Manger l’autre

Grasset

15 février 2018.
 

« Au commencement était un éléphant rose et bâfreur qui prenait tout de la vie et du corps de sa mère ». Au commencement était une voix, pléthorique et féroce, d’une jeune adolescente obèse dont le corps, depuis sa naissance, ne fait qu’enfler, et la vie empirer. Née assaillie de bourrelets et de plis, dévorant chaque jour le sein maternel, elle grossit tant et tant que bientôt elle effraie les passants, les nourrices, et fait fuir sa mère dégoutée. Restée seule avec un père qui l’aime par-dessus tout et la croit flanquée d’une jumelle invisible qu’elle aurait ingérée dans le placenta, huée par ses camarades de classe qui la traquent jusqu’aux toilettes pour la photographier et nourrir le grand Œil de la toile internet, elle quitte bientôt l’école et se retrouve alitée chez elle où son père cuisine des heures durant pour nourrir « ses princesses ». Là, elle grossit et prolifère jusqu’à se retrouver un jour coincée dans le chambranle d’une porte, incapable de bouger. Funeste coup du sort qui lui apportera l’amour de René, le menuisier venu la secourir, et lui fera goûter le plaisir inédit de la chair, jusqu’à ce que le grand Œil ne la rattrape finalement...
Conte moderne et roman de l’excès, Manger l’autre est autant l’histoire d’une obèse incapable d’arrêter de manger que l’allégorie d’une société avide de consommer obsédée par le culte de la minceur, du Moi et de l’image, l’empire d’Internet et la surproduction. Avec force et virtuosité, Ananda Devi brise le tabou du corps et expose au grand jour les affres d’un personnage qui est notre miroir.

Manger l’autre fait partie des romans sélectionnés pour le Prix Ouest-France Etonnants Voyageurs 2018.


Revue de presse

 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

Le jour des caméléons

Grasset - 2023

Une île : Maurice, la narratrice du roman. Quatre personnages : un oncle las de la vie, sa nièce, unique lumière pour lui, une femme qui vient de quitter son mari, un chef de bande assoiffé de vengeance.
Une journée où tout va exploser : la cité, les haines, peut-être l’île. Enfin, d’étranges animaux qui attendent patiemment que les humains finissent de détruire ce qui leur reste – leur humanité, leur foyer – pour vivre seuls, en paix : les caméléons. Unité de lieu, de temps, d’action. Le compte à rebours est lancé, le drame peut commencer.
Mais reprenons. Le roman s’ouvre, la ville est à feu et à sang. Zigzig, le caïd meneur, tient dans ses bras une fillette ensanglantée. Les plus pauvres viennent de s’attaquer aux plus riches dans le centre névralgique de l’île : le shopping center, désormais en ruines. Au loin, un volcan gronde. Comment en sommes-nous arrivés là ? Quelques heures plus tôt, Zigzig partait avec les siens attaquer ses rivaux tandis que Sara regardait danser une femme libérée sur une plage abandonnée. L’île rembobine et nous raconte. On suivra tour à tour chacun des personnages jusqu’à ce que leur destin se mêle. On remontera aussi le cours de l’Histoire pour comprendre comment les peuples, les servitudes et les logiques du monde moderne ont saccagé cette terre de merveilles et divisé ses habitants.
Avec sa langue tour à tour tendre et ironique, tranchante et poétique, Ananda Devi nous emporte dans un roman impossible à lâcher pour nous plonger dans le chaos des hommes. Le destin est en marche. Mais dans cette histoire-là, ceux qu’on croit les plus féroces seront peut-être les seuls héros.