Le Détail du monde. L’art perdu de la description de la nature

Seuil

27 février 2020.
 

Les mots nous manquent pour dire le plus banal des paysages. Vite à court de phrases, nous sommes incapables de faire le portrait d’une orée. Un pré, déjà, nous met à la peine, que grêlent l’aigremoine, le cirse et l’ancolie. Il n’en a pourtant pas toujours été ainsi. Au temps de Goethe et de Humboldt, le rêve d’une « histoire naturelle » attentive à tous les êtres, sans restriction ni distinction aucune, s’autorisait des forces combinées de la science et de la littérature pour élever la « peinture de paysage » au rang d’un savoir crucial. La galaxie et le lichen, l’enfant et le papillon voisinaient alors en paix dans un même récit. Ce n’est pas que l’homme comptait peu : c’est que tout comptait infiniment. Des croquis d’Alfred Wallace aux « proêmes » de Francis Ponge, des bestiaires de William Swainson aux sonnets de Rainer Maria Rilke, ce livre donne à entendre le chant, aussi tenace que ténu, d’un très ancien savoir sur le monde – un savoir qui répertorie les êtres par concordances de teintes et de textures, compose avec leurs lueurs des dictionnaires éphémères, s’abîme et s’apaise dans le spectacle de leurs métamorphoses.

 

DERNIER OUVRAGE

 
Essais

Qui a fait le tour de quoi ? L’affaire Magellan

Verdier - 2020

Imaginez une histoire, une belle histoire, avec des héros et des traîtres, des îles lointaines où gîtent le doute et le danger. Imaginez une épopée, une épopée terrible, avec deux océans où s’abîment les nefs et les rêves, et entre les deux un détroit peuplé de gloire et de géants. Imaginez un conte, un conte cruel, avec des Indiens, quelques sultans et une sorcière brandissant un couteau ensanglanté. Un conte, oui, mais un conte de faits : une histoire où tout est vrai. De l’histoire, donc.
Cette histoire - celle de l’expédition de Fernand de Magellan et de Juan Sebastián Elcano -, on nous l’a toujours racontée tambour battant et sabre au clair, comme celle de l’entrée triomphale de l’Europe, et de l’Europe seule, dans la modernité.
Et si l’on changeait de ton ?
Et si l’on poussait à son extrême limite, jusqu’à le faire craquer, le genre du récit d’aventures ? Et si l’on se tenait sur la plage de Cebu et dans les mangroves de Bornéo, et non plus sur le gaillard d’arrière de la Victoria ? Et si l’on faisait peser plus lourd, dans la balance du récit, ces mondes que les Espagnols n’ont fait qu’effleurer ? Et si l’on accordait à l’ensemble des êtres et des choses en présence une égale dignité narrative ? Et si les Indiens avaient un nom et endossaient, le temps d’un esclandre, le premier rôle ? Et si l’Asie - une fois n’est pas coutume - tenait aussi la plume ? Que resterait-il, alors, du conte dont nous nous sommes si longtemps bercés ?
La vérité, peut-être, tout simplement.