Je m’envole

9 janvier 2020.
 

Alors j’ai sorti mon téléphone de ma poche et j’ai enfin osé composer le numéro que je connaissais par cœur, depuis un an exactement. Se fondaient en moi des milliers de sensations que je ne pourrais décrire. J’oubliais instinctivement les gestes et le tapotement de mes doigts sur le clavier. J’écrivais puis effaçais et ce fut ainsi une bonne douzaine de fois. Je n’avais peut-être pas les mots justes, adaptés, qui correspondaient à mes actuels sentiments. Ce que je voulais faire était de m’envoler. Essayer de prendre des notes de ce à quoi je pensais quand je l’imaginais, tous ces moments de complicité qui pouvaient me donner l’impression d’avoir trouvé la solution, et tout cela, pouvoir le réciter tel un poème auquel je penserai immédiatement dès l’instant où il apparaîtrait dans nos discussions, qui fredonnerait dans ma tête chaque fois que je penserai au mot « poète ».

Alors je repris, petit à petit, l’écriture de ce qui pourrait devenir l’un de mes plus inoubliables souvenirs...je commençais à redouter ce choix si spontané que je venais de faire. Puis à force de recommencer chaque mot et d’admirer la, si je puis dire, « belle irritation » de mes mains glacées, je décidai d’éteindre, d’un geste un peu trop confiant, le téléphone que je tenais entre mes doigts tremblotants et je repris mon chemin le long de cette rue que je connaissais par cœur, depuis deux ans exactement. Elle m’était si familière et si étrangère à la fois. Elle résonnait, à chacun de mes pas, les mélodies du bonheur et les cris de la peur. Des souvenirs dont je rêvais d’écrire à nouveau : indescriptibles, récoltant joie ardente. Cette joie, quand je la ressentais me menait à revivre ces erreurs que j’ai commises et que je connaissais par cœur, depuis trois ans exactement. Chaque nuit à me retourner dans mon lit espérant trouver le sommeil, mais avant tout, l’endroit d’où venait cette magie lorsque je pensais à toi, oui à toi :

« Ce fut ce jour là, lorsque nos regards se croisèrent, Ce moment là, où nos sentiments se libérèrent, Cette heure-là, où les aiguilles de l’horloge se rencontrèrent, Ce cœur-ci qui ne se trompait jamais. »

Ces quatre vers que je connaissais par cœur, depuis quatre ans exactement.

Alors à votre tour...Vous est-il déjà arrivé de rêver de quelqu’un à qui vous ne devriez pas penser, non pas car il a un instinct froid et irritant, mais plutôt car le simple fait de penser à lui vous fait sentir meilleur, trop meilleur, et rien que de l’imaginer loin de vous provoque le vide total ? Oui ? Pourquoi ? Tout simplement car l’amour, aussi incompréhensible et irrésistible que je le connaisse, aime avant de nous faire aimer.
Le ciel était dégagé, ensoleillé, vivant et respirant l’air frais de ce mois de février. L’un de mes temps favoris où j’imagine l’eau de la Seine sous mes pieds si minuscules qu’ils puissent l’être au-dessus de cette immensité fluviale. Rue Vergniaud, puis longeant la rue Boussingault, j’atterris rue Wurtz, drôle de nom, n’est-ce pas ?

