GARDIENS DU SENS DES MOTS

5 mai 2016.
 

Vaclav Havel le rappelait sans cesse : la responsabilité première des écrivains,
face aux totalitarismes, est d’être les gardiens du sens des mots.
Le sens des mots : c’est bien l’enjeu. Cette manière insidieuse, que nous
détaillaient tous les dissidents des pays de l’Est venus au festival, qu’avait
le pouvoir en place de renverser le sens des mots en son inverse, d’appeler
liberté l’oppression, « programme d’entente et de concorde entre les
peuples » l’épuration ethnique, etc. C’est aussi de lutter contre l’acceptation
de mots tabous, qu’on laisse s’installer ici même (« stigmatisation », « islamophobie
 », etc.), qui sont autant d’intimations à ne plus penser – à se taire…
Avec Orlando Luis Pardo Lazo, Dany Laferrière, Lyonel Trouillot.
► Lun. 16h45, Maupertuis

 

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Témoignage

Autobiographie américaine

Bouquins - 2024

L’œuvre autobiographique de Dany Laferrière, rassemblée dans ce volume, montre qu’il personnifie une démarche singulière, qu’a déterminé son attitude envers la vie. Et c’est cette attitude qui fait que tant de lecteurs aiment mettre leurs pas dans les siens.
"Un matin de février 1984, il y a quarante ans de cela, je me suis réveillé dans le grand froid montréalais, avec cette idée étrange qu’on ne devrait pas écrire plus d’un livre. Le manuscrit que j’avais fatigué toute la nuit dernière s’était assoupi près de la fenêtre de ma modeste chambre, au milieu des restes du repas de la veille. De mon lit, je l’observais avec un mélange de suspicion et de tendresse. J’attendais trop peut-être de ce premier roman écrit pourtant dans la misère et la liberté. D’abord qu’il me sorte de l’usine, ensuite qu’il me rende célèbre.
Venant d’un pays qui a connu l’esclavage et la dictature, et ayant longuement vécu dans des villes comme Montréal, Miami ou New York, avant de parcourir São Paulo, Mexico, San Juan ou Buenos Aires, je me sentais comme un arbre qui marche dans sa forêt. J’ai fouillé dans l’histoire pour découvrir que cette Amérique continentale était le rêve de Bolívar dont la devise se résumait à « Un continent, un pays ». Tant de cultures diverses que les écrivains de ce continent ou de ce pays allaient m’apprendre. J’ai donc décidé d’entreprendre une longue balade littéraire, en commençant par cette Caraïbe où j’ai pris naissance, et où je suis tombé, un jour de pluie, sur le recueil du poète haïtien René Philoctète Ces îles qui marchent. Je note dans mon calepin noir ce vers rimbaldien : « Je suis venu vers toi, nu, et sans bagages ». C’est donc les mains libres et la tête légère que j’ai entrepris cet interminable voyage dans cette Amérique bigarrée et survoltée."
D. L.

 

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Romans

Veilleuse du Calvaire

Actes Sud - 2023

Lyonel Trouillot raconte l’histoire d’un paysage de pierres, de rivières et d’ombrages, celle d’une colline abîmée par la violence et la cupidité des hommes. Un notaire sans scrupule y jette un jour son dévolu, la divise en parcelles pour la livrer à une cohorte de prédateurs, criminels, affabulateurs ou tortionnaires. Mais depuis toujours en ce lieu règne la Veilleuse du Calvaire, celle qu’on a prise pour une madone, un fantôme, un esprit et qui n’est rien de cela. “Je suis, dit-elle, ton devoir de mémoire qui a choisi un corps de femme pour qu’il n’y ait dans le récit ni mensonge ni omission. Au passé comme au présent, nos corps portent les marques de toutes les offenses et de tous les dénis. Comme ils sont le chemin de toutes les promesses.”
Dans l’oeuvre de Lyonel Trouillot, le courage des femmes est un personnage en soi. Le geste de cet écrivain est toujours politique, mais ses appels sont des poèmes, des romans, et parmi eux ce livre-cri, ce livre-chant, celui de celles qui, sur l’île d’Haïti comme dans le monde entier, sont en lutte face à la folie des mâles, le mépris, l’irrespect et la haine dont elles sont les cibles et les victimes.


 

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Nouvelles

Cuba, année zéro

Hoëbeke - 2016

Cuba, année Zéro est un mouvement littéraire de jeunes écrivains émergents, qui vivent et écrivent à Cuba. Un mouvement essentiellement urbain puisque presque tous vivent à La Havane, et les sujets de leurs textes parlent aussi de la ville. Une autre similitude les rassemble, celle de n’accepter aucune étiquette.
Leur nom de groupe n’est pas lié à leur âge, mais à la date où ils commencent à publier, essentiellement sur des blogs ou dans des revues alternatives : l’année 2000.

Cette anthologie réunit 11 écrivains qui partagent un même univers littéraire raréfié par les interdits et les compromis et s’insurgent contre toute instrumentalisation et dénoncent la fiction du nationalisme, qui pèse comme une chape de plomb sur la création.
À travers onze nouvelles qui parlent aussi bien de prostitution, de drogue, de combats ou encore de zombies. Orlando Luis Pardo Lazo a réussi à mettre sur pied une sélection étonnante pleine d’histoires tout à fait uniques, au style très vif fait d’argot cubain, jeux de mots, un langage proche du slam, qui, ensemble, créent une image forte d’un Cuba loin de la salsa, des cigares et du rhum... Le Cuba d’aujourd’hui tel que le vivent les vrais Cubains.

Traduit de l’espagnol par François Gaudry.