Tiens, ils ont repeint !

La Découverte

5 avril 2018.
 

L’expression murale ne s’est pas arrêtée avec Mai 68 : les récentes manifestations contre la loi travail ont pu en attester, laissant de nombreux aphorismes inspirés dans l’espace urbain. Piochant dans sa collection personnelle, Yves Pagès présente 4 000 transcriptions littérales de graffiti croisés entre juin 1968 et 2017, référencés par lieu, date et méthode d’exécution. De Paris à Berlin, en passant par la place Tahir, les murs, à défaut d’oreilles ont surtout des choses à dire.

On dit des murs qu’ils ont des oreilles, mais sait-on qu’ils murmurent ? Celles et ceux qui, depuis le milieu du XIXe siècle, s’emploient illégalement à y laisser des traces – avec force craie, charbon, feutre, pinceau ou bombe aérosol – l’ont bien compris : les murs nous interpellent. Avec leur ironie revêche, leurs espoirs tronqués, leur fantaisie abrupte, ils font écho à des paroles enfouies au plus profond de nous. Ils portent les mots qui, inscrits là sans destination ni droit de cité, sont livrés à tous les regards et " contaminent " l’espace public, troublant ainsi l’ordre du discours.
La folle et jouissive collecte textuelle d’Yves Pagès – plus de 4 000 graffitis urbains du monde entier des cinquante dernières années, fidèlement retranscrits, datés et localisés – forme une mémoire inédite. Une mémoire de la joie virale du bon mot, de l’énergie politique gratuite, de l’audace minuscule, de la poésie mineure et éphémère, des marges de la syntaxe, de l’invention maladroite, du plaisir de l’inachevé. On pourra dévorer ce livre en respectant son avancée chronologique, s’y perdre par associations flâneuses d’idées, en extraire à mesure son propre florilège ou, tout simplement, l’ouvrir n’importe où et se fier au seul hasard d’un cadavre exquis.


REvue de presse

- "S’ils disent en filigrane la continuité des révoltes et la permanence du besoin d’expression, le hasard de leur ordonnancement sur la page inscrit aussi ces propos anonymes dans une lignée artistique : celle des cadavres exquis surréalistes. […] L’ouvrage se savoure ainsi comme un hommage à I’inventivité des mots merdeux et offre un contrepoint jouissif à l’esprit de sérieux qui leste parfois le street art."
(03/01/2018 - Stéphanie Lemoine - L’Oeilhttps://www.lejournaldesarts.fr/les-murs-ont-la-parole-134891)