La dernière vague

16 juillet 2020.
 

Il se met à courir. C’est alors qu’il remarque les innombrables traces de pas des animaux qui ont fui. Il se met à courir. Il court sans relâche,il ne s’arrête pas.
Soudain une envie de vomir le prend .Une odeur pestilentielle lui monte au nez, sa tête se met à tourner, une sensation qu’il n’a jamais ressentie auparavant . Tout à coup il s’effondre. Sa respiration suffocante le réveille, il n’arrive presque pas à respirer, il ne distingue pas le sable fin, il n’aperçoit que très faiblement les palmiers même ses mains sont happées par la pénombre.
Soudain il réalise qu’un immense nuage noir assombrit le ciel. Des grains de sable frappent son visage, ses pieds sont entraînés vers le nuage. II réalise alors que le sable aussi se fait aspirer. C’est donc pour ça que la mer a disparu.
L’impression d’être fouetté au visage le ramène à la réalité : à quoi s’agripper quand tout s’envole ?
Par chance un cocotier se plie sur la plage mais pas encore assez pour que Junid puisse s’y accrocher. Dans une tentative désespérée il s’élance et se jette sur une branche sans réfléchir. Il sent la branche lui échapper quand tout à coup ses pieds touchent enfin le sol.
Il n’y a presque plus de sable par terre à présent. Chaque pas est une lutte pour avancer. Il arrive enfin aux abords de la jungle, il sait bien qu’il n’a pas le droit de s’y aventurer à cause des animaux qui y vivent mais tous les animaux ont fui donc rien à craindre, de ce côté-là !
Ses battements de cœur ralentissent petit à petit, il commence à réaliser qu’il aurait pu y laisser la vie et qu’il a eu beaucoup de chance. Enfin est-ce vraiment de la chance, car que se passe t’il dans cette partie du monde ?
Il se demande ce qu’il peut bien y avoir à l’intérieur de ce nuage, pourquoi est-il tout seul ? Autant d’animaux qui disparaissent de la plage en une fraction de seconde, ça ne devrait pas passer inaperçu ! Et où sont ses parents ?
La nuit tombe. L’épaisse couverture d’étoiles masque le nuage quand tout à coup des cris réveillent Junid à moitié endormi. Il se lève et aperçoit dans le lointain ce qui ressemble à un feu de camp. Ne serait-il donc pas seul ? Une lueur d’espoir s’illumine dans son cœur.
Il décide de partir dans cette direction. Quelque temps plus tard,il découvre un jeune garçon en grande discussion avec une jeune fille. Ils semblent avoir son âge.
L’émotion le gagne et il s’effondre.
A son réveil, il entend à nouveau les voix, donc le silence a disparu, les bruits, les voix sont revenus ! Pas trop tôt ! Il ouvre les yeux.
« Il est réveillé ! », dit la fille.
Les deux enfants approchent et le bombardent de questions
« Moi c’est Sam et elle c’est mon amie Aurélie. Comment t’appelles-tu ? »
« je, je m’appelle Junid, pourquoi peut-on parler à nouveau, le nuage est il parti ? » bafouille t’il
« Non, hélas ce satané nuage est toujours là mais nous sommes à distance raisonnable, il n’a plus aucun effet ici » explique Sam
« Où sont les autres ?, où sont mes parents ? »
« Nous sommes seuls, tous les autres humains ont subitement disparu, on est des sortes d’élus » répond Aurélie, presque fière.
« Et ce nuage d’où vient-il, je n’en ai jamais vu de semblable. Il anéantit tout sur son passage il a même failli m’aspirer ! »
Junid se souvient alors de ce qui s’est passé sur la plage, rien qu’à y penser des frissons parcourent son corps. Mais les paroles de son nouvel ami le ramènent au moment présent.
« Ce nuage a été créé par l’industrie COTAL . Ce n’est pas normal en effet ! Il est constitué de tas de choses chimiques, toxiques et radioactives dont tu ne veux surtout pas connaître les noms ! » Mais Junid voit bien que quelque chose ne va pas dans le regard de Sam. Soudain il se rappelle un article ! Mais oui bien sûr, cela lui semble comme une évidence !
« Ton nom de famille ne serait pas Pouillaqué par hasard ? » lance Junid
« Oui.. c’est le nom de mon père. C’était le patron de COTAL. Je suppose qu’il est mort à l’heure qu’il est... »
Aurélie les ramène vite aux nécessités du moment : ils doivent s’enfoncer davantage dans la jungle pour échapper à l’avancée du nuage et à son silence de mort...
Junid est comme plus confiant, il se sent moins seul et perdu, mais l’idée de ne plus revoir sa famille lui brise le cœur.
« Y a-t-il un moyen de retrouver les autres ? » questionne Junid
« Oui enfin non, je pense que si nous arrivons à détruire le nuage tout devrait redevenir comme avant... Le problème c’est comment le détruire ! »
« C’est ce dont nous parlions avant que tu n’arrives. Et nous pensons que le mieux est d´aller chez COTAL. Nous y trouverons sûrement des réponses.Il faut aller à l’Est et couper à travers la jungle pour aller plus vite. » dit Aurélie d’un ton ferme.
