PRUDHOMME Sylvain

France

22 avril 2021.

Chacun de ses livres a l’allure d’un voyage porté par une prose aussi efficace que poétique. Depuis quelques années, il construit une œuvre littéraire ouverte sur le monde. L’Afrique – où il a longtemps vécu et travaillé – est une de ses sources d’inspiration principale. Récompensé par le Prix Femina 2019, son dernier roman explore les questions de l’attachement et de la relation aux autres tout comme les aspiration à la liberté. Cette année sera également l’occasion de revenir sur son précédent ouvrage, Les Grands, tout aussi surprenant que lumineux, présenté dans le cadre des journées scolaires.

 

Sylvain Prudhomme a passé son enfance en Afrique entre le Cameroun, le Burundi, le Niger et l’Ile Maurice. C’est de cette enfance africaine qu’il garde sans doute le goût de l’exploration et du lointain.

Après des études de lettres à Paris et l’agrégation, Sylvain Prudhomme écrit de nombreux reportages et romans. Il part d’abord recueillir des contes dans le nord du Bénin, qu’il publie en 2003 sous le titre Contes du pays tammari, puis publie son premier roman en 2007 aux éditions du Serpent à plumes, Les Matinées d’Hercule : un monologue romanesque sur le thème de l’homme qui dort et du voyage immobile. En 2010 paraît chez Leo Scheer Tanganyka project : une traversée en bus de l’Afrique des Grands Lacs, dont la réalité se révèle à travers les inscriptions aux murs, les enseignes de magasins, ou les tee-shirts des habitants que le narrateur observe minutieusement.
À la même période, il dirige également l’Alliance franco-sénégalaise de Ziguinchor de 2009 à 2012 et traduit deux ouvrages, le Pancho Villa de John Reed en 2009 et l’essai Décoloniser l’esprit, de l’écrivain kenyan Ngugi wa Thiong’o (La Fabrique, 2011). C’est également un membre fondateur de la revue Geste et a collaboré au journal Le Tigre, pour lequel il écrit deux feuilletons : Africaine Queen en 2010, sur les salons de coiffure du quartier Château d’Eau à Paris, et La vie dans les arbres en 2011, sur les habitants des cabanes des forêts de l’Ariège.

Mais ce sont ses romans publiés chez Gallimard à partir de 2012 qui vont révéler Sylvain Prudhomme à un plus large public. Il écrit avant tout sur des sujets qui le touchent, des histoires inspirées de fait réels : « S’il y a des personnages qui sont de purs êtres de fiction, je suis frappé de voir qu’ils ont beaucoup moins de complexité, beaucoup moins de nuances. » Il n’hésite donc pas à puiser dans sa vie et ses rencontres : « Tout de suite, ça m’aide à incarner le personnage. Ça le rend plus réel. »
Ainsi paraît Là avait dit Bahi, Prix Louis Guilloux 2012. En Algérie, un chauffeur de camion se remémore les souvenirs de la ferme où il a travaillé 50 ans plus tôt. Il décrit au narrateur l’Algérie d’aujourd’hui et fait renaître peu à peu tout un pan de son passé, celui de son pays. Une histoire que Sylvain Prudhomme a puisé directement dans le passé de son grand-père, ancien colon en Algérie et propriétaire d’une ferme.

En 2014, Sylvain Prudhomme est la révélation française de l’année du magazine LIRE pour Les Grands. Un roman où il réinvente l’histoire d’un groupe de rock des années 70 originaire de Guinée Bissau, Super Mama Djombo : tandis que la chanteuse Dulce vient de mourir, Couto, l’ancien guitariste et amant de Dulce, retrouve les autres membres du groupe et se souvient avec mélancolie : leurs jeunesse, les concerts à travers le monde, la guerre d’indépendance… Un roman entre fiction et réalité qui nous fait déambuler avec tendresse dans les rues de Bissau. Sylvain Prudhomme y mêle créole et argot, introspection et dialogue, pour raconter avec justesse l’Afrique contemporaine, des fantômes du passé à la soif de vivre des vivants.
Redonnant vie à Super Mama Djombo, il dévellope à la suite du roman Les Grands différentes formes de lectures musicales avec des musiciens du groupe Malan Mané et Djon Motta, mais aussi avec le joueur de oud Fayçal Salhi, la violoncelliste Maëva Le Berre ou encore le photographe Lionel Roux. Il créé aussi en 2016 le duo It’s a match avec la chorégraphe Raphaëlle Delaunay, dans le cadre du festival Concordan(s)e.

En 2016, il publie Légende et délaisse l’Afrique pour La Crau, désert de pierres aux portes d’Arles où il vit désormais. Pari réussi pour Sylvain Prudomme avec un roman d’une finesse et d’un magnétisme rare, qui lui vaut le prix révélation de la SGDL. Deux amis, tels des archélogues, tentent de retracer l’existence flamboyante de deux frères et leur jeunesse à La Crau dans les années 80. Histoire fascinante que celle de ces deux légendes locales épris de liberté, incarnation d’une époque, comètes furtives et insouciantes. D’une plume entêtante et dans un décor majestueux, l’auteur nous interroge sur nos choix, notre place au monde : doit on vivre sa vie en mouton ou en papillon ? Une interrogation majeure dans l’œuvre de Sylvain Pruhomme.
Il réedite en 2018 chez Gallimard un de ses premiers romans l’Affaire furtif, où s’annonce avec force cette thématique : le désir d’intensité, le rêve d’une vie vraie... Une poignée d’hommes et de femmes débarquent sur un archipel désolé de l’Atlantique sud. Mais pour y essayer quelle nouvelle vie ? Un roman burlesque et plein de poésie à (re)découvrir.


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Les Orages

Gallimard - 2021

« Lorsque j’ai rencontré Ehlmann, il était debout sur le bord de la route, sa voiture garée en catastrophe sur la bande d’arrêt d’urgence, feux de détresse allumés. J’ai vu qu’il souriait, que tout son visage était tordu de larmes et de rires à la fois, j’ai pensé qu’il était fou. »

Avec Les orages, Sylvain Prudhomme explore ces moments où un être vacille, où tout à coup il est à nu. Heures de vérité. Bouleversements parfois infimes, presque invisibles du dehors. Tourmentes après lesquelles reviennent le calme, le soleil, la lumière.