Une Bretagne ouverte sur le monde

18 juin 2014.
 

Avec : Mona Ozouf, J-M-G Le Clézio, Michel Le Bris, Yann Queffélec, Jean-Michel Le Boulanger.

 

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Essais

Pour l’amour des livres

Grasset - 2019

« Nous naissons, nous grandissons, le plus souvent sans même en prendre la mesure, dans le bruissement des milliers de récits, de romans, de poèmes, qui nous ont précédés. Sans eux, sans leur musique en nous pour nous guider, nous resterions tels des enfants perdus dans les forêts obscures. N’étaient-ils pas déjà là qui nous attendaient, jalons laissés par d’autres en chemin, dessinant peu à peu un visage à l’inconnu du monde, jusqu’à le rendre habitable  ? Ils nous sont, si l’on y réfléchit, notre première et notre véritable demeure. Notre miroir, aussi. Car dans le foisonnement de ces histoires, il en est une, à nous seuls destinée, de cela, nous serions prêt à en jurer dans l’instant où nous nous y sommes reconnus – et c’était comme si, par privilège, s’ouvrait alors la porte des merveilles.

Pour moi, ce fut la Guerre du feu, « roman des âges farouches  » aujourd’hui quelque peu oublié. En récompense de mon examen réussi d’entrée en sixième ma mère m’avait promis un livre. Que nous étions allés choisir solennellement à Morlaix. Pourquoi celui-là  ? La couverture en était plutôt laide, qui montrait un homme aux traits simiesques fuyant, une torche à la main. Mais dès la première page tournée… Je fus comme foudroyé. Un monde s’ouvrait devant moi…

Mon enfance fut pauvre et solitaire entre deux hameaux du Finistère, même si ma mère sut faire de notre maison sans eau ni électricité un paradis, à force de tendresse et de travail. J’y ai découvert la puissance de libération des livres, par la grâce d’une rencontre miraculeuse avec un instituteur, engagé, sensible, qui m’ouvrit sans retenue sa bibliothèque.

J’ai voulu ce livre comme un acte de remerciement. Pour dire simplement ce que je dois au livre. Ce que, tous, nous devons au livre. Plus nécessaire que jamais, face au brouhaha du monde, au temps chaque jour un peu plus refusé, à l’oubli de soi, et des autres. Pour le plus précieux des messages, dans le temps silencieux de la lecture  : qu’il est en chacun de nous un royaume, une dimension d’éternité, qui nous fait humains et libres. »


 

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Romans

Chanson bretonne

Gallimard - 2020

Ce livre évoque des souvenirs de séjours réguliers que Le Clézio a passés dans la ville de Sainte Marine, à l’embouchure du fleuve Odet, dans le Finistère, lors de son enfance entre 1948 et 1954. Bien que l’auteur se défende de respecter une chronologie, le texte poursuit néanmoins l’ordre de la mémoire, allant de l’enfance vers la maturité. Le lieu de Sainte Marine est placé sous le signe de la mère. La Bretagne, et particulièrement le pays bigouden, que Simone Le Clézio aimait par dessus tout, ce pays où elle a reçu la demande en mariage de son père, ou elle a accouché de son frère et où elle est revenue se réfugier trois mois après la naissance de l’auteur à Nice, à cause de la seconde guerre mondiale. Au fil des chapitres, qui sont présentés comme des « chansons », le narrateur fait revivre une époque où Sainte Marine n’avait pas encore été arraisonnée par les boutiques, les carrefours giratoires, ni les bistrots en tout genre… À travers ces « chansons », l’auteur propose un vrai récit sur son enfance en Bretagne, qui s’enrichit également d’une réflexion plus large sur les changements de la géographie bretonne. Malgré son dépit face à ces bouleversements, Le Clézio ne cultive pas le goût de la nostalgie, car pour l’auteur « la nostalgie n’est pas un sentiment honorable ». Son intention est plutôt de rendre compte de la magie ancienne dont il fut le témoin, par les mots empruntés à la langue bretonne et les motifs d’une nature magnifique. Le texte est bercé par une douceur pastorale, qui fait vibrer les images des moissons en été, la chaleur des fêtes de nuit à Sainte Marine ou la beauté simple d’un verger en fleur – autant une ode à la campagne éternelle que la réminiscence de souvenirs intimes.

