GUIBERT Emmanuel

France

27 mars 2009.
 

L’un des premiers mots d’Emmanuel Guibert a été "crayon". À six ans, il dessinait à plat ventre sur le tapis - maîtrisant déjà la perspective - et à douze, il bouclait ses premières histoires. Dès son enfance, il visite les musées, feuillette les livres sur la peinture, lit des romans et sait déjà ce qu’il veut faire : raconter des histoire, "comme Gosciny".
Après un bac littéraire et quelques mois aux Arts Décos, il se lance dans le monde professionel, créant illustrations et story-board pour le cinéma. En 1992, il publie Brune, sa première bande-dessinée, retraçant la montée du nazisme en Allemagne dans les années trente. Deux ans plus tard, il emménage dans l’atelier de Vosges, berceau de la Nouvelle Bande-Dessinée, et y reste quatre ans, côtoyant ceux qui sont depuis devenus des amis et parfois même des collaborateurs. Il y rencontre notamment David B. ou Joann Sfar avec qui il co-signe en 1997 La fille du professeur - primé à Angoulême par l’Alph’art coup de coeur et le prix Gosciny - ainsi que la série Les Olives noires. S’ensuivent de nombreuses publications (Le photographe, Les Sardines de l’espace...) pour lesquels il se fait tour à tour dessinateur et scénariste, parfois même les deux comme pour La Guerre d’Allan.
Invité en 2007 à séjourner à la Villa Kujoyama, il y passe quatre mois et publie aujourd’hui le fruit de cette expérience : Japonais, un album loin - très loin - du manga, définitivement plus proche du livre d’art que de la bande dessinée. Écrire, peindre, dessiner, Emmanuel Guibert saurait-il tout faire ?


Bibliographie :


Présentation de Japonais

« Emmanuel Guibert, japonais. Le titre est culotté. Si je mets bout à bout mes trois séjours au Japon, j’obtiens à peine quatre malheureux mois. À côté de l’autochtone qui descend de la déesse Amaterasu, à côté de Lafcadio Hearn, de Nicolas Bouvier, des copains et copines qui vivent au Japon depuis des années, je suis la grenouille qui veut se faire plus grosse que le sumotori. Pourtant, pas à tortiller, Emmanuel Guibert est bien japonais.
Débarquant à Tokyo la première fois, j’ai essayé de me convaincre que j’étais dépaysé, c’était faux. À part quelques aliments dans mon bol, je reconnaissais tout. Il faut dire que Tokyo n’est pas mon lieu de naissance. Mon lieu de naissance, c’est Kyoto. C’est à Kyoto que j’ai fait les primes expériences du chaud et du froid, du jour et de la nuit, que j’ai dit mon premier mot (« fude »), que je suis allé à l’école, que j’ai perdu ma fleur de cerisier, que je me suis marié, que j’ai engendré, que j’ai frénétiquement bossé, que j’ai été malade, que j’ai pris un coup de vieux, c’est à Kyoto que j’ai été japonais. » C’est ainsi qu’Emmanuel Guibert présente son livre. Et, bien sûr, tout est faux et tout est vrai.

Chaque livre d’Emmanuel Guibert est un éblouissement. Guibert, japonais n’échappe pas à cette règle absolue. De son dessin, qu’il plie aux exigences des univers, humoristiques, fantasmatiques ou réalistes, qu’il explore, transpirent l’originalité, l’intelligence et l’émotion, jamais apprêtées car toujours retenues à la juste expression. Son trait glisse directement de son cerveau et de son cœur sur la feuille. Il ne faut pas croire pour autant à la seule facilité d’un dessinateur surdoué, tombé dans la marmite de l’excellence quand il était petit. Oui, l’enfance, le bonheur de l’enfance toujours présent, l’accompagne constamment, mais des heures de dessin, chaque jour ou presque, depuis tant d’années, croquis pris sur le vif, véritable fringale, le maintiennent en éveil et aiguisent sa main-outil.
Par son trait même, il dit le goût des autres et le sens de l’amitié. Emmanuel Guibert est un auteur du bonheur. Il faut tout lire d’Emmanuel Guibert, tout regarder. On en garde à jamais le sentiment d’être vivant.