Entre toi et moi, était-ce de l’Attirance, de l’Amitié ou de l’Amour au sens propre du terme ? Ces trois mots commençant par la même voyelle et se terminant par une centaine de sentiments différents ayant un degrés d’intensité qui augmente à chaque nouveau saut d’un mot à l’autre mais qui ont tous un point commun : l’intention d’aimer et d’être aimé. Quoi qu’il en soit, j’ai toujours su ce que je ressentais à ton égard, d’où mes hésitations récurrentes, je doute de ce que tu pourrais croire de moi, de mes sentiments, j’ai peur de l’impression que tu as de moi, peur de l’avis d’autrui sur mes décisions futures, ce que toi et moi pourrions devenir si on se confie l’un à l’autre.
Alors j’oubliais les directions que je prenais et par pur hasard, quoique j’hésite, je me retrouvai devant cette maison que je connaissais par cœur, depuis cinq ans exactement. Là où tout a commencé, là où ce printemps qui symbolisait le début d’un sentiment éternel, un coup de foudre amical, un coup de foudre amoureux ou un coup de foudre qui, ne m’en voulez pas, pourrait nous foudroyer en plein cœur. Devant cet maison, on se croirait perdus dans la prairie au milieu d’un champ fleuri, ventre rempli de papillons. Face à cette cabane à souvenirs, je te voyais, ou plutôt t’imaginais, avancer vers moi, me prendre les mains et me les joindre pour ensuite les conduire vers ton cœur où était inévitablement rangé notre, peut-être, amour...Toi aussi, tu le sens ?
Pourquoi espérer tellement plus quand on possède déjà tout ? Pourquoi passer toutes ces nuits à essayer de te retirer de ma pensée, de mon cœur, de mon identité, de mon âme ?
Pourquoi hésiter vingt-mille fois sur ce que je te dirai quand je te reverrai ? Pourquoi attendre lorsque l’on...minute !

Alors que j’admirais défiler nos souvenirs communs tel un court-métrage. Alors que je ne cessais de t’imaginer me souffler ces mots que la plupart des gens trouveraient déplacés, alors que je pensais à toi et à cette amie si proche avec qui on partageait des fou-rires à ne plus pouvoir en finir, alors que je perdais toutes mes capacités mentales, une porte s’ouvrit laissant entrer une bouffée d’air frais...mon regard, ma bouche, mon corps, mon cerveau, tous mes traits du visage se mirent à revivre, comme si le froid coincé sur la paume de mes mains gelées, se dispersait et laissait les rayons du soleil les embellir. Pourquoi avais-je une joie soudaine de la revoir ? Après tous ces moments exceptionnelles partagés ensemble, elle me donnait envie de rire rien qu’en observant sa démarche « Inoubliable cette fille ! » me dis-je au fin fond de ma pensée. Elle me vit l’admirer, gloussant et ricanant sous ma grosse écharpe en laine, très à la mode cette période de l’année et se mit à avancer, ses cheveux dans le vent, brillant où l’on percevait les rayons du soleil passer à travers. Elle aussi, se mit à éclater de rire, mais semblait heureuse et déterminée, paraissait consciente mais confuse en même temps, marchant à droite, à gauche, mettant un pied devant puis deux pieds derrière, un peu comme moi en quatrième, mais qu’est-ce qu’elle éblouissait ce monde froid et perdu dans une galaxie ornée de petites pièces dorées qu’elle accrochait à ses boucles argentées :
« -Quel style ! Tu n’as pas changé, dis-donc ! Comment tu vas ? On dirait que la dernière fois que nous avons parlé remonte à hier soir ! s’exclama-t-elle d’une voix remplie de joie et d’émerveillement.

Elle sortit de son sac à main en bazar, une enveloppe rose ni trop grande ni trop petite, quelques étoiles sur les côtés et des smileys sur les bords « Je la reconnais bien cette fois-ci ! » et je commençais à rire sans trop savoir pourquoi. Ce fut suivi d’un de ses petits rires,. Non ! D’un de ses grands rires qui faisaient trembler la Terre entière et qui me faisaient perdre mes tympans, « ha ! ».
Elle me la tendit de sa main droite toute moite, ce qui déclencha un rire commun

Ce fut comme une révélation qui passait dans tout mon corps. Non seulement elle avait raison mais elle ne se rendait pas compte que chaque mot, chaque phrase qu’elle prononçait voulait tout dire, elle disait n’importe quoi mais tout avait un sens. Elle ravivait dans notre amitié la flamme ardente qui provoquait tous ces moments de complicité, de passion, de fou-rires, de joie, de bonheur, d’amour. Elle était celle qui donnait un sens concret aux choses abstraites. J’en avais besoin de ses pensées dites à voix haute, j’en avais besoin de son humour et de son humeur délirantes. J’avais besoin de la croiser et de me redécouvrir car elle était moi et j’étais elle. Après avoir bien analysé sa dernière phrase, je ne retirai pas mes yeux des siens, contempler ses yeux obscurs qui cachaient un océan de sentiments, lueur d’espoir dans le noir.

