BOKOV Nicolas

Russie

31 mars 2017.
 
© Lea Lund

Résistant à l’ordre stalinien par la force et par la plume, le très prolifique Nicolas Bokov n’hésite pas à en découdre avec le régime en place. Après des études en sciences sociales et la philosophie dans les années 1960, il s’engage très vite dans le « Samizdat », un réseau clandestin de copie et de distribution d’œuvres violemment censurées par le régime.
Dans les années 60 et début 70, il met en circulation une quarantaine d’œuvres, la plupart écrites dans un style polémique et grinçant. Il y publie ses propres œuvres et acquiert une grande popularité dans les cercles initiés, surtout pour La tête de Lénine (Robert Laffont, 1982 réed. Noir sur Blanc, 2017). Certains de ses ouvrages sont traduits simultanément ou plus tard de façon anonyme en Occident. Dénoncé, il quitte l’URSS en 1975 pour Paris, préférant l’exil à la prison.

Il s’installe donc en France, voyage aux États-Unis et en Europe, fonde une revue littéraire Kovtcheg (l’Arche de Noé). En 1982, il découvre la foi chrétienne et abandonne l’écriture. Après un long « voyage d’étude » à pied et en stop, en Israël et en Grèce (Mont Athos). Puis, il regagne la France et vit dans la rue et dans des carrières abandonnées, adoptant un mode de vie ascétique. Après 15 ans sans écrire, il reprend son travail d’auteur en 1998 et s’installe dans une chambre de bonne parisienne.
Il intègre des éléments autobiographiques dans les nouveaux ouvrages qu’il publie : Déjeuner au bord de la Baltique évoque des éléments de sa vie en URSS, Zone de réponse fait allusion à sa vie sur les routes d’Europe, La conversion parle de sa vie spirituelle. En 2005, il sort Or d’automne et pointe d’argent, un dialogue avec le peintre Viktor Koulbak, qui évoque notamment les richesses de la culture russe. Il reprend ensuite son engagement politique et social avec Opération betterave, dans lequel il s’amuse avec les clichés de la guerre froide et nous sert une fable subversive sur un réseau de hackers de l’ex-KGB.

La tête de Lénine, traduit pour la première fois en 1982 chez Robert Laffont, est réédité chez Noir sur Blanc en 2017. Dans ce roman à l’humour noir, le lecteur suit un pickpocket moscovite qui décide de voler la tête de la statue de Lénine, qui trône au centre de la légendaire Place Rouge. Le pays est alors plongé dans le chaos pour le plus grand plaisir du lecteur.


Bibliographie

 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

La Tête de Lénine

Noir sur Blanc - 2017

La Tête de Lénine, d’abord paru en samizdat à Moscou, puis soutenu par Alexandre Zinoviev et Maurice Nadeau, est une satire impitoyable de l’idéologie soviétique, de l’idolâtrie ambiante et des institutions. Il paraît pour la première fois à Paris en 1972 anonymement ; son auteur vit alors en URSS, où il est très actif dans l’édition clandestine. Dénoncé pour avoir fait passer un grand nombre de textes hors du pays, il doit se réfugier en France en 1975. La Tête de Lénine continue à circuler sous le manteau et connaît un grand succès, au point de devenir un livre culte. Édité chez Robert Laffont en 1982, l’ouvrage participe à la déstabilisation de l’Union soviétique.

Dans sa préface à l’édition de 1982, Alexandre Zinoviev écrit : « Ce petit livre a paru à Moscou en samizdat il y a quelques années et il a produit immédiatement une forte impression dans le milieu des lecteurs de la littérature proscrite. Je sais qu’il y circule toujours avec le même succès. Et cela ne m’étonne pas. Je suis en effet convaincu que tout propos sérieux et objectif sur la littérature russe des années 1960 et 1970 ne peut plus, désormais, ignorer La Tête de Lénine. »

Dans ce bref roman, un jeune pickpocket moscovite, las de dérober des portefeuilles, décide un jour de voler la tête de Lénine dans le mausolée de la place Rouge. Il y réussit – ce qui n’étonnera personne. Ce qui est étonnant, et encore plus subversif, ce sont les rebondissements qui s’ensuivent… Chez Nicolas Bokov, les statues sont renversées, les masques des puissants arrachés, et les institutions vacillent.

Traduit du russe par Claude Ligny.


« Pochade décousue mais souvent irrésistible, ce court livre est aussi un document étonnant sur la vie dans l’URSS des années 1970, et la corrosion du communisme par l’humour, les pénuries et l’alcool, qui y était engagée. » (André Loez, Le Monde)