Café littéraire : Romans de vie

Avec Roland Brival, Scholastique Mukasonga, Christian Garcin

26 mai 2016.
 


Avec Roland Brival, Scholastique Mukasonga, Christian Garcin

 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

Nègre de personne

Gallimard - 2016

Gontran Damas, un jeune Noir originaire de Guyane, épris de littérature et engagé dans le mouvement « Négritude » fondé par ses amis Césaire et Senghor, débarque dans le port de New York pour la première fois. Il est accueilli par sa cousine Élisa, et son mari Anton, qui l’hébergent dans leur petit appartement en sous-sol dans Harlem. Damas, tout à la joie et à l’excitation de découvrir New York et Harlem, n’oublie pas qu’il a une mission : prendre contact avec les membres de la NAACP (National Association for Avancement of Coloured People). Bientôt, il fait la connaissance du poète Langston Hughes à qui il confie être porteur d’une invitation pour les intellectuels noirs de Harlem. Grâce à Langston, Damas fait la connaissance d’Anna, une jeune peintre dont il s’éprend et qui lui ouvre d’autres portes : il pénètre les cercles de l’intelligentsia noire de Harlem, et s’immerge dans la culture de ce quartier – la culture du jazz le bouleverse.Cette plongée dans le Harlem des années 30 est une confrontation à la complexité d’un monde où tout peut arriver, aux relations amoureuses décousues, au sexe dans les bordels tenus par des mégères excentriques, aux dangers de la drogue – Gontran rencontre Billie Holiday, vit une aventure avec elle, mais c’est avec Anna qu’il goûtera à la cocaïne. C’est aussi une immersion dans la violence de la rue.Entre émotions amoureuses et discussions politiques confrontant les intellectuels de la NAACP et leurs adversaires de l’UNIA, Damas s’adresse à Césaire et à Senghor et leur fait le récit de son séjour. Il les interpelle, entremêlant poèmes et réflexions, remémoration de souvenirs communs. De même, il évoque son enfance guyanaise, son déracinement. Ce roman se lit comme un texte initiatique et un journal de bord. Initiation à la musique – le jazz, celui des grandes heures de l’Appollo Théâtre et du Cosmo, celui de Billie Holiday chantant Strange Fruits , celui de Charlie Parker et d’Erroll Garner, celui des boîtes de nuits –, initiation à la politique – le récit expose les différents points de vue des intellectuels noirs des années 30 – et initiation à l’amour. Nègre de personne est un beau roman, plein, riche et extrêmement vivant.


Revue de presse :

 

DERNIER OUVRAGE

 
Littérature jeunesse

Kibogo est monté au ciel

Gallimard - 2020

Il s’agit là d’un roman plein de péripéties, situé en terre d’Afrique, dans l’ancien Ruanda, à l’époque où les pères missionnaires ont implanté la foi chrétienne dans des populations jusqu’alors adonnées aux pratiques païennes.Le roman est divisé en trois parties : « Ruzagayura », un nom qui désigne la grande famine ; « Akayézu », ainsi nommé par un père avisé, entré au grand séminaire et qui en sera chassé par les religieux en raison de sa conduite extravagante (il s’agit en fait de soins qu’il a donnés à une enfant, la sauvant ainsi de la mort, ce que les villageois éberlués interprètent comme une résurrection et les pères, outrés, comme un sacrilège). La légende veut qu’Akayézu, qui un jour disparaît, ait été enlevé, comme Kibogo avant lui (ou comme le Christ et la Vierge, Enoch et Elie), du haut d’une montagne au milieu d’un nuage. La troisième partie est intitulée « Kibogo » et forme une unité avec les deux autres.Kibogo est l’un de ces Abatabazi, ou « Sauveurs », en général un prince ou un haut personnage, qui, pendant les guerres et les périodes de calamités, telles les famines, se sacrifiaient à la demande des devins de la cour royale pour « sauver » le Ruanda - un mythe bien implanté dans la tradition ruandaise. L’histoire prend forme dans les esprits, mêlant les deux personnages mythiques, Akayézu et Kibogo ; elle est fermement condamnée par les « padri », qui voient là l’inspiration de Satan. Mais les conteurs de la nuit n’en colportent pas moins les mots enchantés et les péripéties extraordinaires. Ce syncrétisme, nous dit l’auteur, constituait une forme de résistance à l’acculturation du peuple par les missionnaires lors de la colonisation.Le récit de Mukasonga est vivant, plein d’humour et de fraîcheur, il se lit bien. La critique de l’action missionnaire n’est jamais directe ni lourde, elle passe par le rire (l’auteur, très consciente de sa méthode, explique que, à son sens, le tragique inclut le rire). Certes, il s’agit de légendes africaines et leur exotisme pourrait nous éloigner des événements racontés ou des personnages. Or il n’en est rien. Des parallèles apparaissent constamment entre l’histoire chrétienne – ici racontée et déformée de façon comique par les gens du lieu – et les légendes ruandaises encore si vivaces. Ainsi, qui est vraiment monté au ciel, de Kibogo, le fils de roi, ou du Yézu des missionnaires ? Tels qu’ils sont ménagés, ces rapprochements ne manquent pas de saveur.

 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

Le Bon, la Brute et le Renard

Actes Sud - 2020

Trois chinois accablés de chaleur sillonnent le désert californien à la recherche de la fille de l’un d’entre eux, qui a disparu un mois plus tôt. Dans leur lente progression, ils frôlent à plusieurs reprises un binôme de policiers américains qui suivent eux-mêmes la trace d’un autre disparu… Ailleurs, à Paris, un journaliste chinois, auteur réticent de romans noirs, enquête avec une conviction relative sur l’évaporation de la fille de son patron. Ceci expliquerait-il cela ? Et réciproquement. Dans un jeu de miroir buissonnier, Christian Garcin invente le road-trip taoïste. Et questionne, mine de rien, les fondements de l’existence de la réalité. (Oui mais laquelle ?)