Hurricane

Écrit par ACTRY Maëlys (3ème, Collège de La Boucan de Saint Rose), sujet 1. Publié en l’état.

30 mars 2016.
 

Tu sais, je dois t’avouer quelque chose. Depuis quelque temps je n’arrive pas à m’endormir. Tous les soirs, nuit après nuit, me reviennent les images de mon enfance. Le jour où, à table, mes parents me parlent d’eux, me disent de faire attention, qu’ils ne sont pas comme nous. Un autre jour encore je me souviens de ma grand-mère me tirant par le bras, me rapprochant d’elle comme pour me protéger de ces passants que je ne connaissais pas. Sans dire un mot elle avait inscrit en moi une certaine peur que je ne comprenais pas. Je te dis tout cela parce que j’ai un peu honte de ne pas pouvoir m’échapper de mon enfance, d’être prisonnier de sentiments inavouables. J’aimerais que tu me comprennes et que tu m’aides à dépasser ces émotions qui n’ont pas de sens. J’aimerais que tu m’aides à grandir.

J’aimerais que tu m’aides à me défaire de cette doctrine que l’on m’a imposée depuis ma plus tendre enfance et qui malgré tous mes efforts, reste ancrer dans les tréfonds de mon âme : « Nous ne naissons pas tous égaux ». Même aujourd’hui, je n’arrive toujours pas à distinguer le vrai du faux. Les jours qui passent sont pour moi comme de lourds fardeaux qui anéantissent ma volonté et qui m’enfoncent dans une grande confusion. Je n’arrive pas à comprendre ce qui s’est passé… Quand je les vois, je ne peux m’empêcher de les dévisager, me demandant, « qu’ont-ils de moins que nous ? Nous la « race » dite « supérieure ». Des êtres indésirables, des parasites, voila ce qu’ils inspirent à notre société. Mais ne sommes nous pas tous fait de chair et de sang ? Ils n’ont rien demandé, ils n’ont jamais choisi de naître comme cela et pourtant ils sont traités en parias ! Ils sont les souffres douleurs de ce monde aux idéaux perfides, normatifs et discriminants. Sans doute nous inspirent-ils une certaine peur ?

Tout a commencé, sous la dictature de ce président, un homme cupide et dénué de bon sens dont la politique impérialiste et mixophobe, fut à l’origine d’une toute nouvelle hiérarchisation de notre société. Une nouvelle forme d’esclavage, dont le seul but était de dénigrer, haïr, mettre fin à la mixité et à l’égalité sociale. Une de ses premières règles primordiales et inviolables, mises en vigueur : « Aucune procréation ne doit être faite entre une personne noire et une personne blanche au risque d’engendrer « un monstre » d’une couleur non certifié conforme à notre pureté raciale ». Pendant plus d’une vingtaine d’année je n’ai jamais failli à cette règle, obéissant aveuglement à cette politique de discrimination raciale qui me valorisait non plus pour ce que j’étais par mon caractère mais seulement par mon apparence. Je n’avais plus d’effort à fournir, je n’avais plus à réfléchir par moi-même. J’étais jeune et belle…Insouciante. Mais aujourd’hui tout a changé, je ne peux continuer à me voiler la face en acceptant docilement cette mixophobie qui n’a pas de sens. Ne serait-ce que pour lui, ce petit être que je chérie mais que je suis obligée de cacher. Ce petit enfant qui est le cauchemar de ma nation et le fruit d’un amour interdit ! Mon fils, ce petit ange qui n’a rien demandé. J’ai été égoïste, sotte ! J’ais préféré écouter mon cœur plutôt que ma raison ! Quelle vie puis-je lui offrir à présent, alors qu’il n’est même pas accepter par son propre père. Celui-là même qui m’a utilisé pour assouvir sa soif de vengeance contre cette société qui ne lui a jamais accordé la moindre chance. Dès que je lui ai appris ma grossesse, il m’a rejeté, le regard plein de mépris et la haine déformant ce si beau visage qu’il arborait autre fois. Comment peut-ont haïr son enfant, la chair de sa chair simplement à cause de sa couleur de peau ? Lui qui a connu le même sort, rejeté à cause de la couleur de sa peau, il n’a pas épargné son propre fils, le rejetant lui aussi.

