L’édito de Leila Slimani, Présidente du Comité littéraire du Congrès

16 septembre 2021.
 

Qui mieux que des écrivains pour discuter de l’avenir, du passé et, surtout, du présent de notre langue ?
En 2020, la Francophonie institutionnelle a fêté ses cinquante ans. Née des cendres de la colonisation, dans un monde marqué par la Guerre froide et par les impérialismes, la francophonie a été imaginée par de grandes figures des luttes pour les Indépendances comme le président poète Léopold Sédar Senghor ou le président tunisien Habib Bourguiba. Mais que veut dire être francophone aujourd’hui ? Que peut signifier ce mot dans un monde éclaté, polarisé, métissé, où le désir d’égalité s’exprime avec chaque jour plus de force ?
La littérature en langue française est à l’image de notre monde : diverse, riche de ses différences, formidable espace de pollinisation où les différents destins s’influencent et coexistent. En littérature, comme ailleurs, l’idée d’un centre, incarné par la France, et d’une périphérie, que serait le vaste monde francophone, apparaît comme dépassée. Les écrivains français sont des écrivains francophones comme les autres. Et les écrivains, d’où qu’ils viennent, savent mieux que quiconque que la langue n’est plus consubstantielle à une patrie. Elle est un refuge, une idée, une musique nourrie par les migrations, les voyages, la rencontre avec l’autre. Elle est un héritage aussi, parfois douloureux, ou un choix, intime et amoureux.
Le Congrès des écrivains de langue française a pour ambition de réunir des auteurs venus du monde entier pour interroger, avec leurs armes critiques et leur amour de la langue, l’avenir de la francophonie. Ce mot, lui-même, doit-il être repensé, redéfini, ou est-il entaché de trop de non-dits et du poids, douloureux, du passé colonial ? Que signifie écrire en français aujourd’hui ?
À Tunis, les questions d’identité, d’émancipation par le langage, de valeurs universelles seront débattues par des auteurs venus des cinq continents et qui ont tous, en partage, la langue française.

Leïla Slimani,
Présidente du Comité littéraire du Congrès