Poupée de paix ?

Écrit par Clémentine Aucouturier, incipit 2, en 3ème au Collège Eugène Fromentin de La Rochelle (17). Publié dans l’état.

28 mai 2014.
 

Et elle partit, tenant sa fille dans ses bras à la recherche, folle mais pas desespérée d’une toute petite poupée de chiffon, dans ce monde cruel et obscur qu’est la guerre.
Déjà neuf mois s’étaient écoulés depuis le début de cet enfer. Autant que ceux d’une grossesse.Neuf mois pour créer un homme, neuf mois pour en détruitre sept cents mille.
Mais pour la femme, peu importaient les soldats tombés au combat. Il n’y avait que le coeur battant dans la chaude poitrine de l’enfant qui la préoccupait. Et pour celui-ci, il lui fallait fuir, encore et toujours. A peine s’arrêtait-elle dans un semblant de village – ils n’étaient plus que ruines- que les obus la rattrapaient, sa fille et elle, avec leurs sifflements de train et leurs flammes d’enfer. Elles devaient repartir, poursuivies pas le bruit des canons. Même le grondement du tonnerre d’orage ne parvenait à couvrir le hurlement de la guerre.
Sur les chemins de terre crevés par les trous d’obus, on pouvait les voir marcher, la femme au regard hébété tenant par la main une enfant qui ne devait pas dépasser 6 ans. Mais elles n’étaient pas seules. Quelques dizaines d’autres personnes marchaient dans cette même direction – l’inconnu.
Le soir, elles s’asseyaient toutes autour d’un feu qui, quand il n’était pas éteint par la pluie, luisait dans leurs yeux vitreux. Personne ne parlait, comme si la guerre leur avait ôté la capacité d’échanger. Seule une petite voix s’élevait de temps à autre pour réclamer sa poupée. Mais elle se perdait dans la nuit froide et sombre, où même les étoiles n’osaient se montrer.
Et puis au matin, elles repartaient. C’était une litanie sans fin, que seuls les bruits d’explosion venaient troubler. Parfois, des cris retentissaient, poussés par des gens rendus fous par le vacarme, le désespoir, la terreur ou la guerre. On ne savait souvent pas ce qu’ils devenaient.
Une nuit, l’air était si glacial que la petite fille s’était recroquevillée entre les bras de sa mère. Cette dernière fut soudain réveillée par les gémissements de l’enfant. Tendrement, elle la berça en fredonnant une vieille comptine jusqu’à ce que la petite se rendorme. Ce n’est qu’après que sa respiration soit redevenue régulière, que la femme remarqua la vive lumière qui enflammait le ciel. Mais ce n’était pas une lumière. C’étaient réellement des flammes. Et dans une région aussi pluvieuse que celle de Verdun, elles n’étaient certainement pas naturelles.