Cet enfant, était né d’une union interdite. Lui et tous ceux qui sont les esclaves de cette société dévastatrice sont considérés comme « des bêtes noirs » pour le gouvernement, car trop foncés pour être blanc et trop pales pour être noir. Leur métissage n’appartient à aucune « race ». Ils sont appelés « les ouragans » ou dans la langue des anciens les « hurricanes », ils n’ont jamais cherché à semer terreur et division comme le prétend le gouvernement, pourtant cette société leur a attribué ce nom péjoratif et méprisant. Selon les anciens et tout comme les ouragans, leurs existences n’attiraient que désolation et désobéissance. Leur seule faute avait été de naitre dans un monde où la différence est comme une bête féroce et effrayante que l’on doit à tout prix éliminer. On les disait marginaux mais de nos jours qu’est-ce que la normalité, si ce n’est qu’être des robots du gouvernement, sans le moindre libre arbitre. Dès leur naissance ils sont marqués aux yeux de la société comme étant indésirables, inutiles, mais avant tout maudits. Ils sont retranchés dans un Township surnommé Outcast, synonyme d’exilé, de mal-aimé ou encore de proscrit. Le gouvernement a tout organisé pour que les Hurricanes ne se pas mélangent pas à la race « supérieur ». On les avait parqués dans des zones interdites à la « race supérieur ». Loin des yeux…

L’Outcast est ce qui caractérise principalement la vie d’un Hurricanes. Là-bas tout n’est que servitude, famine, et souffrance. Une souffrance si archaïque et si intense qu’elle a élu domicile dans le moindre recoin de leur vie. Il est impossible pour un Hurricane d’imaginer sa vie ailleurs et surtout autrement. D’ailleurs, ils sont persuadés qu’ils sont maudits. Et tout est fait pour qu’ils continuent à le croire. Dès l’enfance, ils sont conditionnés. Ne connaissant rien d’autre que l’Outcast. Si par malheur l’Etat avait appris que mon fils ne vivait pas dans ce quartier de l’enfer mais que je le cachais chez moi, dieu seul sait ce qui serait advenu de nous. Dire qu’après deux cent ans de lutte contre la différence nous étions parvenus à créer une société plus juste et que, par la volonté d’une seule personne, l’esclavage est de nouveau revenu à l’ordre du jour. Présenté sous une tout autre forme mais avec le même discours odieux ! Nous étions revenus à cette époque antédiluvienne qu’était le vingt et unième siècle ou les mots « tolérance » et « différence » étaient haïs et rejetés. Mais du plus loin que je me souvienne je n’ai jamais compris le sens de ce mot, « différence ». Notre société éprouvait une peur immuable envers ce simple mot et tout ce qui s’y référait.

Pourtant, aujourd’hui, depuis cet ouragan, dans les rues je croise des personnes noires, des personnes blanches, de nationalité différente, et même de taille différente, alors j’aimerais que tu m’aides à comprendre, pourquoi ce mot aussi primitif soit-il est la bête noire de mon peuple ? Ne sommes-nous pas tous différents dès la naissance ? Et si nous le sommes alors pourquoi éprouvons-nous de la haine envers nous-mêmes ? Alors dans ce cas, qui sommes-nous donc pour juger ces gens dont la seule envie c’est d’être traité avec justice et équité ?

