samedi 16:00 (Heure de Tunis)/17:00 (Heure de Paris)
Entre les langues
Avec Emna BELHAJ YAHIA, Georgia MAKHLOUF, Grégoire POLET
21 septembre 2021.
Romancière et philosophe tunisienne, membre du Parlement des écrivaines francophones, Emna Belhadj Yahia s’implique dans la vie de son pays par une réflexion continue sur les notions de libertés individuelles, de droits des femmes, de citoyenneté. Son nouveau roman est un récit puissant sur l’émancipation, l’espoir et la résilience. Georgia Makhlouf est une femme de lettres libanaise vivant entre Paris et Beyrouth. Le français n’est pas sa langue maternelle mais sa langue paternelle : « D’une certaine façon, on peut dire que si j’ai vécu libanais, si j’ai été bercée par la mer que j’apercevais de ma fenêtre, j’ai rêvé français. » Son dernier livre raconte l’émigration peu connue de Syro-Libanais vers Haïti dès la fin du XIXe siècle. Grégoire Polet, en 2007 fut l’un des signataires du manifeste pour une Littérature-Monde en français. Il rêve d’une francophonie sans plus de centre ni de périphérie et voit dans la littérature « un art d’explorer le monde, et un art de le montrer ». Ses romans s’inscrivent dans un vaste projet, celui "où tous les textes s’emboîtent les uns dans les autres avec une cohérence des personnages, d’espace et de temps." À la manière d’un Balzac, il se plaît à faire réapparaître des personnages d’un roman à l’autre, à la manière de Balzac qu’il prend pour modèle. Québécoise d’origine vietnamienne, l’auteure Kim Thuy a fui son pays natal avec ses parents et ses deux frères par bateau. En arrivant au Québec elle tombe en amour pour les Québécois et leur langue qu’elle apprend petite à petit. Cette double appartenance est pour elle une immense richesse.
DERNIER OUVRAGE
Nouvelles
Soucoupes volantes
« Le type montait sur le toit de la maison et faisait avec un drapeau des grands signes à on ne savait trop qui.
Jean-Paul, ça l’incommodait. Certainement. Ça le mettait mal à l’aise. Il avait acheté le terrain, la ferme, et il s’était assuré qu’il n’y avait pas de nuisances, voie ferrée, pylônes haute tension, porcherie nauséabonde dans l’entourage. Il ne pouvait prévoir que sur le toit de la paisible maison voisine, où habitait un notaire à la retraite, un énergumène viendrait lui susciter des angoisses. Parce que c’était d’angoisse qu’il s’agissait. Nulle autre nuisance. Le bonhomme ne criait pas, ne faisait rien de répréhensible. Mais il portait un uniforme militaire, treillis et casquette de l’armée serbe, et agitait un drapeau rouge. Debout sur le toit. »
Dans les montagnes de Serbie, une maison tranquille devient le rendez-vous des amateurs de soucoupes volantes.
À Bruxelles, l’enregistrement d’un virtuose du violon fait apparaître des fantômes.
À Kosice, Slovaquie, un homme adopte un ours.
Un autre oublie son téléphone dans un restaurant d’Oslo.
À Paris, des collectionneurs sans scrupule se refilent un douteux manuscrit de Napoléon…
Entre réalisme grinçant et fantastique teinté d’une mélancolie légère, ces dix-sept nouvelles de Grégoire Polet restituent avec vigueur et humour la vérité des êtres, tout en laissant une place au rêve.
DERNIER OUVRAGE
Romans
En pays assoiffé
Éditions des Femmes - 2021
Le récit retisse le fil de la vie de cinq générations de femmes en Tunisie. À travers l’émancipation des femmes et le retour de bâton de l’islamisme sous sa forme la plus extrême : le terrorisme enraciné dans la haine des femmes. Il y a toujours de l’espoir cependant, mais il vient surtout des femmes.
D’emblée, ce roman nous embarque avec Nojoum, vieille dame aveugle que sa petite-fille questionne sur son histoire. Nous savons, dès les premières pages, qu’elles sont liées par un « Évènement » qu’elles ont vécu ensemble quelques années plus tôt, en réalité, on l’apprendra un peu plus tard, l’attentat du musée du Bardo à Tunis, où elles se trouvaient en visite.
« Juste après l’Événement, Nojoum avait éprouvé l’irrépressible désir de faire le plus grand mal qu’on pût imaginer. Mais comment s’y prendre ? Elle n’arrivait pas à pleurer, avait l’âme lourde de méchanceté, rêvait de se venger en griffant, mordant, étripant, entendait la colère souffler sans arrêt au-dedans d’elle. Il lui poussait des crochets, elle avait envie d’être féroce et s’agrippait à cette envie pour se prouver qu’elle n’avait pas été anéantie. Sentir la méchanceté crépiter en elle, c’était tuer l’Événement, s’en évader. » E.B.Y.
DERNIER OUVRAGE
Romans
Port-au-Prince aller-retour
L’Orient des livres - 2019
L’émigration vers les Amériques est en marche dès la fin du XIXe siècle. Port-au-Prince Aller-Retour explore celle, peu connue, des Syro-Libanais qui s’établissent en Haïti et raconte l’histoire hors du commun du jeune Vincent-Mansour qui, à vingt ans, quitte son village de la montagne libanaise sous domination ottomane pour aller vers l’inconnu et s’établit à Port-au-Prince.
Le roman s’ouvre sur son second départ pour Haïti, après un mariage au Liban. Vincent a hâte de fonder une famille et de continuer à développer ses affaires à Port-au-Prince. Il est pourtant encore amoureux de l’admirable Louisa, Haïtienne de souche, qui a partagé sa vie pendant les quinze années de son premier séjour.
Georgia Makhlouf dessine la fresque familiale en donnant voix à chacun des protagonistes : Vincent, Louisa, Edma, Joseph, Fatek et Anis, chacun déployant sa version de l’histoire, son vécu, ses sentiments et sa part d’ombre, au coeur de la beauté envoûtante de l’île.
Si Vincent réussit son pari professionnel, la pérennité de tout ce qu’il a construit avec force et rudesse vacille au regard des événements. Il doit concilier ses deux vies, faire face à l’instabilité politique, à l’occupation américaine qui s’annonce et à la montée du sentiment anti-syrien, lui qui n’imagine pas un instant devoir quitter cette île qui est devenue sienne...
Dans ce roman fascinant, exil, identité, intégration et tensions raciales font écho aux questionnements du temps présent.