Images et colonies
Un partenariat avec le Groupe de recherche Achac
17 avril 2018.
Cinquante-cinq ans après les décolonisations, cette exposition, conçue par le groupe de recherche ACHAC, se présente comme un lieu de mémoire ; elle vise à mieux connaître les images d’hier pour décoder nos représentations d’aujourd’hui et comprendre autrement l’histoire coloniale de la France.
En France, quatre étapes distinctes ont marqué l’histoire de la colonisation : un premier temps, qui court des origines des conquêtes coloniales (XVIe siècle) jusqu’à la IIe République (1848), avec une rupture majeure en 1763 provoquée par la guerre de Sept Ans ; puis, après un demi-siècle de repli, une ère d’expansion territoriale continue jusqu’à la Première Guerre mondiale (1849-1914) ; vient ensuite l’époque charnière de l’entre-deux-guerres, qualifiée d’apogée colonial (1915-1945) ; et enfin, la période contemporaine marquée par les décolonisations (1946-1962) qui se prolonge, aujourd’hui, sous forme d’héritages à travers un long débat sur les « mémoires coloniales », les immigrations postcoloniales et les mutations des territoires ultramarins au cœur de la République. C’est à mi-parcours de cette longue histoire, en 1895, que pour la première fois le terme de « colonialisme » est utilisé. En 1905, Paul Louis écrit un ouvrage de dénonciation sous le titre Le Colonialisme, mais il faut attendre 1931 pour que le terme fasse son entrée dans le dictionnaire Larousse.
Jusqu’aux décolonisations, images et discours de glorification furent les alliés puissants de la colonisation qui a servi de socle sur lequel la France a légitimé son œuvre outremer pendant qu’elle l’élaborait. Quelles représentations a-t-elle donc produites et quelles traces a-t-elle laissées dans notre inconscient collectif ?
Pour y répondre, il faut plonger dans le « bain colonial » et analyser les images et les discours qui ont accompagné cette longue histoire. Ces images, omniprésentes, qui s’immisçaient dans chaque moment de la vie, des images de propagande, des images de séduction (cinéma, publicité, spectacle…), mais aussi des images éducatives et divertissantes, des images faites souvent d’exotisme et parfois de violence, des images de promotion économique ou de recrutement militaire pour soutenir l’action coloniale.
Elles ont non seulement mis en scène le « destin civilisateur de la France », mais elles ont également diffusé dans toute la société une véritable culture coloniale. Il faut expliquer les mécanismes de fabrication de ces images pour comprendre comment elles ont diffusé, en profondeur, les messages de la propagande capable de séduire un large public, et imprimé dans les esprits des représentations des populations colonisées qui ont participé de la construction du racisme et des discriminations.


DERNIER OUVRAGE
Beaux livres
Colonisation et propagande. Le pouvoir de l’image
Cherche Midi - 2022
Pendant plus d’un siècle, de la IIIe République naissante (1870) à la dernière décolonisation (1980, les Nouvelles-Hébrides), la propagande coloniale a fait partie du quotidien des Français. Affiches touristiques ou de recrutement militaire, expositions universelles et coloniales, manuels scolaires et protège-cahiers, couvertures de livres et de magazines, presse illustrée et brochures de propagande, photographies et cartes postales, jeux de société et bandes dessinées, publicités et films, monuments et statues, peintures et émissions de radio… tous les supports ont participé à cette apologie de la « plus grande France ». Au cœur de l’État, une Agence des colonies a été le fer de lance de cette propagande, et beaucoup ont oublié son action. Génération après génération l’idée coloniale a fait son chemin, pour devenir consensuelle durant l’entre-deux-guerres et se prolonger jusqu’aux dernières heures de l’Algérie française et même au-delà. Au cœur de cette dynamique, l’image a été un vecteur essentiel du message colonial, portant un regard paternaliste et raciste sur ceux que l’on appelait les « indigènes ».
Ce livre analyse, décode et replace dans son contexte cette incroyable production, permettant, en croisant les sources les plus diverses et des archives exceptionnelles, de comprendre les mécanismes de l’adhésion du plus grand nombre à l’Empire. Par un remarquable décryptage des images, accompagné de citations pour chaque époque, ce travail nous montre comment a été construit l’univers symbolique structurant l’imaginaire sur la colonisation. Celui-ci est indissociable de l’identité nationale et a des répercussions sur les grands enjeux politiques, économiques et idéologiques pendant près d’un siècle. Ce livre, écrit à cinq voix, permet de comprendre comment le discours sur la « mission civilisatrice » s’est imposé et comment se sont bâties les grandes mythologies de la « République coloniale », dont certaines représentations perdurent. Cette approche inédite sur notre culture visuelle, politique et historique participe au travail de déconstruction en cours sur l’héritage de la colonisation, nous permettant de regarder autrement ce passé et ses résonances dans le présent.
Avec Sandrine Lemaire, Nicolas Bancel, Alain Mabanckou et Dominic Thomas.