Juste une vieille connaissance

18 juin 2019.
 

Alors j’ai sorti mon téléphone de ma poche et j’ai enfin osé composer le numéro que je connaissais par cœur, depuis un an exactement. Encore aujourd’hui, je me rappelle parfaitement du jour où je l’ai découvert …

C’était une matinée comme une autre. La pénombre avait cédé sa place aux premiers rayons du jour, la rosée du matin encore fraiche brillait de mille éclats sous le soleil, tandis que d’innombrables tâches multicolores parsemées un peu partout dans le jardin, donnaient un air printanier au paysage.
C’était amusant, on aurait presque dit une peinture. Mon mari adorait dessiner, il aurait été fou de joie à l’idée de reproduire ce paysage.
J’étais tranquillement en train de me préparer un café, quand quelqu’un toqua à la porte.

Ma voix s’éteignit.

Alexandre et moi étions meilleurs amis. Nous avions grandi ensemble, on était inséparables.
On partageait tout , les bons comme les mauvais moments ! On s’est toujours soutenu, quelque soit la situation, on était comme des frères et sœurs.
Rien n’était censé nous séparer.
Rien jusqu’à ce jour.
A l’époque, j’étais mariée. Enceinte depuis 3 mois, je venais d’apprendre que le cœur du bébé ne battait plus. J’étais au fond du gouffre. Je ne voulais plus sortir de chez moi, je ne mangeais plus, je broyais du noir toute la journée et je ne voulais voir personne. Je pensais qu’Alex serait là pour me pousser de l’avant, mais ce fut tout le contraire : il disparut subitement du jour au lendemain, sans laisser aucun message. J’étais anéantis.
C’est à ce moment qu’il disparut définitivement de ma vie.

Je sentis les larmes me montaient aux yeux, mais ce n’était pas de la tristesse.
Il m’avait abandonné, me laissant seule dans ma peine, pour maintenant faire irruption dans ma vie en un claquement de doigt et croit encore que je peux « le pardonner » ?
Je froissai le papier entre mes mains et le lançai le plus fort possible contre le mur. Il rebondit et percuta le seringat que j’avais posé sur une petite table. Celui-ci perdit quelques pétales sous l’effet du choc.

Le champ dans lequel je me trouve est de toute beauté. Le ciel est tellement rouge qu’on le croirait teinté de sang. Devant moi, des hectares de blés s’étendent à perte de vue jusqu’à former un long manteau doré recouvrant le terre ferme. Au loin, une géante sphère orangée descend du ciel, annonçant la fin d’une journée bien chargée.
Le contexte dans lequel je me trouve aujourd’hui est le pur opposé de celui duquel je me trouvais, il y a un an de cela. Mon état d’esprit n’est aussi plus le même d’ailleurs. Belle ironie du sort, non ?

Pendant que le numéro se compose, je prends le temps de repenser à toute cette histoire.
J’ai bien réfléchis, et finalement, j’ai fait un choix. Je sais, cela peut paraitre long, un an pour faire le simple choix d’appeler un numéro, mais j’avais vraiment besoin de ce temps.
J’ai décidé de l’appeler. Je n’espère pas que l’on redevienne ami, mais je suis prête à lui laisser la chance de s’expliquer. Pas seulement pour lui, mais pour moi aussi. J’ai besoin de ces explications. Et puis, je tiens à voir si il a bien tenu sa promesse et ne m’as pas déjà oublié de nouveau.

Tout à coup, quelqu’un décrocha. A ma grande surprise, ce fut une voix féminine qui retentie.

Un ange passa.
J’aurais pu pleurer, mais étrangement, je ne le fit pas. Non. A la place, je me suis contentée de fixer l’horizon.

C’est là que je le vit.

De dos, on le confondrait presque avec le paysage. Son carnet de dessin à la main, il semble gribouiller quelque chose. Il est tellement concentré que l’on pourrait croire que sa vie en dépendait. Soudain, il se retourna d’un air satisfait, puis leva la tête en ma direction. Nos regards se croisèrent, pour la dernière fois. Il me sourit. Puis, dans un signe de la main, il disparut avec l’ombre du soleil couchant.

Je continue de fixer l’horizon.
A l’endroit même où se tenait la silhouette il y a à peine quelques secondes, un seringat se dressait fièrement en plein milieu du paysage.
Au creux de ma main, mon alliance encore chaude me donnait de la consistance. Je ne l’ai jamais jeté. Je n’ai jamais osé. Peut-être qu’au final, je n’avais jamais vraiment cessé de l’aimer…
Je souris.