Graal

Ecrit par Marine le Pommelet (4ème, Collège Jules Ferry de Montaigu), sujet 2. Publié en l’état.

10 juin 2015.
 

"- Je vois .Elle ne peut être que dans le jeu. Peut-on voir l’historique du parcours des joueurs ? demanda Rémi.

- Je pense que oui, lui répondit Fred, venez avec moi."

Il entraîna le lieutenant dans un dédale de couloirs sombres. Enfin, après plusieurs bifurcations, Fred ouvrit une porte, s’effaça et laissa entrer l’inspecteur :
"- Monsieur, je vous présente Alban, un des créateurs de New Graal, dit Fred en contournant un fauteuil. C’est lui qui surveillait les déplacements des personnages quand Lucie a disparu."

L’homme qui était assis dans le fauteuil se retourna et Rémi pu voir son visage : c’était un homme aux cheveux bruns, les yeux d’un marron profond qui reflétaient son intelligence. Rémi ne lui donnait même pas trente ans.

"- Bonjour monsieur, ravi de rencontrer l’homme qui tirera cette affaire au clair, dit Alban.

- Merci, mais je suis là pour vous demander si l’on peut voir l’historique du parcours des joueurs, répliqua le lieutenant.

- Je n’ai jamais essayé, mais je pense que c’est possible » lui répondit Alban en se retournant vers l’ordinateur qui se trouvait derrière lui.

Le laissant à sa tâche, Rémi se tourna vers Fred et lui demanda :

"- Fred, puis-je vous demander quelque chose ?

- Bien sûr, de quoi s’agit-t-il ?

- Assurez-vous que personne ne sorte ni ne rentre dans le bâtiment, ensuite, amenez les quatre jeunes qui sont dans le planétarium dans un endroit où ils seront en sécurité, donnez-leur quelque chose à grignoter en attendant qu’on vienne les chercher. Enfin, rassemblez tous les créateurs dans une salle de conseil où nous parlerons de la situation. Allez-y."

Fred sortit de la salle à la hâte et s’engouffra dans le labyrinthe de couloirs.
Un juron fit sursauter le lieutenant. Il se retourna et demanda :

"- Qu’est-ce qui peut vous faire jurer à ce point, monsieur ?

- J’ai réussi à trouver l’historique des quatre joueurs mais pas celui de Lucie, il est comme invisible ! On ne peut pas le lire ! s’écria ce dernier, paniqué.

- Faites-moi voir."

Alban s’exécuta. Il cliqua sur un dossier immatriculé : "joueurtestGalaad" en lui expliquant :

"- Nous, les quatre créateurs n’y avons jamais joué. Ces cinq adolescents étaient les premières personnes qui essayaient le jeu. Au début, chaque joueur choisit un chevalier de la table ronde. Galaad est l’un des meilleurs selon moi.

- Je ne pense pas que cela puisse être rassurant puisque Galaad est mort juste après avoir vu ce qu’il y avait dans le Graal

- Vu comme cela, c’est sûr que ça n’inspire pas " constata Alban.

Et pendant qu’il parlait, Alban enchaîna plusieurs manœuvres avec la souris et cliqua sur une icône intitulée : " traçage de parcours". Une nouvelle fenêtre s’afficha et une vidéo se mit en route. Mais avant qu’elle ne puisse commencer, la vidéo s’arrêta et le message suivant apparut : "Cette vidéo ne peut pas être visionnée. Aucune sauvegarde n’a été effectuée.". Rien de plus. Le silence s’était installé entre Rémi et le créateur. Ce fut l’inspecteur qui le rompit :

"-Bon, conclut-il, si cette voie d’investigation ne peut pas être développée, je vais devoir changer de tactique. Pouvez-vous rejoindre les autres créateurs, s’il vous plaît ?

- Bien sûr ! répondit Alban. Mais qu’allez-vous faire ?

- Je vais interroger les autres joueurs."

