samedi 11:15 (Heure de Tunis)/12:15 (Heure de Paris)
Langues et identités
Avec Rachel KHAN, Beata UMUBYEYI MAIRESSE, Néhémy PIERRE-DAHOMEY
21 septembre 2021.
Nos identités sont complexes et mouvantes, et si la langue porte en elle des valeurs, elle crée des ponts qui relient entre eux nos imaginaires. Face à la montée en puissance des mouvements identitaires dans notre société – face aux idéologies « décoloniales » et « intersectionnelles », face aux injonctions d’écriture inclusive, nos mots sont malmenés. Rachel Khan alerte sur ces mots qui attisent le ressentiment, mentent, séparent et isolent, leur préférant les mots qui rassemblent. Rappelant ce que nous devons à ces figures tutélaires que sont Édouard Glissant, Aimé Césaire, Romain Gary, Camus… dont les mots résonnent encore. Les mots ont un pouvoir. Les écrivains qui ont vécu la dictature le savent bien, le totalitarisme c’est d’abord une volonté systématique de perversion du sens des mots La responsabilité de l’écrivain face à lui, est d’être, obstinément, le gardien du sens des mots.
DERNIER OUVRAGE
Essais
Racée
Editions de l’Observatoire - 2021
« On est tous des additionnés », affirmait Romain Gary dans Pseudo. Rachel Khan ne le sait que trop bien. Noire, gambienne, d’origine musulmane et catholique par son père, blanche, juive et française par sa mère, elle est fière de se dire « racée ». Mais comment vivre cet excès de « races » à l’heure des replis identitaires où seule la radicalité importe ? Comment se positionner avec ce « pedigree » alors que l’injonction est de choisir un camp ?
À travers une série de mots, notions et expressions « politiquement correctes », Rachel Khan pose un regard tant critique que malicieux sur notre époque idéologisée qui interdit toutes formes de nuances. Elle condamne les « mots qui séparent » ‒ souchien, racisé, afro-descendant, intersectionnalité, minorité… : présentés comme des outils indispensables pour combattre le racisme, ils enfoncent en fait le couteau dans les plaies qu’ils prétendent cicatriser. Puis les « mots qui ne vont nulle part » : vivre-ensemble, diversité, mixité et non-mixité, etc., qui appauvrissent le langage et, dans une « bienveillance inclusive », alimentent la haine et les silences. Mais elle défend avec force les « mots qui réparent » ‒ intimité, création, désir ‒ qui, eux, rétablissent le dialogue, favorisent la pensée non unique et unissent notre société, gangrénée par les crispations identitaires et les oppositions stériles entre les genres.
DERNIER OUVRAGE
Récit
Le convoi
Flammarion - 2024
"Il aura fallu quinze ans de cheminement incertain, une enquête menée aux confins de mémoires étiolées, pour retrouver une image sur laquelle j’espérais figurer, puis pour chercher mes compagnons de fuite. Quinze ans pour m’autoriser enfin à écrire cette histoire. La mienne et à travers elle, car il s’agit bien de me réinscrire dans un collectif, la nôtre, l’histoire des enfants des convois."
Le 18 juin 1994, quelques semaines avant la fin du génocide des Tutsi au Rwanda, Beata Umubyeyi Mairesse, alors adolescente, a eu la vie sauve grâce à un convoi humanitaire suisse. Treize ans après les faits, elle entre en contact avec l’équipe de la BBC qui a filmé et photographié ce convoi. Commence alors une enquête acharnée (entre le Rwanda, le Royaume-Uni, la Suisse, la France, l’Italie et l’Afrique du Sud) pour recomposer les événements auprès des témoins encore vivants : rescapés, humanitaires, journalistes. Le génocide des Tutsi, comme d’autres faits historiques africains, a été principalement raconté au monde à travers des images et des interprétations occidentales, faisant parfois des victimes les figurants de leur propre histoire. Nourri de réflexions sur l’acte de témoigner et la valeur des traces, entre recherche d’archives et écriture de soi, Le convoi est un livre sobre et bouleversant : il offre une contribution essentielle à la réappropriation et à la transmission de cette mémoire collective.
- « Le Convoi est un grand livre, presque intimidant par son autorité souveraine, par ce qu’il dit tout autant que par la manière dont il le dit. » Livres Hebdo
- « Le Convoi raconte ce sauvetage, ou plutôt il en cherche les traces. Auprès des journalistes comme des humanitaires, Beata Umubyeyi Mairesse part en quête d’images, rushs de reportage, photos oubliées, clichés ambigus… Quête souvent entravée mais riche en surprises. Quand le récit s’ouvre, en effet, l’autrice affirme vouloir en partager les fruits avec d’autres enfants du convoi. Lorsqu’on referme le livre, on saisit que l’essentiel, pour cette métisse à la fois « transfuge de classe et de race », était de se ménager une place parmi eux, de se forger une légitimité, d’être pleinement reconnue comme survivante parmi les survivants. » Le Monde
- « Rwanda, 1994. Menacés de mort, un millier d’enfants tutsi sont exfiltrés. Parmi eux, Beata Umubyeyi Mairesse. Elle en fait le récit et l’analyse, au nom de tous, pour que soit enfin entendue la parole des victimes du génocide. » Télérama
- « Beata Umubyeyi Mairesse dénoue les fils de ce passé effrayant et nous aide а changer de regard sur cette terrible tragédie humaine. » La Croix
- « Un récit fascinant qui se déploie dans le labyrinthe de la mémoire, interroge sans cesse le sens et la réalité des mots. » Libération
- « Des mots d’une grande précision, d’une grande sobriété, d’une grande humanité aussi. » RFI
- « Ce livre est une plongée dans les noirceurs de l’humanité, une profonde réflexion sur le bien et le mal. » Ouest-France
DERNIER OUVRAGE
Romans
Combats
Seuil - 2021
En cette année 1842, Haïti, seule république noire du monde, affronte les premières conséquences d’une curieuse dette imposée par la France. Ludovic Possible, vieux mulâtre et grand propriétaire, ouvre sur ses terres à la plaine du Cul-de-Sac, non loin de Port-au-Prince, une étrange académie dans laquelle on apprend à vivre, tresser des nattes en paille, redresser la bâtisse scolaire, autant qu’à lire, écrire et compter. Ludovic destine surtout son école à Aïda, gamine auréolée de silence et de mystère. Depuis toute petite, Aïda collectionne avec avidité les nombreuses histoires racontées par sa mère, sans jamais se décider à parler elle-même et devenir conteuse, diva populaire, reine chanterelle, comme cela semble être son destin.
Ludovic est détesté par son demi-frère, Balthazar. Face au système agraire entretenu par l’armée, leurs méthodes divergent et ouvrent la voie à des combats sans merci – combats pour l’éducation et l’information, duels, batailles rangées de coqs et de chiens, joutes verbales et trocs d’histoires. Dans ce roman inventif et foisonnant, conte rural et politique, les destins particuliers côtoient la grande histoire des luttes sociales et égalitaires d’un pays et de ses habitants.
Néhémy Pierre-Dahomey est né à Port-au-Prince en 1986. Il vit aujourd’hui à Paris. Après Rapatriés (prix Révélation de la Société des gens de lettres, prix Carbet des lycéens de la Caraïbe, prix Cino Del Duca sous suggestion de l’Académie française), il signe avec Combats son deuxième roman.