Fin de contrat

20 avril 2021.
 

George invite machinalement le vieillard à entrer, et c’est précisément au moment où il referme la porte derrière lui qu’il remarque qu’aucune trace de pas n’imprime la neige.

Le vieil homme, sans hésiter, se dirigea vers le salon.

Puis, en propriétaire avertit, il s’installa dans le meilleur fauteuil : le fauteuil préféré de George, sortit une pipe, identique à celle de l’écrivain, l’alluma, et tira, silencieusement quelques bouffées, satisfait.

Un whiskey à 9h du matin ! Pourquoi pas finalement, il en avait aussi besoin : un inconnu marchant au-dessus de la neige, s’invitait chez vous, vous prenant, de quel droit, votre meilleur fauteuil, et pour accompagner votre pipe sœur, vous demandait votre meilleur whiskey. George servit deux verres, tendit le sien au vieil homme, et s’assit dans le deuxième fauteuil, près du feu, mais qui était, de manière tout à fait désagréable, dos à la fenêtre et au magnifique paysage de la campagne enneigée.

Silencieux, les « non-pas » de l’inconnu dans la neige l’intriguait, plus même, l’inquiétait car quelques minutes avant l’arrivée de l’inconnu, il avait admirer une jolie biche traversant le jardin, s’enfonçant péniblement dans les vingt centimètres de neige fraîche. Ça il l’avait vu de ses propres yeux, il en était sûr ! Le vieil homme sourit malicieusement. Il avait peut-être comprit aussi qu’il était temps pour lui de s’expliquer. Finissant d’un coup son verre il dit alors :

George était sous le choc. Sa tête en feu vacillait devant l’absurdité de ces affirmations. Ce n’étais pas possible ! Ainsi, toute sa vie il n’aurait été qu’un scribe, la main d’une dictée ! Ce n’étais pas possible. Une rage désespérée soudain l’envahit et il hurla :

Le vieillard, amusé et les yeux pétillants, lui répondit :

George, dans cette histoire, commençait légèrement à perdre pied. Mais intrigué il commença néanmoins la lecture du texte qui avait pour titre Fin de Contrat :

Mais, mais, cette scène décrit parfaitement ce que je faisais juste avant votre arrivée ! Comment est-ce possible ? Comment est-ce possible !
Cette fois, l’écrivain commençait vraiment à paniquer !

…tous les textes du passé, présent et futur, qui bien évidemment est toujours à venir… George, les yeux exorbités, et n’étant absolument pas sûr d’avoir compris le concept, malgré la lecture double qu’il se faisait de ce même discours, se resservit un whiskey.

…tout simplement des histoires du futur… Les mots, mots-à-mots, s’incurvaient parfaitement dans les paroles de ce « Lucius ».

…encore une justice dans ce bas-monde…George hésita à se resservir un troisième verre.

Mais George n’écoutait plus. Bizarrement, d’un seul coup, il se sentait abandonné, trahit même.

Il descendit alors les trois marches du porche avant de se retourner une dernière fois :

A ce moment, l’homme en noir disparu. Une seconde après, George vit dans la neige se former des traces de pas s’éloignant de la maison. Il les suivit des yeux jusqu’au portail, où là, les traces tournèrent vers la gauche derrière la grande haie…

L’écrivain frissonna légèrement, puis, somnambule et d’un pas mécanique, revint au salon. Les volutes de fumée de la pipe de Lucius circonvoluaient encore dans la pièce et George fut un instant tenté d’ouvrir la fenêtre mais il se ravisa : il faisait vraiment trop froid. Il décida de se remettre à la tâche et s’assit derrière son bureau.

Le café était maintenant froid, et face à lui, sous ses yeux, il y avait son cahier et, à côté, les feuillets de la « dictée » de Lucius. Indécis, son regard oscilla un temps incertain entre les deux, puis, n’y tenant plus, il lut les dernières lignes de la nouvelle :

« puis n’y tenant plus, il lut les dernières lignes de la nouvelle : c’était une certitude maintenant, et il le savait, la page blanche devant lui le resterait éternellement… »