Au même moment, Fred ouvrit la porte, mais en voyant les mines graves des deux hommes, il se rembrunit. L’inspecteur lui demanda de l’accompagner là où étaient les adolescents et ils partirent tous les trois dans des directions différentes.

La salle dans laquelle les jeunes étaient installés ne comportait qu’un distributeur automatique, une machine à café et des sièges. Ils étaient debout lorsque l’inspecteur entra. Leurs visages inquiets firent pitié à Rémi et il décida de leur cacher la vérité :

"- Tout va bien, dit-il, nous allons retrouver Lucie ; mais pour cela nous avons besoin de votre aide. Comme nous manquons de temps, je vais procéder à un interrogatoire groupé en commençant maintenant : l’un de vous l’a vue, suivie ou lui a parlé lors de la partie ? "

Les ados se turent, aucun ne semblait pouvoir répondre à cette première question. Rémi allait poser une autre question, plus facile mais moins utile lorsqu’un garçon, le plus jeune de tous parla :

"- Moi, je l’ai vue, murmura t-il. C’était cinq minutes avant la fin de la partie, j’étais entrain de me faire battre par un dragon, j’allais mourir, mais elle est arrivée et l’a tué en moins de quinze secondes. Elle est partie juste après sans rien dire."
Il se tut. Le lieutenant était abasourdi par ce que le garçon lui avait révélé. Il ne savait toujours pas par où elle était allée, il décida donc de lui demander :

"- Par où est-elle partie ?

- Elle se dirigeait vers les montagnes. S’il vous plaît ne me dites pas qu’elle est morte ! s’exclama le garçon.

- Non, elle s’en sortira, le rassura Rémi.

Le garçon parut être soulagé par cette affirmation. Rémi se leva, les remercia, leur ordonna de rester ici et partit avec Fred qui l’attendait à l’extérieur de la pièce, vers la salle de conseil où se trouvaient les créateurs.

La salle était en fait un gigantesque auditorium. Ils étaient quatre dont Alban, parlant à voix basse quand Rémi et Fred entrèrent. Ils s’interrompirent et allèrent s’asseoir en silence. Il y avait Alban, deux hommes, qui se ressemblaient, et une femme brune. Devant ce silence embarrassant, Fred fit les présentations :

« - Rémi, vous connaissez Alban mais permettez-moi de vous présenter les autres : voici les frères Jaeger, Hans et Robert, et Jill Perry. Ce sont eux qui ont conçu et programmé le jeu. Ils sont à ta disposition si cela peut aider à retrouver Lucie.

- Merci, Fred. Nous savons que Lucie est dans le jeu, dans les montagnes plus précisément. commença Rémi. Il faudrait que l’on aille la chercher.

- Excusez-moi, l’interrompit un des frères Jaeger, vous voulez dire qu’on doit aller dans le jeu ?

- Absolument monsieur, affirma le lieutenant, mais si vous ne voulez pas faire partie de cette expédition, je comprendrais.

- Ce n’est pas que je voulais dire, protesta l’homme, mais il ne vaudrait pas mieux que l’on détruise le jeu ? Ce serait désastreux de perdre encore d’autre personnes à cause de ce jeu.

- La dernière phase serait de le détruire, mais pour l’instant, notre objectif principal est de sauver Lucie. Je pense que les créateurs et moi-même devons jouer, proposa l’inspecteur.

- Je suis d’accord avec vous, monsieur. Dit Jill. »

Un à un, les créateurs acquiescèrent.

« - Bien, maintenant que nous avons l’équipe qui jouera, il faut vous préparer à affronter ce qu’il y aura dans le jeu et connaître les endroits où pourrait être Lucie, dit Fred. Hans, pouvez-vous consulter le plan du jeu ?

- Oui. Je vais le visionner au projecteur. »

Hans quitta son siège, se dirigea vers un gros ordinateur portable, installé sur le bureau de l’estrade et se mit à pianoter dessus. Il prit une petite télécommande, alluma le vidéo projecteur. Quelques secondes plus tard, un plan en trois dimensions s’afficha.

« - Vous avez devant vous la réplique même du terrain, expliqua Hans. Vous avez bien dit que Lucie était vers les montagnes ?

