L’esprit des lieux

Avec Juliana LÉVEILLÉ-TRUDEL, Taylor BROWN, Tiffany TAVERNIER, Victor REMIZOV

5 juillet 2019.
 

Avec Juliana LÉVEILLÉ-TRUDEL, Taylor BROWN, Tiffany TAVERNIER, Victor REMIZOV
Animé par Maëtte CHANTREL et Pascal JOURDANA

 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

Nirliit

La Peuplade - 2018

Une jeune femme du Sud qui, comme les oies, fait souvent le voyage jusqu’à Salluit, parle à Eva, son amie du Nord disparue, dont le corps est dans l’eau du fjord et l’esprit, partout. Le Nord est dur – « il y a de l’amour violent entre les murs de ces maisons presque identiques » – et la missionnaire aventurière se demande « comment on fait pour guérir son cœur ». Elle s’active, s’occupe des enfants qui peuplent ses journées, donne une voix aux petites filles inuites et raconte aussi à Eva ce qu’il advient de son fils Elijah, parce qu’il y a forcément une continuité, une descendance, après la passion, puis la mort.

Juliana Léveillé-Trudel livre un récit d’amour et d’amitié beau et rude comme la toundra. Nirliit partage la « beauté en forme de coup de poing dans le ventre » qu’exhale le Nord.


 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

En vérité, Alice

Sabine Wespieser Éditeur - 2024

Aux urgences, Alice se reproche de s’être abîmé le bras en tombant dans la cuisine. Elle aurait dû reculer vers le tapis du salon… Et, quand la médecin lui demande devant qui, devant quoi elle a battu en retraite, la jeune femme esquive. Le diagnostic la désespère : trois semaines avec une atèle, alors qu’ils déménagent à Paris. Et son homme qui ne dort plus, il a tant de problèmes, ils s’aiment si fort. Personne ne la comprend, ni cette praticienne suspicieuse, ni ses amis, ni sa mère, convaincue qu’il finira par la tuer.
Comme souvent dans les romans excellents, tout est dit dès la première scène : reste à savoir si, et comment, Alice parviendra à fuir cette emprise. Mené tambour battant, ponctué de trouées de lumière, même dans les scènes les plus sombres, ce livre nous conduit sur des chemins absolument inattendus : sommée par le monstre avec qui elle vit de trouver du travail, Alice, qui a interrompu ses études de droit quand elle l’a rencontré́ cinq ans auparavant, n’a guère de possibilités. Vendeuse ou serveuse, c’est hors de question pour celui qui la veut toute à lui. La chance lui sourit dans l’église du quartier où, totalement athée pourtant, elle se réfugie lors de ses rares moments de répit. Elle y avise une mystérieuse petite annonce : « L’association diocésaine de Paris recrute un(e) assistant(e) pour le Promotorat des causes des saints. »
À sa grande surprise, l’évêque responsable la recrute à l’issue d’un bref entretien, trop heureux d’avoir enfin trouvé quelqu’un d’apparemment censé – plutôt que les illuminés qui briguaient le poste – pour remettre de l’ordre dans les dossiers délaissés par son prédécesseur. La voilà embarquée, et nous avec elle, dans un univers dont elle ignore tout : il s’agit, comprend-t-elle, d’instruire des candidatures à la canonisation, première étape d’une interminable procédure qui bien sûr doit s’achever à Rome, si elle n’est pas interrompue avant, tant les conditions suspensives sont nombreuses et complexes.
Tout semble jouer en défaveur d’Alice : elle souffre d’une timidité maladive depuis son arrivée à Paris, à l’âge de dix ans, vécue comme l’enfouissement sous une chape de plomb après une enfance radieuse au Guatemala ; son compagnon, excédé de ne plus l’avoir à son entière disposition, lui fait subir un harcèlement constant ; et elle a évidemment bien du mal à comprendre ce que l’on attend d’elle.
Malgré tout, aidée par des prélats et des collègues d’une bienveillance sans limites, elle parvient à se familiariser avec les documents dont elle a la charge, découvrant à leur lecture les destinées extraordinaires de ces « Serviteurs de Dieu », « Vénérables » ou « Bienheureux » qu’il s’agit d’évaluer et dont Tiffany Tavernier ponctue son récit, illuminant dans le même mouvement son texte et le quotidien de sa protagoniste.
À la faveur d’extraordinaires rebondissements, la puissante romancière invite le monde extérieur dans la bulle de déni où s’est réfugiée Alice, l’autorisant à se frayer un chemin vers sa propre vérité. Ce n’est pas là la moindre surprise du formidable portrait de femme qu’elle nous offre, fidèle à sa compassion pour les âmes tourmentées dont elle sait voir la clarté.


 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

Devouchki

Belford - 2019

À Beloretchensk, au cœur de la Sibérie, Katia et Nastia, deux cousines de vingt ans, souffrent d’un quotidien éprouvant et d’un avenir qui n’en finit pas de s’assombrir. Victime d’un grave accident, le père de Katia a perdu sa mobilité et la famille ne peut réunir l’argent nécessaire pour le soigner. Nastia, elle, ne pense qu’à fuir le domicile parental et sa mère alcoolique. Lasses de voir leur existence s’essouffler, les deux jeunes femmes décident de quitter la misère de leur province pour gagner les lumières de Moscou.
Mais derrière le luxe, l’argent et le faste moscovite se cache une réalité bien plus trouble, l’univers des laissés-pour-compte, où chacun est prêt à tout pour exister.


« Malgré certaines faiblesses, Victor Remizov évite ici de verser tout d’un bloc dans le manichéisme. » Le Devoir

« Devouchki, en russe, désigne les jeunes filles. Ce sont les héroïnes du dernier roman de Victor Remizov, qui nous avait déjà entraînés tout à l’est de la Russie avec son roman précédent, Volia Volnaïa, une histoire lyrique et violente, froide, dure et cruelle, mais totalement humaine, dans la nature enneigée d’une petite ville de pêcheurs en butte à des services de sécurité assez corrompus. On change totalement de décor mais le lyrisme, la violence, la cruauté et l’humanité subsistent. Et c’est ce qui donne à cette nouvelle histoire toute sa force et sa fascination. » Le Soir