Amnésique tenace

Écrit par Pierrick Jeanne, incipit 2, en 3ème au Collège Fontenelle de Rouen (76). Publié en l’état.

28 mai 2014.
 

Et elle partit, tenant sa fille dans ses bras à la recherche, folle mais pas désespérée, d’un simple jouet d’enfant d’une toute petite poupée en chiffon, dans ce monde cruel et obscur qu’était la guerre.

Des cadavres jonchaient le sol de ce village , allemands ou français, à la fin ils ne sont que des hommes. Des obus, des gravats, des cris, des pleurs, des larmes… voilà l’ambiance du village. Personne n’ose sortir de sa demeure, craignant un balle perdue ou un obus non explosé. Chaque craquement de branche sous un pied procure des frissons aux villageois. Chaque souffle de vent glace le sang dans les veines de ces innocents, spectateurs de ce massacre.

Mais cette femme, tenant son enfant par la main, brave ses craintes et le danger, marche droit, chaque pas est un pas qui ravive l’espoir dans cette quête considérée comme dérisoire ou insensée par les habitants du village ; ils la regardent, derrière leur fenêtre, apeurés à l’idée de faire un pas dehors. Cette quête qui, pour un enfant, pourrait lui coûter la vie. Cette femme est pugnace, c’est une mère battante. La poupée est comme le symbole de la vie… Elle est comme une lumière, une lueur d’espoir au milieu de ce cataclysme.

Des bruits de fusils, de canons, d’hommes ravagés par le feu de la guerre peuvent s’entendre au loin. Mais rien ne pourrait faire rebrousser chemin à cette femme. Des personnes la regardent, seule, marchant. Elle regarde à droite à gauche, pour trouver un raccourci, car la distance n’est pas longue, mais la force d’avancer n’y est presque plus, elle peine à mettre un pied devant l’autre. Plus d’une fois elle pense à arrêter, abandonner, laisser la poupée derrière le virage, baisser les bras et faire comme ses voisins, se cacher et attendre la fin de la guerre… Mais dieu seul sais combien de temps il reste à cette tempête humaine, à cette force remplie de mal, qui pousse les hommes à tuer leur semblables ! Des êtres vivants qui sont dans la tranchée d’en face !