MODJESKA Drusilla

Australie

7 mai 2020.

Écrivaine de la décolonisation, admirée pour sa capacité à intégrer son vécu dans ses œuvres romanesques, Drusilla Modjeska, née en Angleterre, devenue Australienne après avoir vécu en Papouasie-Nouvelle-Guinée, a pourtant longtemps été connue pour ses essais et biographies « fictionnées » qui lui valurent de nombreux prix et récompenses. Son parcours atypique et post-colonial n’est pas sans rappeler celui de Rika, l’héroïne de ce premier roman traduit en France, Maunten. Entre 1968 et 2006, le récit s’articule autour d’une femme blanche et d’un enfant métisse, l’une en quête de sens et de renouveau, l’autre en quête d’identité et de racines. Maunten nous conte une histoire d’amour prise dans la tourmente de la grande Histoire, entre conquête d’indépendance, roman d’apprentissage et mythes ancestraux.

 

Le site internet de l’autrice


Bibliographie

Romans
Maunten, traduit de l’anglais par Mireille Vignol (Vent des îles, 2019)
The Orchard (Pan MacMillan, 1995)

Non fiction
Second Half First, (Penguin Books, 2016)
Timepieces, (Picador, 2002)
Stravinsk’ys Lunch (Picador, 1999)
Secrets (Pan MacMillan, 1997)
Sisters (Harper Collins Flamingo, 1996)
Inner Cities : Australian women’s memory of place (Penguin Books, 1989)
Exiles at home : Australian women writers 1925-1945 (Angus & Robertson, 1981)


Interview exclusive pour Etonnants Voyageurs avec Drusilla Modjeska, auteure de Maunten qui signifie « la montagne » en tok pisin, langue véhiculaire de Papouasie-Nouvelle-Guinée, menée par Mireille Vignol, sa traductrice.

Extrait :
En Papouasie, lui avait raconté Léonard, en des temps ancestraux, une vieille femme portait le soleil et la lune dans son bilum, son sac tressé. Tous les matins, elle gravissait la grande montagne dans l’obscurité et, quand elle atteignait le sommet, elle tirait le soleil de son sac et l’accrochait dans le ciel. Il diffusait de glorieux rayons qui scintillaient à travers les arbres afin que ses filles puissent apprécier l’abondance
du monde. Émerveillées par sa beauté, elles peignaient tout ce que révélait la lumière éclatante et pure. Elles peignaient les feuilles, les fruits et les toiles d’araignée,
les arêtes des poissons d’eau douce et les taches des chenilles. Et elles peignaient la montagne et ses nombreux sommets. Quand elles étaient fatiguées et qu’elles avaient suffisamment travaillé pour un jour, la vieille femme remontait jusqu’à la cime de la montagne, décrochait le soleil, le rangeait dans son bilum et le remplaçait par la lune. Ses filles pouvaient alors se reposer, et elle pouvait se reposer avec elles. Bien que Rita eût été éduquée en Hollande, pays de la raison, une partie d’elle-même demeurait persuadée qu’un lieu capable d’engendrer un tel peuple, un tel imaginaire, ne pouvait qu’être un lieu de rédemption. Ainsi, quand Léonard lui avait annoncé qu’il s’apprêtait à se rendre là-bas, sur cette montagne, pour filmer ce peuple qui n’avait jamais cessé de peindre le monde dans lequel il vivait, elle lui avait dit que, oui, elle l’épouserait et l’accompagnerait.

EXTRAIT
Existe-t-il meilleur symbole d’une Papouasie-Nouvelle-Guinée indépendante, demanda Aaron, que l’abondant plumage de nos coiffes échangé par nos tribus et allant jusqu’à représenter notre île, façonnée comme un oiseau ? Mais les symboles n’ont pas seulement valeur d’idéal ; les symboles sont aussi des mises en garde.
L’histoire de nos plumes est un miroir de notre pays, mais ce miroir ne reflète pas notre caractère ; il reflète celui des colons et des négociants, des collectionneurs, des naturalistes, des chasseurs de prime. Et c’est leur perception de nous qui nous est renvoyée comme étant la nôtre.
Quand Magellan rapporta des paradisiers dépourvus d’ailes et de pattes au roi d’Espagne, ces oiseaux firent l’objet d’idées fausses aussi incroyables que leur plumage. Les récits de Passaros de sol et d’Avis paradiseus volant jusqu’à leur
mort sans jamais se poser sont devenus des métaphores pour la poésie
européenne, et nous nous sommes retrouvés associés au mythe : un peuple aussi étrange que ses oiseaux.

(Vous pouvez lire – en anglais – l’essai de Drusilla Modjeska écrit à l’occasion de l’exposition : The Wisdom of the Mountain, en 2009 à la National Gallery of Victoria. : https://www.drusillamodjeska.com/downloads/DrusillaModjeska-Fabricofwisdom.pdf )

Les oiseaux de paradis
chantent à bref intervalle
mais, comme le temps
les y a destinés, ils s’évaporent dans des abîmes d’un
vert dru, dans les abîmes de quelque sombre océan.
Parfois, solitaire,
un oiseau siffle…

Russell Soaba, Naked Thoughts :
Poems and Illustrations, 1978
(En introduction au Tome 2 de Maunten.)


Catalogue des éditions Au vent des îles :
https://www.auventdesiles.pf/

 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

Maunten

(Au Vent des îles, 2019) - 2019

Maunten, montagne en tok pisin, langue véhiculaire de Papouasie-Nouvelle-Guinée.

En 1968, le vent de l’indépendance commence à souffler sur la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Léonard, réalisateur anthropologue anglais, est invité par la toute nouvelle université du pays pour réaliser un film sur des tapa (tissus d’écorce) exceptionnels, peints par les femmes d’un village perdu dans les hauteurs de la montagne.

Il est accompagné par sa jeune épouse hollandaise, Rika, qui se lie d’amitié avec un groupe d’universitaires étrangers et de jeunes intellectuels papous. Mais c’est lorsqu’elle rencontre les frères de peau, Jacob et Aaron, que sa vie — leur vie à tous — change pour de bon.

Pourquoi et comment ? C’est ce que leurs enfants Bili et Jéricho tentent de démêler en 2005, trente ans après l’indépendance de ce pays qui a toujours fasciné l’imaginaire européen, en particulier celui des surréalistes, mais qu’ils vont devoir démystifier.

Drusilla Modjeska explore les contradictions du colonialisme et du post-colonialisme, les difficultés à unifier ce pays aux huit-cents langues, et le décalage vertigineux entre fonctionnement coutumier et démocratie occidentale. Elle nous donne à écouter tous les acteurs, sans jamais simplifier.

Revue de presse