MARTIN Nastassja

France

14 mars 2023.

Anthropologue spécialiste des populations arctiques, tout particulièrement du peuple des Evènes, aux confins de la Sibérie, et du peuple des Gwich’in des forêts de l’Alaska, dont elle retranscrit les réalités contemporaines dans un premier ouvrage Les âmes sauvages. Dans Croire aux fauves, Nastassja Martin se penche cette fois-ci sur son histoire personnelle, et raconte avec des mots justes sa difficile rémission suite à la rencontre avec un ours lors d’une expédition dans les montagnes du Kamtchatka. Ce récit tendu et incandescent, à l’écriture éminemment littéraire, lui permettant de résonner hors du milieu scientifique, ouvre la porte d’un autre rapport au vivant. Observer d’autres manières de dialoguer avec les êtres : c’est aussi une idée qui traverse son dernier ouvrage, À l’est des rêves, dans lequel elle raconte le retour d’une famille even à la vie en forêt et au mode de vie de leurs ancêtres, après l’effondrement de l’URSS. Dans ce récit passionnant, l’autrice fait dialoguer les histoires mythiques du peuple autochtone avec les politiques coloniales d’assimilation. Et si dans leur manière d’être au monde se trouvait des réponses aux crises que nous traversons ?

 

Bibliographie

 

DERNIER OUVRAGE

 
Récit

À l’est des rêves. Réponses even aux crises systémiques

La Découverte - 2022

Après avoir travaillé en Alaska avec le peuple Gwich’in, Nastassja Martin a franchi le détroit de Béring pour entamer une recherche comparative au Kamtchatka. Pendant l’époque soviétique, les Even, peuple nomade d’éleveurs de rennes, ont été sédentarisés dans des fermes collectives. Après la chute du régime, beaucoup ont continué d’être les bergers des rennes qui ne leur appartenaient plus, les troupeaux étant aux mains d’entreprises privées. Depuis l’ouverture de la région en 1991, les anciens kolkhozes du Kamtchatka se transforment en plateformes touristiques.

En 1989, juste avant la chute de l’Union soviétique, une famille even aurait décidé de repartir en forêt, recréer un mode de vie autonome fondé sur la chasse, la pêche et la cueillette. Était-ce une légende ? Comment un petit collectif violenté, spolié, asservi par les colons avant d’être oublié de la grande histoire s’est-il saisi de la crise systémique pour regagner son autonomie ?
Comment a-t-il fait pour renouer les fils ténus du dialogue quotidien qui le liait aux animaux et éléments, sans le secours des chamanes éliminés par le processus colonial ? Quelles manières de vivre les Even d’Icha ont-ils réinventées, pour continuer d’exister dans un monde rapidement transformé sous les coups de boutoir de l’extractivisme et du changement climatique ?

Dans ce livre, où les rêves performatifs et les histoires mythiques répondent aux politiques d’assimilation comme au dérèglement des écosystèmes, l’autrice fait dialoguer histoire coloniale et cosmologies autochtones en restituant leurs puissances aux voix multiples qui confèrent au monde sa vitalité.