Au fil des jours, des liens étroits se forment au sein de la petite équipe qui s’enfonce de plus en plus dans la jungle. Chaque jour Sam calcule à quelle vitesse le nuage avance et à quelle distance il se trouve. Aurélie, quant à elle, aide des animaux blessés à fuir le nuage et prépare à manger en utilisant certaines variétés de plantes inconnues des deux garçons. Junid ,lui, se sent plutôt inutile, il n’a pas de don. Sam est doué pour les sciences et l’astrologie et Aurélie pour la médecine et la zoologie....
Enfin ils arrivent à l’entrée de l’usine COTAL. Sam sort un pass de sa poche sûrement celui de son père.
« Il faut aller au laboratoire de recherches, c’est là que nous trouverons ce pourquoi nous sommes là »
Sam est le premier à y pénétrer mais à son grand désarroi il n’y a rien, tout semble avoir été vidé, comme nettoyé de fond en comble !
« Es-tu certain que c’est le laboratoire de recherches ? » s’écrit Junid.
Sam hoche la tête, il connaît bien les lieux.
« C’était notre dernier espoir, ils n’ont rien laissé derrière eux, il faut repartir et le plus loin possible d’ici ! »
Pourtant Junid ne désespère pas, il est certain d’avoir vu quelque chose. À l’entrée, il a remarqué une étrange machine ... Il prend le pas de Sam sans un mot et le pose devant
C’est alors qu’une voix de femme résonne dans la salle.
« Je suis Isabelle Pouillaqué, responsable de la recherche, aujourd’hui nous avons achevé le prototype nn-8 comprenez nuage à puissance nucléaire. Cette arme permettra aux générations futures de se défendre contre une éventuelle 3 ème guerre mondiale. Malheureusement à ce stade de nos recherches, ce prototype n’est pas encore totalement fiable. Nous avons donc également élaboré un système permettant de le détruire s’il tombait dans des mains mal intentionnées. Si vous écoutez ce message c’est que nous en sommes arrivés là... Suivez nos instructions à la lettre ... »
Puis plus rien, le silence.
« Quoi c’est tout. Tout ce bla-bla et ils ne sont même pas capables d’enregistrer un message jusqu’au bout !!! »
Sam explose, Aurélie fond en larmes . Junid comprend alors pourquoi il a été choisi, il est le seul à garder son sang froid !
« Et si, et si c’était fait exprès pour que seul un membre de ta famille puisse résoudre cette énigme,Sam ? »
Sam le regarde stupéfait et lui lance dédaigneux
« C’est la chose la plus stupide que j’ai entendue ! »
Puis il se ravise, réfléchit un moment et dit :
« Mes parents me disaient souvent que quand on arrive devant un mur il faut savoir passer à travers et que c’ comme ça qu’on atteint les nuages... »
Les 2 garçons se regardent, ils se sont compris : il y a un mur quelque part qui cache la formule. Oui, mais où ? lequel ?
Aurélie qui était silencieuse depuis un moment prend la parole
« Si j’étais tes parents, je cacherais la formule dans un endroit qui a du sens pour notre famille uniquement ! »
« C’est ça » s’exclame Sam et ses yeux se portent vers un petit bureau isolé « C’est là que mes parents me faisaient faire mes devoirs quand je rentrais de l’école et on parlait de notre journée... » Sa voix se brise à ce souvenir..
Ils s’y précipitent. Il ne leur faut pas beaucoup de temps pour remarquer un cadre mal centré, le déplacer et découvrir un digicode.
« Ta date de naissance ! » crie Aurélie
« Trop simple » réplique Junid
Mais Sam s’est déjà lancé et le petit coffre s’ouvre sur une lettre au nom de Sam et un boîtier . Il l’a lit en silence
« Je sais ce qu’il faut faire, venez ! », dit-il en prenant le petit boîtier avec lui
Les trois enfants sortent, Sam déplie la lettre devant lui et s’installe en tailleur à même le sol en direction du nuage. Il ne dit pas un mot et ses camarades respectent sa peine.
Soudain il pianote une série de chiffres et de lettres sur le boîtier en suivant les instructions de sa lettre.
Un vrombissement puis un silence et à nouveau ce vrombissement. Le vent se lève, tout tourbillonne, il fait très froid tout à coup. Les amis se serrent les uns contre les autres, ils attendent un peu inquiets. Que faire de plus ?
Et ce bruit, comme si le monde entier se déchaînait, se déchirait.
« C’est comme la fin du monde », dit Junid
« Non, c’est juste la fin du nuage », lui répond Aurélie
Sam silencieux ne dit toujours rien, il a replié la lettre de ses parents et la tient serrée entre ses doigts comme pour les retenir encore un peu...

D’abord une image floue, puis l’image se précise : maman ! Junid reconnaît sa mère mais au moment où il s’apprête à se jeter dans ses bras, il est stoppé net dans son élan par le ton de la voix de sa mère.
« Il est tard, dépêche-toi ! » lui ordonne sa mère très en colère.
Junid est si heureux de la retrouver qu’il l’enlace malgré tout.
« N’essaie pas de m’amadouer, tu es en retard pour l’école, Junid, ça fait une demi-heure que j’essaie de te réveiller en vain ! Dépêche-toi de t’habiller. Pas de petit déjeuner, tant pis pour toi ! »
Il sort, le vent souffle fort ce matin sur Maurice, il sourit en voyant les cheveux de sa mère s’emmêler. Cette dernière lui fait remarquer « Je pense qu’il va y avoir un bel orage, tu as vu cet énorme nuage noir au-dessus de l’océan ? »
C’est alors qu’il remarque les innombrables traces de pas des animaux qui ont fui. Il se met à courir....