L’azur des mers

6 juillet 2020.
 

Il se met à courir. Mais il s’arrête bientôt car la mélodie qu’il entend alors est si envoûtante, si attirante que nul ne pourrait y résister. Junid, comme hypnotisé, ne pense plus au vent, aux oiseaux ou à la mer, il ne veut plus qu’une chose : découvrir la provenance de cette magnifique musique. Il voit pour la première fois la mer sans eau. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il n’y a pas que du sable. Il y a certes du sable, mais aussi des rochers, des algues séchées, des petits galets, des coquillages... Il n’y a surtout plus âme qui vive sur cette grande étendue dénuée d’eau. Junid aurait sans doute été attristé par cette dévastation si seulement il y prêtait attention, mais il est toujours absorbé par l’étrange chanson. Cette dernière l’a mené loin de chez lui près d’une profonde fosse. Junid s’apprête à y sauter pour rejoindre la voix quand une petite main griffue lui agrippe la chemise et le tire en arrière. Cependant la musique est toujours là. Junid l’entend. Il est bien décidé à atteindre l’ensorcelante mélopée, lorsqu’une minuscule chose saute sur son dos et lui hurle un « Hiiiiiiiiiiiiiii ! » strident dans les oreilles. La tête lui tourne, sa vue se trouble et il trébuche.
Remis de ses émotions, Junid s’apprête à s’expliquer avec la personne qui lui a crié dans les oreilles. Il se retourne vivement vers la petite créature qui est maintenant descendue de ses épaules. Avant qu’il ne puisse prononcer quoi que ce soit, elle dit d’une voix aiguë et fluette : « Tu n’entends plus la musique ? »
Junid entend à peine la question, il est plongé dans l’examen de l’étrange être parlant qui se trouve devant lui : un visage parfaitement triangulaire avec des cheveux noirs et rêches se dressant sur sa tête, des petites cornes et des oreilles pointues, des yeux comme deux fentes horizontales et un nez (si c’en est bien un) réduit à deux trous au milieu du visage. Junid a soudain froid dans le dos, lorsqu’il note la longue rangée de dents pointues et acérées que la chose a dans la bouche. Néanmoins, son effroi se dissipe bien vite quand il se rend compte qu’elle arrive à peine à son genou. Le reste de son corps est tout aussi étrange que sa tête : elle est vêtue d’une tunique faite de mousses et de feuilles, tout son corps est recouvert de poils à l’exception de ses pieds, ses derniers sont imberbes et ont, tout comme ses mains, seulement trois doigts. Comme c’est drôle ! Le cours des pensées de Junid est soudain interrompu par la petite chose qui crie : « Hé-ho ! Es-tu toujours ensorcelé ? » Voyant qu’il a de nouveau l’attention de Junid, le petit bonhomme reprend : « Je suppose que tu n’as rien écouté à ce que j’ai dit ?