SCHULBERG Budd

Etats-Unis

14 mars 2008.
 

Au début des années 80, rédigeant son autobiographie, Budd Schulberg se surnomme lui-même "le petit prince d’Hollywood".
Rien de prétentieux à cela, simple constat : lorsqu’on est né en 1914, à New-York, mais élevé à Hollywood, qu’on est le fils de B.P Schulberg, producteur et patron de la Paramount jusqu’en 1937 et le neveu de Sam Jaffe, agent des stars d’Hollywood, on appartient de fait à une certaine aristocratie du septième art.
Au-delà de ses origines, c’est sa vie et son oeuvre qui ont fait de Budd Schulberg le monument qu’il est devenu. Auteur de Plus dure sera la chute (The harder they fall, 1956) de Mark Robson avec Humphrey Bogart et bien évidemment de Sur les Quais (On the Waterfront, 1954) d’Elia Kazan avec Marlon Brando pour lequel il remporte un Oscar, il est à lui seul un pan entier de l’histoire du cinéma américain.

Paramount. Enfant affecté par une santé fragile et souffrant de troubles du langage, Budd Schulberg, dévoreur de livres, apprend par la force des choses à écouter et observer ce qui l’entoure et surtout à écrire et retranscrire ensuite ce qui l’a marqué. Développant un talent d’écriture précoce, il est embauché à l’âge de 17 ans par la Paramount comme chroniqueur des stars – il travaille en fait à raconter, arranger voire réinventer la vie des stars du studio.
En 1936, il est nommé scénariste et travaille sous les ordres de David Selznick, le célèbre producteur d’Autant en emporte le vent... S’il n’est pas crédité au générique, sa première contribution est sur le script de la version originale d’Une étoile est née sortie en 1937 et réalisée par William A. Wellman.
En 1939, premier émerveillement, il fait équipe avec F. Scott Fitzgerald sur le scénario de Winter Carnival. Lorsque Schulberg apprend avec qui il va travailler il s’exclame « Mais je croyais qu’il était mort ! » « Si c’est le cas, lui répondra le producteur, alors il est le seul fantôme payé 1500$ la semaine. » Le film, réalisé par Charles Reisner – une pointure qui a travaillé avec Chaplin, Keaton ou les Marx Brothers – est finalement un échec commercial retentissant, et la rencontre, une déception pour Schulberg. Fitzgerald est alors au nadir de sa gloire, miné par l’alcool et obsédé par l’argent… Cette expérience, Schulberg s’en inspirera pour écrire Le Désenchanté, amer portrait d’une ex-gloire littéraire réduite à cachetonner comme scénariste à Hollywood. Paru en 1950, le livre est un des succès littéraires de l’année aux Etats-Unis.
Viré de la Paramount suite à cet échec, Schulberg se réfugie dans le Connecticut puis dans le Vermont, où il rédige son premier roman : Qu’est-ce qui fait courir Sammy ?, satyre magnifique sur l’industrie cinématographique ou l’ascension d’un employé de bureau, Sammy Glick, jusqu’à la tête de gros studios hollywoodiens. Le livre est un succès commercial et critique, élu meilleur premier roman de l’année 1941.

Engagement. Budd Schulberg c’est aussi une conscience aiguisée, un discours sur le social et l’historique : « J’ai toujours considéré qu’un écrivain, qu’il soit scénariste, dramaturge ou romancier, se doit d’être plus qu’un simple animateur ou artiste. Je crois qu’il a l’obligation de dénoncer ce qu’il pense être les points faibles de notre société. » Sa mère, socialiste militante, fréquente plus volontiers les refuges de déshérités que les cocktails mondains. Dans son sillage Schulberg s’engage au parti communiste dans les années 30, il fait partie de ceux qui conspuent Leni Riefenstahl – « la pin-up nazie » selon ses propres termes – lors de sa visite à Hollywood pour la présentation de son film sur les Jeux Olympiques de 1936, Olympia… Et en même temps, Schulberg sait quitter à temps le parti communiste, dès 1940, manifestant par là son « opposition à la dictature soviétique »
Durant la guerre, il s’engage dans la Navy et travaille avec l’équipe documentaire réunie par les services secrets sous la direction d’un certain John Ford ! La Field Photographic Branch. Budd Schulberg réécrit les textes de December 7th, documentaire oscarisé en 1944. Il sera chargé par Ford et le tribunal de Nuremberg de réunir des preuves à charge contre les dignitaires nazis. A partir de bobines prises à l’ennemi et de films de propagandes allemands il monte avec George Stevens The Nazi Plan, élément central de l’accusation.
Et il y a Sur les Quais... L’arbre qui cache la forêt de son oeuvre, mais pas l’arbre le plus laid, pas l’arbre le plus commun. Sur les Quais c’est Brando mis a nu dans la peau de Terry Malloy, c’est la loi du silence, la corruption des syndicats : « Sur les Quais (On the Waterfront) le film dont j’ai écrit le scénario pour Elia Kazan, a énormément aidé le milieu des dockers à se débarrasser du "shape-up" cette méthode inhumaine qui consiste à louer les dockers. » Toujours ce souci de dire le monde avec pour but l’espoir de le rendre, peut-être pas meilleur, mais plus supportable.
Comme, encore, lorsqu’après les émeutes de raciales de Watts Budd Schulberg participe à la création de la Douglass House Watts Writer Workshop afin d’apporter une aide à la création artistique dans ces quartiers défavorisés.

Boxe. Outre l’écriture, son autre passion de toujours c’est la boxe. Budd Schulberg est chroniqueur sportif pour Sports Illustrated en 1954 et en 1956, il offre à Humphrey Bogart, déjà rongé par la maladie, son dernier rôle dans Plus dure sera la chute, celui d’un journaliste qui accepte de bidonner la cote d’un jeune boxeur. Schulberg travaille également sur des portraits de Mohamed Ali (Loser and still Champion) et Joe Louis (Joe Louis : for all time). Et vient d’achever le scénario un film, en attente de distribution, avec Spike Lee Un Biopic sur la vie du même Joe Louis, en particulier sur ses combats contre Max Schmeling, adoubé par les nazis pour représenter le Reich contre les États-Unis.
Eternel fan du noble art, Budd Schulberg est le seul homme qui ait été distingué comme Légende Vivante de la boxe par la World Boxing Association sans avoir jamais lui-même boxé.

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Liens :

Interview accordée en 2005 à André Halimi


Bibliographie (rééditions) :

Filmographie