Dim. 14h, Auditorium

Après-midi autour du Prix Kessel : « Je suis la mémoire du rien »

21 mai 2023.
 

À 14h, l’après-midi commençait par la remise du prix Joseph Kessel de la Scam 2023 à Sibylle Grimbert.

En suivant, une rencontre avec des passeuses déterminées à faire exister la lutte, la résistance, les disparu·es. Aliyeh Ataei collecte les récits inaudibles des réfugié·es fuyant l’Afghanistan (La frontière des oubliés) et Justine Augier (Croire) fait de son écriture le lieu de l’engagement. Témoigner serait-il un devoir moral face à la volonté d’annihiler ? « Écrire comme un défi courageux à la mort », lance ainsi Samar Yazbek dans les Portes du néant. Car les mots sont « une reproduction de la vie », des traces de ce qui n’est plus, imposent leurs présences contre la destruction.

Une table-ronde animée par Pierre Haski, à réécouter ci-dessus ! Interprète : Julie Duvigneau.

Au terme de la table ronde était projeté Myanmar Diaries, meilleur documentaire à la Berlinale 2022. Un film profondément courageux, tourné dans la clandestinité par un collectif anonyme de jeunes cinéastes, qui retrace à travers des histoires personnelles la répression de la population birmane par la junte militaire après sa prise de pouvoir en février 2021.

 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

La frontière des oubliés

Gallimard - 2023

Neuf récits reliés composent La frontière des oubliés et retracent le parcours de l’autrice, depuis sa fuite enfant de l’Afghanistan pour se réfugier en Iran, jusqu’au présent. Dans chacune de ces vignettes de vie, elle brosse le portrait de ses compatriotes exilés, des « frontaliers » qui portent tous des traces de la guerre, des plaies profondes marquées par des balles invisibles. À chaque rencontre, l’autrice s’interroge sur la violence, l’exil et l’identité. À partir du récit de son propre vécu, Aliyeh Ataei embrasse plus largement ici le sort de tous les exilés, de tous ceux qui ont hérité des « chromosomes de souffrance » qui se transmettent de génération en génération.

Traduit du persan par Sabrina Nouri

 

DERNIER OUVRAGE

 
Récit
Essais

Croire

Actes Sud - 2023

Justine Augier, qui pratique et incarne une forme de pudeur et d’éthique littéraires assez uniques, voit son projet d’écrire sur la littérature comme lieu de l’engagement entrer en collision avec la maladie et bientôt la mort de sa mère. Alors que la nature même de l’urgence mute, l’intime et l’universel se tressent dans un texte bouleversant de justesse et de clairvoyance. Et qui rappelle le potentiel devenir résistant de chaque lecteur.

À l’intersection du littéraire et du politique un livre bref et fulgurant qui trouve sa place entre Hannah Arendt et Joan Didion. Pas moins.

 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

La demeure du vent

Stock - 2023

Ali, un soldat de l’armée syrienne de 19 ans, gît à quelques pas d’un arbre. Il a une vision, celle d’un enterrement. S’agit-il du sien ? Tandis qu’il reprend ses esprits, Ali se souvient : c’étaient les funérailles de son frère. Il y a un an peut-être.

Ali comprend alors qu’il a dû être blessé par une bombe et tente de localiser la douleur, d’identifier la blessure. Son désir le plus cher est de s’envoler jusqu’à l’une des branches de l’arbre. Les arbres ont toujours été son refuge, sa maison. Ils n’ont pas de secret pour lui. Là-haut, il serait également à l’abri des animaux sauvages après le coucher du soleil.

Tout en essayant péniblement de s’en rapprocher, Ali se remémore différents épisodes de sa vie, de sa naissance auréolée de mystère à la gardienne presque centenaire du sanctuaire de son village qui l’initie à leur foi ancestrale, jusqu’à son arrivée au poste de contrôle de l’armée où il est enrôlé de force.

Enfant silencieux et contemplatif, inadapté à l’école, Ali est d’une rare force et agilité. Sa sensibilité ainsi que son amour et sa profonde compréhension de la nature lui confèrent une aura presque mystique. Son chemin semblait tout tracé, menant ultimement au sanctuaire et aux arbres qui l’ont vu naître. Mais la guerre en a décidé autrement…

Dans La demeure du vent, Samar Yazbek explore avec force et poésie la puissance de la nature, et la vanité des hommes. Elle révèle la richesse de la foi alaouite et sa relation aux éléments. Au cœur du roman, un appel universel au retour à la terre au sens le plus primitif.

Un grand texte sur la beauté et l’âpreté de la vie.

Traduit de l’arabe (Syrie) par Khaled Osman et Ola Mehanna

 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

Le dernier des siens

Anne Carrière - 2022

1835. Gus, un jeune zoologiste, est envoyé par le musée d’histoire naturelle de Lille pour étudier la faune du nord de l’Europe. Lors d’une traversée, il assiste au massacre d’une colonie de grands pingouins et sauve l’un d’eux. Il le ramène chez lui aux Orcades et le nomme Prosp. Sans le savoir, Gus vient de récupérer le dernier spécimen sur terre de l’oiseau. Une relation bouleversante s’instaure entre l’homme et l’animal. La curiosité du chercheur et la méfiance du pingouin vont bientôt se muer en un attachement profond et réciproque.
Au cours des quinze années suivantes, Gus et Prosp vont voyager des îles Féroé vers le Danemark. Gus prend progressivement conscience qu’il est peut-être le témoin d’une chose inconcevable à l’époque : l’extinction d’une espèce. Alors qu’il a fondé une famille, il devient obsédé par le destin de son ami à plumes, au détriment de tout le reste. Mais il vit une expérience unique, à la portée métaphysique troublante : qu’est-ce que veut dire aimer ce qui ne sera plus jamais ?

À l’heure de la sixième extinction, Sibylle Grimbert interroge la relation homme-animal en convoquant un duo inoubliable. Elle réussit le tour de force de créer un personnage animal crédible, de nous faire sentir son intériorité, ses émotions, son intelligence, sans jamais verser dans l’anthropomorphisme ou la fable. Le Dernier des siens est un grand roman d’aventures autant qu’un bouleversant plaidoyer dans un des débats les plus essentiels de notre époque.