Dans l’œil du faucon

17 juillet 2015.
 

Telle est la force de la littérature à sa plus haute intensité – et du voyage, parfois : de nous réapprendre à regarder ce que nous ne voyons plus, à force d’habitudes, devenus sans nous en apercevoir indifférents, aveugles, sourds.

Presque rien ici, mais un rien où par magie il nous semble qu’affleure le monde entier, ouvert jusqu’à l’immense. Presque rien, les Orcades une nuit de solstice d’hiver, un couple de faucons pèlerins occupés à nidifier, une navigation à la voile entre les îles du nord, une rencontre avec des dauphins, un crâne de Fou de Bassan sur une plage. Presque rien et tout un monde, celui de Kathleen Jamie dans le nord de l’Écosse – et puis le frisson du vent, le goût du sel sur la peau, cette ivresse légère quand vous sentez que le monde vient, passe à travers vous, parce que vous ne faites plus obstacle. Et pour rendre cela, une acuité extrême du regard, une densité lumineuse de la phrase, précise, toujours légère et pourtant chargée dirait-on d’une infinité de pensées, qui nous donne le sentiment de découvrir le monde pour la première fois.

On pourrait penser à John Muir, à thoreau, mais on préfère se laisser entraîner, tout à la magie de ses mots, tout à la pertinence de ses propos, tout à la vision qu’elle nous donne de ce monde, si proche mais qui pourtant nous avait échappé... Un bijou.

 

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Tour d’horizon

La Baconnière - 2019

“C’est un silence venu de très loin, effrayant, qui fait ressemble le bruit sous mon crâne à une oie criarde. J’aimerais réduire mon esprit au silence, mais je pense que cela prendrait des années.”

Tour d’horizon plonge le lecteur dans les conversations avec le monde naturel à travers quatorze récits autobiographiques rendus par une écriture exquise et sans romantisme. Que ce soit dans les récits sur les fous de bassans, les icebergs de l’Arctique, au chevet de sa mère ou dans le monumental musée de squelette de baleine de Bergen, Kathleen Jamie convoque un champ d’investigation extrêmement vaste, qui inclut la nature humaine, notre propre finitude. Avec un réel soucis de précision et une modestie remarquable, elle ajuste ses focales inlassablement et réenchante le monde. Si ses récits suivent une trame narrative et dissèquent l’ordinaire, elle prend aussi de la distance , interroge le ciel, scrute l’univers microscopique et thématise la notion de nature.

Tour d’horizon est une formidable invitation à réfléchir sur les biotopes aux côtés de Kathleen Jamie, héritière d’une tradition poétique écossaise de représentation de la nature, avec humilité, joie et malice.

Traduit de l’anglais (Écosse) par Ghislain Bareau