ROUSSELET Laurine

France

4 avril 2017.
 
© Alberto Bocos Gil

La poésie, cet idiome universel semble être la seule langue que Laurine Rousselet ait voulu s’approprier. Née à Dreux, en 1974, elle s’est vite égarée dans les couloirs de la Sorbonne. Ses premiers poèmes paraissent dans la revue « Digraphe » en 1998, puis un premier recueil aux éditions Bernard Dumerchez quelques années plus tard. Une dizaine de livres atypiques suivront, certains préfacés par Marcel Moreau (L’été de la trente et unième, à l’Atelier des Brisants) ou Bernard Noël, lequel éclaire en quelques mot la singularité de cette écriture sans référent : « (…) réunir dans une même scansion le verbe et la perception, le premier écorchant la seconde pour restituer la vibration nerveuse au lieu de l’imager ».
Avec De l’or havanais, journal d’expédition poétique à Cuba (éd. Apogée, 2010), et Syrie, ce proche ailleurs, paru en 2015 (collection Créations au féminin, L’Harmattan), Laurine Rousselet s’affronte au politique sans distanciation, avec une langue à cru, savante et déchirée, pour façonner l’impensable de la sensation en elle, face à l’irrecevable réalité. Par les échappées de la traduction (en arabe et en espagnol notamment), du livre d’artiste et de la parole dite, son travail sur le sens et ses apories prend toute sa mesure polyphonique, plastique et musicale.

Son dernier recueil de poèmes, Nuit témoin explore la douleur vive de la rupture amoureuse, et la guérison que laisse profiler le passage à l’écriture.


Bibliographie

Poésie


Autres

 

DERNIER OUVRAGE

 
Poésie

Nuit témoin

Isabelle Sauvage - 2016

« tout tourne / le corps comme un tourbillon du réel / l’encrier dégoulinant dans la nuit témoin » – « écrire vient et interroge / les racines du chaos / un râle dans la gorge »… Nuit témoin pourrait s’ouvrir sur l’un ou l’autre de ces vers pris au fil des pages tant ils résument le « propos » de ce long poème comme haletant.
Une rupture amoureuse, une fuite suggérée, et la solitude à affronter dans le huis clos d’une chambre, l’hiver, la nuit. Reste alors « la lampe de bureau / sa couronne de clarté / les brouillons sous la main / ni rêve ni conscience / juste enregistrer des couloirs de stupéfaction », s’impose d’« écarquiller les yeux sur l’obscur » – de « crire », seule la nuit pour témoin. Dans l’urgence (« cavaler », « courir » et ses dérivés reviennent souvent), poser le désir sur la table. Et résister à la douleur, et vivre encore, s’« accrocher à la délivrance ». C’est qu’il y a, aussi, les enfants, « derrière la cloison / deux petites têtes qui dorment », il y a « en travers de ma table / des quantités de feutres / des colliers de perles / coloriages jacinthes et caprices ».
Seule l’écriture, pour Laurine Rousselet, plongée « dans le ventre de la langue souveraine », peut empoigner la douleur au plus intime du corps. Peut convoquer – et affronter – la mémoire, remonter « au loin » des corps désormais désunis, du désir passé et présent dans l’absence déchirante – son corps brûlant de désir, toujours. Seul « crire », au bout du compte, est à même de transformer la nuit témoin en « nuit charnière ».


Revue de presse