Un soir, j’ai eu un mauvais pressentiment. Il ne cessait de m’angoisser. J’étais convaincue que le pire restait à venir, que la souffrance que ressentaient les Hurricanes se ferait aussi ressentir chez le « clan supérieur ». J’étais persuadée que les mentalités changeraient, mais je ne savais pas que cela se produirait aussi vite et surtout de cette manière… Dimanche 21 novembre 2149, une vague déferlante s’abat sur l’ensemble du littoral, du golfe du Mexique, frappant successivement les côtes des Etats Unis, du Mexique, la baie de Campêche et le canal du Yucatán. Cette vague provoquée par un séisme de magnitude 7 a engendré cet immense tsunami. La nature avait décidé pour nous. Elle s’est chargée de mettre tous les hommes sur le même pied d’égalité. Il n’y avait désormais plus de noirs, plus de blanc, plus d’Hurricanes. Ils étaient tous égaux face à la puissance dévastatrice de la nature en colère. Ici un homme titubant suppliait, plus loin une femme implorait le ciel, là-bas un enfant souffrait de ses blessures et plus loin encore les médecins s’acharnaient sur les corps meurtris de leurs patients, qui tentaient contre vent et marée de rester en vie. Les vagues c’étaient déchainées tel des bombardements, ravalant tout sur leur passage. Laissant derrière elles des familles détruites et des corps mutilés. Le spectacle qui s’offrait à moi étais pétrifiant, tout autour de moi n’était qu’un spectacle anarchique : les maisons étaient totalement décapitées, des corps sans vies dérivaient dans une eau grise et tumultueuse, des cris perçant pouvaient se faire entendre de part et d’autre de cette abime. La ville de la « race supérieure » n’existait plus ; quand à l’Outcast, il avait disparu ! Je déambulais, hébétée parmi les décombres. Mon fils, ce petit bonhomme que j’aimais tant était dans mes bras entre la vie et la mort, transpercé au bras droit par une barre de fer, le teint blafard, le regard vide signe d’une atroce souffrance. Il se vidait peut à peut de son sang. Mes larmes coulaient à flot, je ne pouvais dire à cette instant précis quelles étaient les sentiments qui m’assaillaient, peut être bien la peur angoissante de devoir le laisser s’en aller ou bien encore le contentement de pouvoir l’embrasser une dernière fois avant qu’il ne s’en aille vers un autre monde s’en doute meilleure que celui-ci. Je le serrais encore très fort dans mes bras quand je senti peu à peu la vie le quitter. Il avait cessé de pleurer. Son corps commençait à se refroidir, son teint était d’une extrême pâleur, ses lèvres étaient sèches et sclérosées. Mes main recouverte de son sang tremblaient abondement. Le déchirement dans ma poitrine était tel que je n’arrivais plus à tenir debout. J’avais envie de crier ma douleur mais aucun son ne sortait de ma bouche… Ce supplice me consumait le cœur. Tout mon monde s’était effondré en une fraction de seconde. Je ne reverrais plus jamais ses grands yeux noisette reflétant ce petit air espiègle que j’affectionnais tant, ni son visage illuminé à la vue de son film favoris... Tous ces petits détails que je ne pourrais plus jamais admirer.

S’il y a une chose plus triste que de perdre la vie, c’est de perdre sa raison de vivre ; plus triste que de perdre ses biens, c’est de perdre l’espoir... ! Pour moi l’espoir s’était envolé en même temps que la vie de mon petit garçon, mon fils. Qu’avait-on donc fait à ce dieu qui était sensé nous protéger ? Qu’avait on fait pour mériter ce cataclysme dans lequel des milliers de gens avait périe. Il n’avait regardé ni la couleur de peau, ni le sexe, ni même la religion. Il n’avait pas épargné une vie plutôt qu’une autre. Il avait « simplement » tout ravagés sur son passage, laissant derrière lui des enfants orphelins, des femmes esseulées et des hommes veufs.
Je voyais pour la première fois la « race supérieur » aider les Hurricanes et inversement. Après tant d’années de haine et de guerre, ils avaient enfin compris ! Il aura fallu un violent cataclysme pour que les gens comprennent qu’il n’y a qu’une seule race humaine. Que le mot normal n’existe pas quand tout le monde est diffèrent.

Désormais ils formaient une seule et même nation, plus de discorde, plus de discrimination. Ce monde aux idéaux perfides avait changé. Debout bien que blessé, il pourra supporter toutes les querelles de l’humanité.

Je te dis et te demande tout cela et pourtant, je ne sais que trop bien que tu seras dans l’incapacité de me répondre, après tout tu n’es qu’un objet, composé de centaine de feuilles reliées entre elles. Tu n’es qu’un journal, mais pourtant je n’arrive pas à arrêter de souhaiter ardemment que tu deviennes une personne en chair et en os, qui me comprendrait et qui ressentirait mes émotions mais avant tout qui puisse me conseiller sur les décisions que je dois prendre. Comment faire pour oublier ? Seuls les mots que j’écris semblent apaiser mon esprit torturé. Je te confie mon secret pour qu’enfin je puisse respirer et vivre sans peur ni crainte dans ce nouveau monde. Un monde purifié par la nature et apaisé. J’espère qu’un jour quelqu’un te trouvera et que tu pourras lui enseigné le pardon et la mémoire de notre passé, pour que jamais nous ne recommencions les même erreurs.