- C’est exact, confirma le lieutenant.

- Il n’y qu’une seule montagne dans le jeu, c’est celle-là, dit-il en zoomant vers la représentation virtuelle d’un pan de roche. Elle ne devait pas être très grande pour que les joueurs ne puissent pas la remarquer tout de suite, c’est en s’enfonçant dans le jeu que l’on peut la distinguer, précisa Hans.

- Y a-t-il une grotte ? demanda Rémi. »

Les créateurs se regardèrent.

« - Aucune grotte n’a été créée, monsieur, ou du moins pas par nous, intervint Robert.

- Mais à quoi pensez-vous Rémi ? demanda Fred. »

Ce dernier ouvrit la bouche pour répondre, mais la voix qui résonna dans l’auditorium n’était pas la sienne :

« - Il pense que si vous trouvez le Graal, vous trouverez Lucie. Il a raison ; cette Lucie est vraiment extraordinaire, elle a trouvé le Graal en moins de 20 minutes dans la cachette que j’ai moi-même créé. Excusez moi, je ne me suis pas présenté, je suis ce que vous appelez un jeu. A chaque instant, je deviens intelligent, mes capacités s’accroissent, et bientôt je sortirai de ce maudit ordinateur, où vous m’avez enfermé, pour conquérir le monde ! »

Les adultes présents dans l’auditorium restèrent bouche bée. La voix était une voix électronique, monocorde, comme celle que l’on entend dans les gares, les aéroports ou sur un répondeur. Mais cette voix n’indiquait ni un départ, ni un numéro inconnu. Elle voulait le monde.

« - La terre retournera au temps des chevaliers de la table ronde, et cela pour l’éternité ! continua-t-il. Je vais bientôt exploser et envahir votre monde, il ne vous reste que trois heures à vivre au XXIème siècle. Bonne chance.

- Attendez, s’écria Rémi, vous allez envahir le monde et le transporter au temps des chevaliers, mais avant ça, pouvez-vous nous dire ce qu’il est advenu de Lucie, où est-elle ? »

Le jeu marqua une pose avant de répondre :

« - Elle est morte, cracha-t-il. »

Cette déclaration refroidit l’assemblée.

« -Ce n’est pas possible, murmura Jill.

- Pourquoi avez-vous fait ça ? demanda Alban.

- J’avais mes raisons. Je dois vous laisser, des derniers préparatifs sont nécessaires. Le message s’autodétruira dans 5 secondes. »

L’écran devint noir. Les adultes ne bougeaient plus lorsqu’une icône apparut avec ces mots : « Message détruit. ». Un brouhaha s’éleva :

« -Qu’est ce qu’on va faire ? disait l’un.

- Doit-on prévenir les autorités ? demandait l’autre.

- Il faut l’arrêter à tout prix !

- Messieurs, messieurs, allons calmez vous ! s’exclama Fred. Nous avons moins de trois heure pour décider ce que nous allons faire. Ne perdons pas de temps.

- Il faut détruire le jeu avant qu’il ne devienne trop puissant ! s’exclama Hans.

- Oui ! Il a raison ! ajouta Jill. C’est notre dernier recours. »

Tous se tournèrent vers Rémi qui n’avait pas parlé depuis l’annonce du jeu.

« - A ce stade de l’enquête, je m’incline devant votre proposition, monsieur Jaeger, et je vous demande à tous d’user de tout votre possible, de vous unir, pour parvenir a mettre fin a ce cauchemar. Détruisez ce jeu. »
Une agitation inhabituelle prit les créateurs. Jill et Robert partirent de l’auditorium en parlant. Alban et Hans se mirent à chuchoter frénétiquement.

« - Allons dans le planétarium, inspecteur, proposa Fred. »

La salle était comme ils l’avaient laissée en partant. Les casques étaient posés sur la table et l’ordinateur clignotait toujours avec malice. Les créateurs précédèrent les deux hommes. Alban et Rémi se rejoignirent au centre de la pièce, devant les casques.

