WILLIAMSON Eric Miles

États-Unis

6 mars 2012.
 

Biographie

Eric Miles Williamson - Étonnants Voyageurs - Saint-Malo 2012 © Gaël le Ny

Eric Miles Williamson est un auteur américain à part, à l’écriture franche, voire radicale. Pas du genre à se préoccuper des conventions ni à saluer au garde-à-vous, il voue pourtant un grand respect à un auteur, dont le fantôme hante toute son œuvre : Jack London. Les deux romanciers partagent en effet un même destin, à commencer par le lieu où ils grandirent : Oakland, en Californie, ghetto portuaire, aussi sinistre en 1961 lorsqu’Eric Miles Williamson y voit le jour, qu’en 1878 lorsque la famille de Jack London s’y installe pour échapper à l’épidémie de diphtérie qui sévit à San Francisco. Privés de leur père, l’un comme l’autre eurent à souffrir de la maladie de leurs mères, s’employèrent à de nombreux boulots ingrats dès l’adolescence, vécurent dans la rue, tentèrent de fuir vers un improbable ailleurs, là-haut, dans le Grand Nord, pour finalement devenir écrivains. Enfin, il y a chez ces deux figures une commune attention révoltée au sort des pauvres, le « peuple des abysses » comme le nommait Jack London.

Le premier roman d’Eric Miles Williamson, Gris-Oakland, finaliste du Prix PEN/Hemingway en 1999, fait l’effet d’une bombe. Le livre dresse le portrait d’une ville, et de ses travailleurs que la Machine avale sans égards ni remords. On salue partout la naissance d’un grand écrivain et bien entendu, à la lecture de cet âpre roman, ode à la dignité des hommes, on ne se prive pas de le comparer à Jack London. C’est que Williamson sait exactement de quoi il parle : avant de trouver son emploi de professeur à l’université, qu’il occupe toujours aujourd’hui, il a été durant plusieurs années ouvrier dans le bâtiment.

Une expérience qui nourrit également son second roman, qui sort finalement en France en 2008 : Noir béton. Plutôt que de céder aux sirènes de la gloire littéraire, Eric Miles Williamson a pris du recul et tout son temps pour cette deuxième livraison. Sept ans durant lesquels il travaille comme professeur d’anglais mais aussi comme critique littéraire pour l’American Book Review, Boulevard ou la Texas review et fait parler de lui pour ses positions radicales contre l’establishment littéraire. En ligne de mire, Philipp Roth, a qui Williamson adresse les mots avec lesquels Jack London jugea Henry James : « Est-ce que l’un d’entre vous peut me dire à quoi rime toutes ces conneries ? » achevant : « si je ne trouve rien à piquer chez un auteur, je considère qu’il ne vaut pas la peine d’être lu. »

Mordant, sans complexe et toujours aussi entiché de Jack London, Eric Miles Williamson publie en 2007 un triptyque littéraire, Oakland, London & me – tout à la fois autoportrait de l’auteur, hommage amer à sa ville et biographie de Jack London – encore inédit en France. En 2011, avec Bienvenue à Oakland, Eric Miles Williamson descend une fois de plus au coeur du ghetto d’Oakland, sur les traces de rebuts de la société, qui voient dans leur déchéance et leur marginalisation le dernier espace de liberté de notre société.


Bibliographie :


Présentation de Bienvenue à Oakland

Traduction par Alexandre Thiltges.

spip_logoÉtats-Unis, de nos jours. T-Bird Murphy, la quarantaine, fils d’immigrés irlandais, se terre dans un box de parking. On le soupçonne d’un crime qu’il n’a peut-être pas commis. Incarnation du quart-monde occidental, T-Bird écrit sa rage. Un long monologue intérieur, animé par les figures de son passé, qui vient tromper sa solitude et mettre des mots sur la violence de l’exclusion.
T-Bird a grandi dans le ghetto noir et mexicain d’Oakland, une ville industrielle qui rejette les Noirs, les Chicanos et les Blancs pauvres vers les décharges, sur les bords pollués de la baie de San Francisco.
Pour faire mentir le destin, il a sacrifié à la sainte trinité : études, mariage et consommation. Il a fait tous les petits boulots, vécu dans les pires conditions. Mais on n’a jamais voulu voir en lui que l’enfant de ses origines, fauteur de troubles en puissance.
Renvoyé à sa misère et du fond du chaos qui l’a englouti, il revendique la déchéance comme nouvelle forme de liberté, et la solidarité comme espérance de dignité.


Revue de presse :


Présentation de Noir béton :

Traduction par Christophe Mercier.

San Francisco, Etats-Unis. Broadstreet, Rex, Juan, Don Gordo et les autres vivent dans la gunite, cette glaise collante faite de ciment et d’eau dont ils arrosent les fondations des immeubles, les piles de ponts, les tunnels et les digues. La gunite fait leur fierté, elle les exalte et les dresse contre les éléments. Elle les dévore aussi. Car Broadstreet, Rex, Juan, Don Gordo et les autres vivent au bord des sables mouvants. Fatigue, alcool, intrigues et pauvres expédients creusent la solitude, rongent l’équilibre, la vigilance, l’espoir, la famille et les dents.
Noir Béton, c’est le quotidien de ces hommes précaires, violents et solidaires. C’est le travail au noir, la dureté des patrons, l’impuissance des syndicats. Le portrait magnifique, lancinant, d’un peuple voué, au rythme d’une poésie anonyme, à l’édification d’un empire qui ne les reconnaît pas.


Présentation de Gris-Oakland :

Oakland, c’est l’envers du rêve californien : des ghettos délabrés où végètent les victimes des crises industrielles successives, des quartiers où la pauvreté et la violence sont monnaie courante et font voler en éclats le mythe du melting-pot américain. C’est là que T-Bird Murphy passe son enfance, puis son adolescence, d’abord chez sa mère qui héberge un gang de Hell’s Angels puis dans une caravane, derrière la station-service où son père, tout juste sorti de prison, s’oublie en travaillant comme une bête de somme. T-Bird évolue dans un monde crépusculaire où la mort n’est jamais loin, aussi bien celle de ses ennemis dont il faut se faire respecter, que celle de
ses proches, comme ses deux jeunes frères qui meurent sous ses yeux, victimes des préjugés racistes qui opposent les Irlandais aux Mexicains.
Mais Oakland est aussi la ville natale de Jack London et, comme lui, T-Bird ressent l’appel du grand large, cette envie de vivre enfin libre. Gris-Oakland est le récit d’une enfance pauvre, ouvrière et laborieuse dans l’Amérique des années soixante et soixante-dix, un monde de durs à cuire à qui la vie n’a jamais fait de cadeau et qui ne peuvent compter que sur leur force physique pour survivre. À travers le parcours accidenté de T-Bird, l’auteur trace un tableau impitoyable du monde du travail américain où les ouvriers originaires du pays ne valent pas grand-chose, et les ouvriers immigrés, ces fameux wetbacks qui ont traversé le Rio Grande, carrément rien du tout.
Jamais misérabiliste ni geignard, Gris-Oakland nous présente des hommes fatigués, parfois écrasés par le rouleau compresseur de l’économie, mais des hommes dignes, des hommes toujours debout