Dim. 15h15, Rotonde Surcouf
23 mai 2022.
Michel Agier est ethnologue et anthropologue et travaille notamment sur la question des migrants et des réfugiés. Son dernier ouvrage développe une réflexion sur la peur et les moyens de s’en libérer. Felwine Sarr est romancier, essayiste, poète et professeur agrégé en économie, ses différents ouvrages tissent des liens entre l’économique, le culturel et le spirituel, interrogent notre rapport au monde, mettent en lumière la place de l’Afrique face aux défis contemporains et prônent une nécessaire décolonisation des savoirs. Ils ont tous deux commencé à échanger lors des derniers Ateliers de la pensée à Dakar et ont souhaité poursuivre ici leur échange. Au cœur de leur réflexion : la question du lien, de la relation et le désir de retrouver le courage d’une vie en commun, dans un monde qui n’a de cesse de détruire la relation.
Au Sénégal, Fodé et Bouhel sont deux frères jumeaux que la vie a mis sur des chemins initiatiques différents. Fodé doit reprendre une charge religieuse importante au village, il devra veiller sur le Ndut, la plus puissante des divinités du pays Sérère après la mort de Ngof, le vieux maitre des initiations. Quant à son frère Bouhel, il choisit de partir pour l’Europe étudier. Il est admis à l’université d’Orléans, où il fait la connaissance d’Ulga, une jeune polonaise qui suit une formation d’ingénieur. Leur histoire d’amour les conduit en Pologne où Bouhel est présenté à la famille d’Ulga. Mais un tragique accident fait basculer sa vie. Lors d’un accès de démence, le frère d’Ulga menace sa soeur avec un couteau. En voulant s’interposer, Bouhel tue le frère accidentellement. Bouhel est jeté en prison en attendant qu’il soit traduit en justice. Mais l’avocat commis d’office n’est pas très rassurant sur l’issue du procès. En désespoir de cause Bouhel contacte son frère Fodé au Sénégal et lui demande d’intercéder auprès des puissantes divinités du pays Sérère pour le faire libérer. L’auteur confronte deux cultures, deux manières de résoudre notre rapport au monde, avec une intelligence et une créativité littéraire qui impressionnent. L’écriture de Felwine Sarr est envoutante et d’une richesse qui se déploie au fil des pages.
La peur des autres – proches ou lointains – se transforme en repli sur soi, souvent en mépris, rejet. Plus encore, elle fonde des politiques. C’est ainsi que naît l’indésirable, image spectrale et effrayante de celle ou celui qui peut être chassé à la frontière, nationale ou urbaine, voire abandonné à la mort.
Il n’y a pas de compromis possible avec ces politiques de la peur et de la haine des autres. Une autre description du monde, un autre horizon des possibles et d’autres imaginaires sont nécessaires pour redonner à chacun et chacune le sens et le courage de la vie commune.