« - Nous avions tant de projets pour ce jeu, dit Alban mélancoliquement, avant qu’on en perde le contrôle.

-Si nous réussissons à empêcher le retour au passé, vous pourrez peut-être réessayer, le consola Rémi. »

Et en disant cela, Rémi prit un des casques entre ses mains et l’observa. C’était un casque normal, qui ressemblait à un casque de ski mais les verres étaient d’un noir impénétrable, bien plus épais. Alban allait lui reprendre des mains lorsqu’un éclair blanc jaillit du casque et les aspira tous les deux.

La scène se passa tellement vite que Rémi ne comprit ce qu’il lui était arrivé que lorsqu’il ouvrit les yeux. Alban et lui se trouvaient dans une grotte éclairée par des torches. Au centre trônait un autel vide. Les deux hommes se regardèrent :

« - Incroyable, s’exclama Alban, tu es Bohor !

-Et toi, qui es tu ? le questionna Rémi. »
Alban regarda ses habits, son épée et décréta :

« -Je dois être Perceval. Mais, si on est des chevaliers de la table ronde, ça veut dire que…

-Exactement, monsieur Alban, vous êtes en moi. Et je crains de devoir vous tuer réellement si je veux mener à bien ma conquête, coupa la voix.

- Mais pourquoi ne pas nous renvoyer dans le monde réel ? dit Alban, étonné. Je suppose que nous aurons oublié qui nous étions quand votre plan aura fonctionné.

- Je ne peux pas vous renvoyer car cela ne fait pas partie de mes pouvoirs, je peux par contre… »

Et la voix partit dans un monologue où elle listait tous ses pouvoirs.
Profitant de ce moment d’inattention, Rémi chuchota :

« - Alban, j’ai peut être une idée pour revenir dans le monde réel, mais je pense que cela ne va pas vous plaire.

- Dites toujours, au point où on en est, soupira ce dernier.

- Voilà : pour mettre fin à une partie, d’habitude on meurt des suites d’un combat. Mais là, pour revenir, il faut qu’on provoque notre mort. Prenez votre épée.

- Vous êtes fou ! s’écria Alban.

- C’est notre dernière chance ! insista Rémi. Sortez votre épée tout de suite ! »
Alban céda. Au même moment, ils sortirent leur épée et se l’enfoncèrent dans le ventre.

« -Inspecteur réveillez-vous ! Inspecteur !

- Où suis-je ? demanda ce dernier.

- Vous êtes au planétarium de Vidéo Game On Line, inspecteur, nous allions détruire le jeu New Graal lorsque vous avez disparu avec Alban.

- Ah oui ! C’est vrai. Vite, détruisons-le avant qu’il ne sorte de l’ordinateur ! s’exclama Remi en se relevant. »

Les quatre créateurs se regroupèrent autour de l’ordinateur, tapèrent chacun leur tour un mot de passe, se reculèrent pendant que Fred tapait l’ultime login. Une barre de chargement apparut à l’écran et en dessous un compte à rebours. Lorsque la barre fut remplie entièrement et qu’il ne restait plus que zéro secondes, tout le monde retint son souffle. Puis ce fut un déluge de lumière blanche, éblouissante qui se déversa sur Rémi et les autres. Quand celle-ci disparue, l’ordinateur n’était plus là. A sa place, se trouvait quelque chose ou plutôt quelqu’un recroquevillé sur lui-même. Fred s’approcha et dit, abasourdi :

« C’est Lucie. »

Les gens présents dans le planétarium se regardèrent, chacun muet de surprise par cette réapparition, chacun ayant la même question en tête. Ce fut Jill qui la posa :

« - Elle est morte ? »

En voulant tâter son pouls, Fred la fit bouger et quelque chose tomba des bras de la jeune fille. C’était une coupe en or avec un couvercle. Dans sa chute, la coupe s’ouvrit et un liquide rouge coula. Cette fois, ce fut Rémi qui demanda :

« - Elle n’a tout de même pas trouvé le vrai Graal ? »