Elle prit ses sacs, toujours surchargée de bagages, et se dirigea dans la direction opposée à la mienne. Quelques minutes après, j’attendais toujours qu’elle disparaisse derrière l’angle de la prochaine rue, ne voulant pas regretter de ne pas l’avoir assez mémorisée dans ma pensée.
Et puis je ne pouvais pas accepter l’idée de la laisser partir devant mes yeux et ne rien faire. Je couru comme jamais, je me surprenais moi-même, cette fille était vraiment spéciale, la laisser s’enfuir de ce monde serait vraiment absurde. Quand je m’arrêtai, j’étais à quelques mètres d’elle que je me demandai comment j’avais fait pour arriver jusqu’ici…
« -Reste ! Je ne m’étais rendue compte de rien, je ne savais pas que cette amitié que l’on a toujours eue pouvait finalement durer aussi longtemps et aussi intensément. Tu m’as prouvé à quel point tu étais heureuse de me connaître, de partager des moments de folie avec moi et de me protéger dans n’importe quelle circonstance. Alors j’ai besoin de te le dire, de te dire à quel point tu es spéciale. J’ai toujours hésité si entre toi et moi, c’était de l’attirance, de l’amitié ou de l’amour. Le destin a souhaité que l’on se revoie précisément aujourd’hui, et je ne vais pas le démentir ou le nier, j’étais confuse et pétrifiée à l’idée de te revoir, j’avais peur de ce que tu pouvais me faire ressentir, j’avais des doutes, cette amitié que l’on a toujours partagée m’a toujours remplie de joie et de bonheur. Je pouvais hésiter sur mes sentiments mais la vérité est que je n’en ai aucune idée, je ne sais pas ce que je ressens pour toi. En te rencontrant, j’ai tout de suite compris qu’on était similaires, pareilles, voire les mêmes. J’ai été perturbée et je ne vais pas non plus le nier, tu es très spéciale à mes yeux, tu représentes une partie de moi, et te voir t’en aller sans pouvoir te dire ce dont je ne suis même pas sûre, me ferait mal donc je suis là car malgré mes doutes et mes sauts d’humeur sans raison, je veux être à tes côtés comme toi tu l’as toujours été, être une amie pour la vie et te prouver que je t’aime autant que toi tu m’aimes. »

J’étais essoufflée, mais tellement soulagée de lui avoir tout avoué ou plutôt de m’être tout avoué, j’ai aussi été honnête envers moi-même.
Elle aussi, semblait avoir quelque chose à dire, mais elle vint me serrer fort fort fort dans ses bras, j’avais l’impression que l’on fusionnait puis elle dit ces mots tous droits sortis du cœur :

Le soleil nous éblouissait le visage, « il nous suit » nous supposions. Il y avait un banc juste derrière nous où nous décidions de nous asseoir.

« Ce fut ce jour là, lorsque nos regards se croisèrent, Ce moment là, où nos sentiments se libérèrent, Cette heure-là, où les aiguilles de l’horloge se rencontrèrent, Ce cœur-ci qui ne se trompait jamais. »

Tout me paraissait différent maintenant que tout avait été dit entre elle et moi, on savait que ce que l’on ressentait à l’égard de l’autre, était le mélange de tous ces sentiments que l’amour fusionne pour devenir ce qu’il est, tout à fait comme nous deux, nous fusionnons et nous ressentons cette compatibilité si étrange qui est le mélange de plusieurs émotions. Puis elle dit :
« Ces quatre vers que je connaissais par cœur, depuis quatre ans exactement. »

Un sourire apparut sur mon visage, sur le sien aussi, je ressentis cette sensation de m’envoler.