BISSELL Tom

Etats-Unis

4 février 2008.

Il a peur de l’avion, trouve la solitude des voyages parfois difficile à supporter mais pas autant que la détresse et la pauvreté qu’il peut croiser dans certaines régions du monde. A priori, il n’a rien du baroudeur intrépide. Et c’est sans doute ce qui fait toute la particularité de son écriture. Cette sensibilité au monde.

 
Tom Bissell
© Jerry Bauer

Tom Bissell est né en 1974 à Escanaba, Michigan. Pour qui veut croire au destin, son parcours est jalonné de signes qui ne trompent pas : son père, vétéran de la guerre du Viêt-Nam aux côtés du journaliste et essayiste américain Philip Caputo, chassait le faisan avec Jim Harrison. Etudiant, Tom Bissell est inscrit à l’Université d’Etat du Michigan qu’ont fréquentée avant lui Thomas Mc Guane, Dan Gerber ou… Jim Harrison toujours. Et pour bien faire les choses, Tom Bissell reprend à l’université la direction de la revue littéraire que Thomas Mc Guane y avait créé, The Red Cedar Review.

Pour autant, l’engagement en littérature de Tom Bissell ne s’est pas fait si simplement. Lorsque, à sept ans, il voit arriver chez lui Philip Caputo au volant d’une voiture de sport, il se dit que l’écriture pourrait être un moyen agréable de gagner sa vie. Tom Bissell ressent très tôt cette envie de raconter le monde « raconter les histoires qu’on est le seul à pouvoir écrire ou que personne n’a pensé à écrire avant nous » il lui manque seulement le sujet. Le gamin du Michigan manque encore d’expérience(s).
A 22 ans, il s’engage donc comme professeur d’anglais dans les Corps de la Paix. Peace Corps, une institution aux Etats-Unis. Créés par le Président Kennedy à la suite de sa fameuse intervention « ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, demandez vous ce que vous pouvez faire pour votre pays ». Une organisation qui envoie ses volontaires en mission humanitaire ou culturelle à travers le monde.

Tom Bissell, lui, part en Ouzbékistan. Il en revient au bout de huit mois, affaibli, amaigri et déprimé mais avec suffisamment d’histoires pour écrire pendant dix ans et une vision totalement nouvelle du monde : « La traduction de fun en Ouzbek est Khazil kilada, ce qui signifie faire des blagues. Le fait que "nous avons fait beaucoup de blagues" soit la traduction la plus proche du mot fun m’a conduit à penser que la notion d’amusement et de loisir est typiquement Occidentale. », l’anecdote peut faire sourire, mais elle est révélatrice.
En Ouzbekistan, Tom Bissell reçoit en pleine face tout le poids de son statut d’américain vierge au monde. De cette expérience en Asie Centrale il ramène son premier récit, Chasing The Sea (2003, inédit en France), évoquant le désastre écologique de la Mer d’Aral, et l’intuition que son point d’équilibre en écriture est à la rencontre du documentaire et de la fiction : "A mon sens, il n’y a pas assez de livres de voyage qui font l’effort de se coltiner à l’Histoire, ou alors ils font l’impasse sur la fluidité de style propre à la fiction (...) Il y a beaucoup à apprendre et à gagner du croisement de ces deux genres"

Dieu vit à Saint-Pétersbourg (Albin Michel, 2007) est le second ouvrage de Tom Bissell. Un recueil de nouvelles qui trace les portraits d’Occidentaux sans repères. Dans les décombres de l’empire soviétique et de ses satellites, des montagnes afghanes à la mer d’Aral dévastée, touristes naïfs, journalistes cyniques ou diplomate sans scrupules viennent se perdre dans un ailleurs qu’ils n’envisageaient pas, où certitudes et morale sont balayées. C’est le portrait à charge d’une Amérique égarée par son autocentrisme, emportant l’Occident dans son sillage. Et toujours avec cette attention portée au style, percutant et réaliste. On le compare aux Etats-Unis à Hemingway ou encore à Graham Greene.
Si l’actualité américaine dans le monde donne une résonnance particulière à ces nouvelles, Tom Bissell rappelle pourtant que beaucoup de ces histoires avaient été écrites avant l’élection de George Bush, éclairant directement la crise identitaire que traversent les Etats-Unis aujourd’hui et qui prend racine bien en amont du 11 septembre.
Dieu vit à Saint-Pétersbourg a été LA révélation littéraire aux Etats-Unis en 2005.

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Bibliographie


Présentation de Dieu vit à Saint-Pétersbourg

Révélé aux États-Unis comme l’un des jeunes espoirs de la littérature, Tom Bissell appartient à cette nouvelle génération d’écrivains américains qui ne connaissent pas de frontières. Du chaos afghan à la mer d’Aral en passant par le Kazakhstan et l’Asie centrale, ses nouvelles nous entraînent hors des sentiers battus et des certitudes rassurantes. On y croise, au fil de paysages dévastés ou désolés, des Occidentaux en mal de repères. Et si l’exil, l’abandon et la guerre constituent la toile de fond de ce livre étonnant, ils reflètent avec une infinie sensibilité le paysage intérieur d’êtres déchirés, en quête de nouveaux horizons.