léopard tacheté noir et blanc. Par la fenêtre, une lumière plutôt plate et de légères taches de bruits. À un moment, et c’est celui-là précisément que je voudrais retrouver, elle m’a fixée, légèrement absente, la beauté de son visage, ses yeux bleus et purs, son air unique et souverain de Marguerite D. “Tu vois, j’étais exactement comme toi. Le même foulard, les mêmes couleurs, pareille.” Entre nous, sur la table, des feuilles de papier, un magnéto, des stylos, et le livre ouvert : Emily L. J’étais venue pour qu’elle me parle d’elle. »

 

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Romans

Port-au-Prince aller-retour

L’Orient des livres - 2019

L’émigration vers les Amériques est en marche dès la fin du XIXe siècle. Port-au-Prince Aller-Retour explore celle, peu connue, des Syro-Libanais qui s’établissent en Haïti et raconte l’histoire hors du commun du jeune Vincent-Mansour qui, à vingt ans, quitte son village de la montagne libanaise sous domination ottomane pour aller vers l’inconnu et s’établit à Port-au-Prince.

Le roman s’ouvre sur son second départ pour Haïti, après un mariage au Liban. Vincent a hâte de fonder une famille et de continuer à développer ses affaires à Port-au-Prince. Il est pourtant encore amoureux de l’admirable Louisa, Haïtienne de souche, qui a partagé sa vie pendant les quinze années de son premier séjour.

Georgia Makhlouf dessine la fresque familiale en donnant voix à chacun des protagonistes : Vincent, Louisa, Edma, Joseph, Fatek et Anis, chacun déployant sa version de l’histoire, son vécu, ses sentiments et sa part d’ombre, au coeur de la beauté envoûtante de l’île.

Si Vincent réussit son pari professionnel, la pérennité de tout ce qu’il a construit avec force et rudesse vacille au regard des événements. Il doit concilier ses deux vies, faire face à l’instabilité politique, à l’occupation américaine qui s’annonce et à la montée du sentiment anti-syrien, lui qui n’imagine pas un instant devoir quitter cette île qui est devenue sienne...

Dans ce roman fascinant, exil, identité, intégration et tensions raciales font écho aux questionnements du temps présent.

 

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Récit

Marseille amor

Seuil - 2014

Il est né dans les Vosges, mais c’est sans doute à Marseille qu’il trouve ses plus sûres racines ou amarres. Pour le meilleur et pour le pire. Cette ville chaotique, mystérieuse, vénéneuse peut-être, agitée, il y débarque dans les années soixante-dix, sur fond d’agitation politique, avec toute sa soif de liberté.

Et c’est dans cette ville que revient de nos jours Emmanuel Loi, toujours aussi indocile, pour arpenter le terrain de sa mémoire en une errance urbaine qui réveille les fantômes et constate les réalités d’un aujourd’hui, où ne se retrouvent plus tout à fait les saveurs d’antan.

Dans un mélange de haine et d’amour, l’auteur empoigne Marseille à bras le corps, il se perd, sort des sentiers battus, cherche à comprendre le mystère de ce port des grands brassages. Il est supposé livrer un texte de commande, une étude urbaine. Mais il est trop rétif à la contrainte pour jouer tout à fait le jeu. Et régulièrement, il s’échappe de la ville pour aller vider, en Seine-et-Marne, la maison de sa mère, dans le deuil encore béant de celle-ci.

 

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Récit

Entre nous, les Levantins : Carnets de voyage

Actes Sud - 2014

Du Caire à Amman, en passant par Istanbul, Athènes et Paris, Entre nous, les Levantins est un carnet de voyage écrit d’une plume de poète voyou qui évoque Chatwin, Artaud, Rimbaud.
Avec l’art des détours et des rencontres, dans la fréquentation des marges, Benny Ziffer déploie une utopie sobre et sceptique, un plaidoyer superbe- ment provocateur et subversif pour un avenir proche-oriental réconcilié (réinventé ?) avec tous ses passés.