 

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Autres

Dictionnaire amoureux de la mer

Plon - 2018

« Nous, la mer,

Ce livre dit la mer, il dit l’aimer, l’avoir toujours aimée : il ne dit pas toute la mer, vaine ambition d’un zozo. Même la grenouille y regarderait à deux fois. Ce livre dit le vieil homme et la mer, la femme et la mer, une lutte contre soi, contre ses rêves, une quête à la vie à la mort de l’horizon ni près ni loin, une osmose avec les éléments dont l’être humain fait partie - s’il n’est ici-bas le maître du jeu. Ce livre dit la mer et les marins, les écrivains, les travailleurs du grand métier, les artistes charmés, charmeurs, les damnés du poisson. Il dialogue avec l’univers par-dessus les jours et les flots. C’est un coquillage où l’on entend, j’espère, battre le pouls du verbe aimer. Ce livre raconte une histoire océanique, la mienne, il ne prétend jamais connaître la mer ni la réduire à ses cadenas, ses tics, l’exhiber à travers les mots comme une bestiole de foire. J’aime la mer et je m’en souviens, j’y vais, je vous emmène avec moi. J’en suis natif comme tous les êtres vivants de terre et d’eau, je vous fais part de cet amour plus vaste que ma voix, plus humble que mes songes.
Un voyage, oui, autour du monde intérieur que je m’efforce d’encercler quand je prends la mer ou mon stylo. Quand je perds la raison à la barre d’un voilier qui ne réagit plus au vérin du « pilote », et perd la raison lui aussi. Quand une île heureuse vient à moi, donnée comme un livre de vie. Quand c’est crado, les ports, les grèves, les abysses, les gens du fric, quand elle gâche tout, la pollution, quand il étouffe, le corail d’Australie, des Antilles – ou qu’il renaît, squelette radieux. Quand il n’y a plus rien à dire tellement c’est beau, la mer, infiniment beau, et que l’on n’est pas seul au bord de cet infini. Aimer la mer, c’est au minimum être deux, être tous. Aimer la mer c’est « être » - c’est vivre. »

Yann Queffélec

 

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Essais

Lettre à Thibaut Pinot

Goater - 2024

Le mois d’octobre 2023 marque la fin de carrière du cycliste Thibaut Pinot. Aimé pour ses victoires autant que pour ses échecs, il a marqué les esprits de nombreux supporters. Jean-Michel Le Boulanger est l’un d’entre eux. Une lettre entre ode au coureur, traversée intime de la Bretagne et récit autour du cyclisme. « Vous êtes un drôle de coureur, Thibaut Pinot. Vous grimacez quand tant de vos concurrents paraissent impavides, impassibles. Vous attaquez et attaquez encore quand tant de coureurs semblent mesurer leurs forces. Vous êtes malade quand il ne faut pas l’être. Vous êtes victime de défaillances quand d’autres sont toujours fidèles à leur niveau, dans une régularité de métronome. Vous gagnez des étapes très prestigieuses et perdez du terrain à des moments plus anodins. Oui, vous êtes un drôle de coureur et être supporter de Thibaut Pinot est un exercice difficile. Ce qui est sûr, et c’est pourquoi on vous aime, c’est qu’avec vous l’eau n’est jamais tiède ni la course prévisible. »

 

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Essais

Pour rendre la vie plus légère

Stock - 2020

"Pourquoi la littérature ? Parce que la littérature nous pourvoit de dons que nous n’avons pas. Elle nous pourvoit immédiatement de l’ubiquité. Grâce à la littérature, nous vivons dans des pays, des villes où nous n’avons jamais posé le pied. Grâce à la littérature, nous pouvons reculer vers des époques révolues. Il y a une sorte d’immense liberté que donne la pratique des livres, et que nous n’avons pas. La démultiplication de l’existence dans la littérature est une chance précieuse". Ce volume contient les principales émissions faites par Mona Ozouf à "Répliques" , sous la direction d’Alain Finkielkraut : sur les femmes et la singularité de leur écriture ; sur les livres comme "patrie" ; sur la galanterie française ; sur la civilité ; sur le Panthéon ; sur la Révolution française ; sur Henry James ; sur George Eliot. Les partenaires avec lesquels elle dialogue ici sont Diane de Margerie, Claude Habib, Pierre Manent, Geneviève Brisac, Philippe Belaval, Philippe Raynaud, Patrice Gueniffey. C’est tout un parcours intellectuel qui est ici dessiné, depuis ses travaux fondateurs sur la Révolution française jusqu’à ce qu’elle appelle ses "échappées belles" en littérature. Mona Ozouf est une "figure aussi discrète que rayonnante de la scène intellectuelle française", comme l’écrit Jean Birnbaum dans Le Monde. A bonne distance de tous les enrôlements et de toutes les assignations identitaires, elle maintient inébranlable le souci d’une ligne originale.

Entretiens avec Alain Finkielkraut, dans l’émission Répliques

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Revue de presse :